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Critique de storti


Cathy Bernheim Décembre 2008
« Quelque chose m'entraîne, me mène là où je ne savais pas que j'irais », constate Martine Storti à la page 122 de son récit.
Lucide, quoiqu'un peu déroutée, elle récapitule. « J'étais dans ce projet, en lien avec l'enjeu de l'émigration-immigration tel qu'il se manifeste en ce début de troisième millénaire, me rappeler que mon père avait été un émigré-immigré, essayer d'imaginer, puisque je l'ignore, comment il avait quitté son pays et comment il était arrivé en France. Sans doute aussi dire à sa place, lui donner les mots qu'il n'a pas eus, ou dont il n'a pas voulu, pour approcher la suite, qui se déroule bien après la guerre, et peut-être est-ce aussi la raison de ce travail, essayer de cerner ce qui reste pour moi énigmatique. J'étais dans les temps actuels, les temps de l'Europe une nouvelle fois aveugle à elle-même et à ce qu'elle fait, et dans un même mouvement, dans une affaire personnelle, une sorte de règlement de comptes, l'expression me convient, des comptes à régler, pour être quitte, surtout pour quitter cette affaire dans laquelle je dois encore séjourner, être quitte d'elle et la quitter. »

Elle résume ainsi son propos, dans la langue retenue, maintenue et raisonnable de quelqu'un qui aime, depuis longtemps, les beaux textes. Elle le fait aussi avec cette écriture précise, incisive et combative qu'on lui a connue en lisant ses articles dans Libération ou ses précédents livres.

Mais bien sûr, pour prendre son essor, un texte doit échapper aux intentions de son auteur. C'est ce qui se produit, dans un enchaînement qui nous entraîne alors jusqu'à la fin du livre et nous permet d'apprécier la qualité de cette voix singulière. Fille de la Raison et du 20° siècle, Martine Storti est aussi fille de Mai 68 et du mouvement des femmes. Elle parvient donc à décrire dans un même élan l'Histoire avec sa grande hache, avec son cours incessant qui entraîne les plus démunis dans sa tourmente, et la vie d'une petite fille observatrice et fine qui deviendra une femme en mouvement.
Elle brosse le portrait d'un père ouvrier qui n'a jamais rien dit de ce qu'il pensait, mais dont l'existence, a posteriori, se révèle porteuse de sens pour ceux qui lui survivent. D'une mère de famille d'une autre époque qui raconte sa vie en termes simples mais infiniment justes. D'une grand-mère à l'ancienne et à l'italienne, avec raviolis fait mains pour toute la famille. D'une tante frimeuse qu'on croirait sortie d'un film façon « Mon Oncle »… Ou encore d'un homme venu d'Afrique ou d'ailleurs, échouant épuisé sur une plage italienne après un long périple en mer. D'ombres errant autour de Calais en attendant quelque chose qui ne vient pas : le respect de l'État qu'ils traversent.
Martine Storti parle depuis ce point d'équilibre où la vie pers
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