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Critique de Bibliozonard


C'est le genre de livre que j'affectionne. Celui où dès les premières lignes on sent que ce sera un grand moment.

Californie, Alby vit mal le décès de sa mère. Il attaque tout ce qui bouge comme un Cygne muet, il se réfugie dans l'agressivité envers les humains, dans l'attention millimétrée au sauvetage et à l'éducation de son Cardinal rouge, et enfin dans l'attache qu'il porte à Jason son chien.

C'est un roman élégiaque : il y a un ton qui exprime une peine douloureuse, une mélancolie ; d'ailleurs élégie signifie chant de deuil, chant de mort en grec. Il exprime aussi une sorte de fuite du temps où Alby raconte des souvenirs d'enfance, ses 400 coups, il éloigne cette souffrance du présent, l'amour pour sa mère et la mort de celle-ci.
Matt Sumell est un Lamartine ou un Alfred de Musset des temps modernes, son récit aurait pu être titré « Élégie d'Alby » avec des « Méditations poétiques » : « Une douleur violente, c'est mieux qu'une douleur sourde. » et « Les nuits d'Alby » arrosée avec son père : « Je n'ai jamais étudié la physique, mais il est possible de remplir le silence avec des bouteilles de Bud. »
Le registre pathétique à sa place : émotion intense, les larmes, la violence, la fureur « Je ne sais toujours pas comment souffrir » ; le registre burlesque aussi : style soutenu, très familier, brutal, sexe sans pudeur ; et enfin le registre comique, surtout ironique, à la répartie coup-de-poing « La liste des 7 raisons de cogner sa soeur en plein dans les miches » par exemple.
Un ensemble explosif avec un personnage digne d'un J.D Fiorella du fils Fante, Dan.

Au final, il est conscient de son statut, il dresse un constat subtil :
« Il a le meilleur métier du monde, a-t-elle dit.
-Pas exactement. Ca paie mal », ai-je expliqué.
En vrai c'était de l'argent facile. A part l'ennui et les effluves de merde qui atterrissaient parfois sur ma gueule, ce n'était pas bien compliqué. Tommy, mon patron, me laissait tranquille, je pouvais venir avec Jason, et je pouvais boire autant de soda que je voulais. J'étais assez vieux pour trouver ça agréable, et également assez âgé pour ne plus me soucier de mon crâne dégarni et de mes soucis érectiles éventuels. Ma mère était morte, mon père était gâteux, je n'avais pas dormi ou chié droit depuis l'âge de vingt-neuf ans, et j'avais basculé en une nuit. J'étais jeune et , bim, tout à coup je ne l'étais plus. Et avec tout le temps libre que j'avais passé à m'asseoir sur le ponton, j'avais pu dresser un inventaire exhaustif de ma vie, jour après jour, et me dire : C'était donc ça ! Huit dollars l'heure à roupiller ? […] Depuis mon fauteuil posé sur le ponton, cela ressemblait à une franche amélioration. Comme tout en fait. »

« En veilleuse » parce que c'est un flux incessant de paroles, de souvenirs débités par torrent ; afin d'éviter un mal profond.
« Ce serait une bonne journée pour naviguer sur la rivière, a dit mon père.
- Ouais. Si seulement on avait un bateau.
- J'ai un bateau. Je l'ai acheté à Wally Johnson il y a quelques mois.
Comme il ne m'en avait pas parlé, j'ai cru qu'il se foutait de moi.
« Vraiment ?
- Ouais.
- Et il marche ?
- Ouais.
- Il est à l'eau.
- Oui.
- On y va ?
- Si tu la boucles.
- Vendu.»
Je l'ai mise en veilleuse. »
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