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Critique de berni_29


Je viens de relire Des souris et des hommes de John Steinbeck. Sans doute la troisième ou quatrième lecture, je ne sais plus. Je redécouvre toujours avec plaisir et émotion ce texte, je me rends compte aujourd'hui que je n'imaginais pas sa portée, sa force.
Pour celles et ceux qui ne connaissent pas ce court roman, nous sommes dans l'Amérique profonde, celle des année trente, en pleine crise économique et sociale. Ici nous sommes dans la Californie rurale. Deux hommes, George et Lennie, vont de ferme en ferme pour proposer leur main d’œuvre.
Ils ont un rêve tous les deux et ce n'est peut-être pas le fameux rêve américain.
Dans ce récit très court, on ne sait pas grand-chose de ce qui lie George et Lennie. C'est une sorte de tandem atypique. Plus tard, on découvre ce qui les lie, mais rien de familial. le lien est autre, une proximité avec la tante de Lennie, rien d'autre, rien qui ne permet d'expliquer cette fraternité...
Lennie est un type demeuré et démesuré, ses mains énormes semblent tendues vers la vie, capables à la fois de caresser et de broyer. C'est un peu cela qui va servir de fil conducteur à ce roman. Mais dire cela serait trop réducteur.
En effet, ce roman est adossé à une toile de fond sociale. À première vue, elle n'est pas flagrante. Mais on s'en rend bien compte au fur et à mesure que nous avançons dans le récit.
Le rêve de George et de Lennie est d'avoir un jour leur propre ferme, avec de la luzerne et des lapins qui courent. Ce qui compte pour Lennie, c'est surtout de pouvoir caresser ces lapins...
Ils avancent tous les deux, on sent déjà le chemin à venir qui les attend, une marche implacable, c'est comme une tragédie antique, quelque chose déjà d'inscrit dans leurs pas et dans les mains gigantesques et incontrôlables de Lennie.
George et Lennie parviennent à une ferme et posent leurs besaces. Ici c'est un endroit, un creuset qui semble avoir recueilli tout ce que la misère du moment est possible d'accueillir. La tension est extrême à plusieurs titres. La patron est intraitable, son fils Curley aussi dur que lui, affublé d'une femme qui est une sorte de poupée indocile prête à allumer le feu au moindre pas où elle avance... George est attentif, il est aux aguets face à l'attitude de son ami Lennie. C'est un endroit explosif...
Je me suis demandé où était la morale du roman, et d'ailleurs y en a-t-il une ? Car enfin, dans une Amérique violente et raciste, qui rejette les laissés-pour-compte, les personnes cabossées, rejetées par la société, qu'en est-il du destin de George et de Lennie ? Est-ce cette société maltraitante qui les a obligés à se retrouver ensemble ? À obliger George de devoir s'occuper de Lennie ? Car qui donc dès lors s'occuperait du sort de Lennie, simple d'esprit ?
Qui s'occuperait de Lennie épris de pureté et de gentillesse, celui-ci même qui est capable par ces bras immenses de tuer les souris sans le vouloir, les petits chiens ? Il incarne en même temps l'innocence et le mal.
Ils sont là dans cette ferme, se posent. Pour combien de temps ? On dirait que le temps ici n'est pas le même que le nôtre. Il y a le temps social, il faut presque vivre au jour le jour, se satisfaire du travail que l'on trouve chaque matin. Et puis il y a Lennie... C'est dur pour George de trouver du travail avec Lennie, ce n'est pas qu'il ne soit pas fait pour le travail, au contraire, ses bras immenses et sa force herculéenne font souvent la différence, mais voilà ses mains maladroites font aussi la différence, d'une autre manière et il faut tout le temps fuir à cause de cela, partir pour une nouvelle étape, recommencer ailleurs...
Dans ce merveilleux récit, j'ai éprouvé une admiration pour le personnage de George. Rien n'est vraiment précis sur les raisons pour lesquelles il accompagne et protège ce compagnon de voyage un peu encombrant qu'est Lennie. George est peut-être tout simplement généreux, altruiste, a envie de protéger Lennie parce que celui-ci est faible, parce que sans George, Lennie serait broyé dans cette société impitoyable. D'ailleurs, qui d'autre que George saurait prendre soin de Lennie ? Visiblement, Lennie n'a plus de famille, où personne de sa famille ne veut plus s'occuper de lui. C'est aussi un aspect cruel de cette Amérique.
Je me suis demandé alors si cette Amérique avait changé, si l'Amérique contemporaine pouvait encore produire et propulser sur ses routes des personnages comme George et Lennie...
John Steinbeck est un merveilleux peintre de cette société américaine des années trente, son regard porté sur ceux qui sont maltraités, cabossés, bousculés sur le plan social. À plus d'un titre, j'ai pensé à un écrivain que j'adore plus que tout, et ceci pour les mêmes raisons. John Steinbeck ne ressemble-t-il pas un peu à Émile Zola ?
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