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Critique de JIEMDE


Qui aspire à écrire ou peine à le faire devrait impérativement lire ce livre !

En 1951, alors qu'il attaque l'écriture de la Vallée de Salinas - qui deviendra ensuite À l'Est d'Eden - John Steinbeck entreprend de tenir en parallèle le journal de bord de ce qu'il espère être son chef d'oeuvre, par le biais de lettres adressées à son éditeur Pat Covici.

Si la partie droite de son cahier lui servent à coucher les deux pages quotidiennes de l'histoire familiale des Trask et des Hamilton, celles de gauche recueillent ses ambitions, ses doutes, ses colères ou ses petits aléas de la vie quotidienne.

Dans Les lettres d'À l'Est d'Eden, Steinbeck fait passer le lecteur de l'autre côté du miroir, s'échappant presque de lui-même pour s'auto-décrire dans son travail, sans concession ni recherche d'empathie, de compréhension ou d'indulgence.

C'est le making-up d'un grand livre, dans ses dimensions les plus hautes – ambition assumée et retard annoncé - comme les plus anecdotiques du quotidien – affres des crayons qui s'épuisent et se rachètent par quatre douzaines.

« J'espère juste qu'il ne sera pas ennuyeux. Mais s'il devait l'être, qu'il en soit ainsi. Parce que, comme je l'ai déjà dit, le livre va suivre sa propre cadence. Je vais le diriger, mais pas le pousser. »

On découvre Steinbeck très respectueux de son livre qui n'en est pas encore un, soucieux de ne pas en hâter le rythme, mais beaucoup moins de l'accueil qu'il recevra ou des ventes que Pat en prévoit.

« Ce livre devra traverse le même enfer que les autres et pour les mêmes raisons. Ce ne sera pas ce qu'on attend et donc ceux qui attendent ne l'aimeront pas. Et donc jusqu'à ce qu'il parvienne à ceux qui n'en attendent rien et sont prêts à emboiter le pas de l'histoire, personne ne sera susceptible de l'aimer. »

On le voit également tourmenté - « Il y a en moi tant de violence. Parfois je suis horrifié de la quantité. » - ou colérique : « Que Dieu me protège des amateurs. Ils ne savent pas ce qu'ils lisent (…) Ils ont l'autorité de l'ignorance et c'est une chose impossible à combattre, tout simplement. »

On découvre enfin l'auteur côté coulisses, secondé par sa deuxième femme Elaine qu'on sent indispensable, fusionnel avec ses deux fils Tom et John, bricoleur de génie ou étonné de la façon dont le grand Kazan va donner vie au cinéma à son précédent livre.

Ce recueil n'est qu'un de plus sur le travail de l'écrivain. Mais en abordant l'écriture par le savoir-être avec son livre à venir, plus que par le savoir-faire technique déjà traité par tant d'autres, Steinbeck offre un regard différent qui devrait être lu par tous ceux qui se confrontent à ce révélateur de soi-même, dans un livre passionnant du début à la fin et d'une actualité intacte.

« Une étrange affaire mystique, l'écriture. Aucun progrès n'a été fait, pour ainsi dire, depuis qu'elle a été inventée. »
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