L'institut

Quand deux maîtres de la bande dessinée argentine s'associent pour produire une histoire érotique, ils envisagent un univers déjanté où leurs héroïnes (et les femmes de façon générale) sont humiliées, maltraitées, considérées pire que des bêtes. A l'instar de Lilian et Agathe, pour s'en sortir, il faut disposer de pouvoirs spéciaux, d'une force mentale exceptionnelle, voir surnaturelle.
Dans ce premier épisode de leurs aventures, Lilian rencontre Agathe en 1881 dans un établissement anglais destiné à éduquer leurs pouvoirs en germe. le dressage est dur et la directrice d'un féminisme totalitaire. A l'intérieur de ce lieu strict et sinistre, l'apprentissage des choses du sexe s'avère brutal. Incandescent. Pas question ici d'amour à l'eau de rose. Seulement des violences entre filles. du saphisme contraint. Des rêves où les hommes sont des rustres en rut. Et d'une réalité qui dévoile un monstre dégénéré, reproducteur de la caste... en somme, l'horreur !
Un univers à couper le souffle, "Le Village des Damnés" en version hard boiled X.
Le jour de la naissance de Lilian, sa mère meure en couche. Quand son père apprend que son épouse était enceinte avant leur mariage, il se suicide. La grand-mère maternelle de Lilian la confie alors à ses tantes maternelles. Quand Lilian à 15 ans, en 1881, ses tantes l'inscrive dans un institut austère, spécialisé dans l'éducation des jeunes filles. Or, l'institut s'avère être bien différent des autres. Il élève des jeunes femmes dans la haine des hommes, dans le culte d'Ishtar, Déesse protectrice des femmes. L'institut va révéler à Lilian qu'elle est une prêtresse d'Ishtar et qu'elle doit apprendre à développer ses pouvoirs qui lui permettront de résister aux hommes. Dans l'institut, les filles tentent d'abuser de Lilian, c'est là qu'elle va rencontrer Agathe...
Editée par les éditions Dynamite et distribuée par La Musardine, on pourrait penser qu'il s'agit là d'une simple bande dessinée pornographique. Détrompez-vous. Sous l'effet de dessins très durs, sans nuance, avec des visages frustrés, en colère, en résistance (il y a peu de sourires dans ce livre), même si le graphisme est explicite, le sujet est beaucoup plus grave et profond que la couverture peut laisser nous le croire. Ce livre est avant tout une revendication contre les dogmes absolus, contre l'inégalité et la dictature subie par les minorités. Il est empli de féminisme, de revendication à la liberté. Sans doute que les auteurs qui ont subi la dictature argentine ont été influencés par leur vie sous ce régime criminel. Toute l'horreur de ce vécu rejailli sur le scénario. Il faut donc le lire entre les lignes. Les pauvres héroïnes sont avant tout des victimes de préjugés. L'éducation devient propagande, dressage, lavage de cerveau. Elles tentent de résister, de se protéger, de conserver leur intégrité et leur personnalité. C'est par la magie noire qu'elles trouveront la force de résister. Magie qui dut cruellement manquer aux auteurs pour se libérer des despotes argentins, qui, sous le couvert de la religion, imposèrent un régime cruel. C'est donc un livre érotique mais bien noir mais avec une lueur d'espoir qui tend vers la liberté. Il y a une suite mais ce premier tome est à lire, à relire avec un autre regard. Quand l'érotisme se veut revendicateur, manifestant...