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Critique de Kenehan


Challenge Petits Plaisirs 2014/2015

En 1976, Bruno Bettelheim publie son ouvrage "Psychanalyse des contes de fées", devenu aujourd'hui une référence. Cependant, Pierre Sultan émet trois critiques : Bettelheim privilégie les textes des frères Grimm à ceux que Perrault, il se focalise sur les héros et son analyse se rapporte exclusivement aux fantasmes infantiles et processus intrapsychiques de l'enfant. Partant de ce postulat, il publie "Les contes de Perrault sur le divan" afin de palier les défauts qu'il a noté.

Avant d'aller plus loin, il est important de souligner trois points essentiels à la compréhension et à la lecture du présent livre : mieux vaut avoir lu ou relu l'œuvre de Charles Perrault (Pierre Sultan introduit l'analyse de chaque conte par un résumé synthétique mais je ne pense pas que cela soit suffisant pour se lancer dans l'analyse d'un texte) ; lire l'ouvrage de B. Bettelheim avant celui de P. Sultan ; et avoir quelques notions en psychanalyse. Ceci fait, la lecture devient des plus compréhensibles.

Si je nuancerais les critiques de Pierre Sultan à l'encontre de "Psychanalyse des contes de fées", il faut reconnaître qu'il n'a pas tout à fait tort. B. Bettleheim a tendance à considérer les contes de Perrault comme "des contes de mise en garde" plus que comme des contes de fées ne serait-ce que par la présence d'une morale à la fin. Il n'est pas tendre certes, mais il a le mérite de très bien argumenter sa position. De plus, son analyse englobe bien plus que les contes des frères Grimm puisqu'il s'intéresse aussi au "Cycle de Jack" ou encore aux "Milles et une Nuits".
Quoi qu'il en soit, Pierre Sultan se propose d'analyser l'œuvre de Perrault et je m'en réjouit. Le problème c'est qu'il ne se penche que sur 7 des 11 contes publiés par l'auteur français. Pourquoi ? Pas de raison avancée. Peut-être un écho à son analyse du chiffre 7 dans le chapitre sur le "Petit Poucet" sauf que cela reste tout de même un choix de sa part tout à fait arbitraire qui n'a rien à voir avec Charles Perrault.

Ruminant ma petite déception, je me suis tout de même attelé à ma lecture…
Pour la plupart des contes, Pierre Sultan propose des interprétations que je n'avais encore lu nulle part : la figure maternelle représentée par une trinité mère/grand-mère/loup (Le Petit Chaperon Rouge) ; les portraits psychopathologiques de Peau d'Âne, sa mère et son père ; la projection des désirs de la marraine-fée sur Cendrillon ; ou encore l'éclairage de "la Belle au bois dormant" à la lumière du portrait de Catherine de Médicis.
D'autres parallèles comme celui de Barbe Bleue/Gilles de Rais sont plutôt connus mais reste toujours intéressant à relire ou à approfondir.

Venons-en aux digressions justement. Le livre fait 216 pages (sans compter les annexes, bibliographie et autres suppléments) avec une mise en page plutôt aérée. C'est donc relativement court. Cela n'empêche pas Pierre Sultan de faire de longues digressions plus ou moins pertinentes. Si j'ai pardonné celle à propos de Catherine de Médecis dans le chapitre sur la "Belle au bois dormant" c'est parce que j'ai un petit faible pour cette famille d'origine italienne. En revanche, la pertinence de l'analyse du film de Jacques Demy adaptant "Peau d'Âne" m'a échappée. Le propos de ces digressions est tout à fait intéressant mais il grignote bien trop sur l'analyse des contes. Pour exemple, la biographie de Gilles de Rais est, à elle seule, presque aussi longue que l'analyse complète du "Chat Botté". L'étayage et les illustrations que proposent ces digressions sont un peu trop prégnantes.

Et j'en arrive à un autre point : l'analyse inégale des différents contes.
Pierre Sultan prend un risque en se mesurant à l'ouvrage de B. Bettelheim. Il lui reproche certains points mais peut-il vraiment comparer les deux travaux ? Pas sûr.
A la lecture de "Psychanalyse des contes de fées" de Bettelheim, une relation s'établit entre le lecteur et l'auteur. Ce dernier interprète les contes pour en dégager une structure mécanique opérant sur le psychisme des enfants mais aussi des adultes. Il donne de nombreuses clefs psychanalytiques pour comprendre en quoi les contes participent à notre maturation psychique et propose des "conseils" sur comment lire un conte à un enfant, ou comment répondre à ses questions, etc. Il y a un double aspect didactique et pratique renforcé par quelques cas illustratifs. Le lecteur est invité à observer son rapport et celui des enfants avec les contes à la lumière de ce qu'il vient d'apprendre.
Dans "Les contes de Perrault sur le divan" on oscille entre "séance psychanalytique" des personnages de contes (et en ça le titre du livre est très bien trouvé) et simple analyse littéraire de l'œuvre de Perrault (le chapitre sur le "Chat Botté" frise le hors-sujet). Lorsque l'on referme le livre on reste sur notre faim et c'est bien dommage d'autant que l'épilogue propose des pistes de réflexions assez intéressantes voire même un débat (quel public pour les contes de Perrault ?).

En revanche, comme tout bon ouvrage du genre, il est complété par une bibliographie exhaustive dans laquelle on peut facilement plonger pour approfondir les sujets abordés.

Si je me suis permis ce parallèle entre le travail de B. Bettelheim et de P. Sultan c'est bien parce que l'ouvrage de ce dernier découle, et il ne s'en cache pas, des travaux du premier auteur. Au-delà de ça, le propos n'est pas tout à fait le même, pas plus que l'objectif. Les interprétations divergent (mais pas toujours) et c'est pas plus mal, bien au contraire.
"Les contes de Perrault sur le divan" a été une lecture enrichissante sur bien des points et je remercie Babelio et les éditions Riveneuve pour cette découverte.
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