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Place de la fiscalité dans les processus régressifs ou émancipateurs

« L'injustice fiscale a atteint des niveaux record à l'échelle de la planète. Dans les pays du Sud, les conséquences de l'évasion et de la concurrence fiscales se doublent de fiscalités nationales particulièrement régressives. le constat semble aujourd'hui largement partagé, mais les solutions, elles, continuent de diviser. »

Dans son éditorial, Pour une fiscalité juste… et transformatrice ?, Cédric Leterme aborde, entre autres, la baisse des impôts pour les riches et les entreprises, l'évasion et l'optimisation fiscale, les paradis fiscaux, le positionnement néolibéral qui considère que l'« impôt comme injuste et inefficace », le mythe du ruissellement, la concentration des richesses et des patrimoines…

L'auteur détaille la « Double injustice pour le Sud », l'évasion fiscale, les besoins d'investissements, « les pays en développement voient s'échapper chaque année vers les paradis fiscaux l'équivalent de trois à seize fois ce qu'ils reçoivent en aide au développement ou en investissements directs étrangers », les fiscalités nationales régressives, le faible poids des impôts en termes de pourcentage du PIB, la structure des impôts avec la prépondérance des impôts indirects, la sous-utilisation des impôts au potentiel plus redistributif, les avantages et les cadeaux fiscaux aux entreprises et aux investisseurs étrangers…

Cédric Leterme fournit des explications, tant internes qu'externes, aux différents pays ; indique des « avancées symboliques enregistrées dans la lutte contre l'injustice fiscale, dont témoigne notamment la fréquence avec laquelle le sujet s'invite dans les médias et les grandes rencontres internationales » et trace des perspectives « Pour un ordre fiscal mondial plus juste ».

Il insiste aussi sur le caractère multidimensionnel d'une « justice fiscale », les articulation entre les dimensions « écologique, économique, sociale, de genre », les effets de la fiscalité – sa non-neutralité – en termes de genre, les limites de la « justice fiscale » comme outil d'émancipation, « il faut se garder de la fétichiser et de la voir comme une fin en soi »…



Sommaire

Editorial :Cédric Leterme : Pour une fiscalité juste… et transformatrice ?

Points de vue du Sud

Monde

Tarcisio Diniz Magalhaes : Réparer la gouvernance fiscale mondiale

Ronen Palan : Paradis fiscaux : histoire, techniques et critiques

Afrique, Amérique latine, Afrique

Neeti Biyani : Asie : politiques fiscales régressives et hausse des inégalités

Claire Kumar : Afrique : combattre les inégalités par la fiscalité

Rodolfo Bejarano, Jorge Coronado, Adrian Falco, Luis Moreno : Amérique latine : stop à l'évasion et aux injustices fiscales

Genre

Mae Buenaventura, Claire Miranda, Mae Buenaventura : Fiscalité et égalité de genre selon le fonds monétaire international

Caroline Othim : Justice fiscale pour les droits des femmes : une campagne mondiale

Environnement

Sergio Martín Carrillo, Alfredo Serrano Mancilla, Ana Rivadeneira Alava, Nicolás Oliva Pérez, Sergio Martín Carrillo : Une politique latino-américaine d'écotaxes ?

Antonio Elio Brailovsky : Payer pour polluer ? Débat fiscal éthique et politique



Je laisse de coté les questions de vocabulaire, les mots importés du néo-libéralisme comme gouvernance, équité… sans oublier la confusion entretenue entre la souveraineté étatique et la souveraineté populaire.

Les normes fiscales prônées par l'OCDE ou le FMI ont été élaborées, hors de l'avis et des intérêts des Etats du Sud global, sans prise en compte des rapports de pouvoir (il faut souligner qu'il en est de même pour les règles fiscales dans les Etats du Nord global). Et si je trouve discutables les termes de justice fiscale, (c'est justement parce qu'il y des rapports d'inégalité que la fiscalité est nécessaire), d'autodétermination fiscale (sans dire qui décide), de souveraineté fiscale (qui ne saurait être totale, car rien n'empêcherait alors un Etat de décider d'une fiscalité plus faible que celle des autres Etats), la « coopération internationale » implique que les intérêts du plus grand nombre soient discutés et pris en compte, que la fiscalité ne soit pas pensée comme seulement « technique » et hors du champ du pouvoir.

Les paradis fiscaux, leurs axes de développement : « l'imposition faible ou nulle pour les non-résidents, la facilité de constitution de sociétés et le secret bancaire », leurs pôles de développement – il ne s'agit pas de pratiques « exotiques » -, les transactions offshore, les résidences virtuelles, le droit bancaire, les effets de la mondialisation et des techniques informatiques, la difficulté de tracer les véritables propriétaires…

Au delà des différences par pays, régions ou sous-continent, les auteurs et autrices analysent les systèmes fiscaux régressifs, les faibles ratios impots-taxes par rapport au PIB, le poids de la fiscalité indirecte, les exonérations fiscales, la concurrence fiscale, les flux financiers illicites (FFI), l'optimisation fiscale et l'évitement fiscal, la dégradation fiscale, les pratiques « de pots-de-vin, de corruption ou de blanchiment d'argent », la manipulation des prix, la composante criminelle des flux financiers liés aux « trafics d'être humains, de drogue, d'armes et de contrefaçons », le rôle central joué par les paradis fiscaux, la très faible place de la fiscalité sur le patrimoine, l'imposition de conditionnalités fiscales lors de l'octroi de prêts internationaux, le choix de la TVA plutôt que l'impôt progressif, les zones franches, la non-prise en compte des différentes formes de propriétés et de la concentration de celles-ci, le développement du travail informel, la fiscalité sur les industries extractives et la non publicité des accords miniers…

Les réformes mises en place « ont contribué à réduire significativement la capacité de l'Etat à accroire et à mobiliser ses recettes publiques, avec comme horizon la réalisation des droits humains ». Il faut en effet étudier le déficit provoqué par l'absence de recettes et les effets sur les possibles dépenses.

J'ai notamment été intéressé par les travaux du Réseau pour la justice fiscale en Amérique latine (terminologie invisibilisant les amériques indiennes, afro-américaines, etc.), son agenda de lutte reposant sur quatre piliers : un contrôle fiscal des multinationales, un cadastre des bénéficiaires finaux des profits, l'échange automatique d'informations, un combat contre l'opacité fiscale mondiale.

Règle de progressivité de l'imposition, fin des privilèges fiscaux à l'investissement, agenda pour la justice fiscale, visages de la fraude, monde offshore et ses outils servant « à cacher, évader, fuir et blanchir », situation des « non-résidents », opacité du réseau mondial des services financiers, dollarisation des excédents, flux financiers illicites.

Une partie de la revue est consacrée aux effets genrés des politiques fiscales, tant du coté des recettes que des dépenses, les effets sociaux inéquitables de la TVA, les effets du désengagent des Etats sur la santé des femmes ou sur la lutte contre les violences, le genre des politiques et leurs effets discriminatoires, les études d'impact et leur cécité au genre, « Il y a lieu de tenir compte des biais de genre explicites et implicites qui amènent les femmes à contribuer davantage à l'impôt que les hommes », le fantasme de négociations entre partenaires égaux au sein des familles, les taxes sur la consommation qui pèsent particulièrement sur les femmes, les coûts sexués des pratiques fiscales, les effets de la dette et du sous-investissement, les activités criminelles dont la traite des êtres humains…

La dernière partie est consacré à des discutions autour de la fiscalité écologique, écotaxes, réglementations administratives, coûts privés et coûts sociaux, taxation et interdiction, gestion régionale des bassins hydrographiques et de la protection des écosystèmes, contradiction entre intérêt individuel et interêt collectif, amende et impôt, principe du pollueur payeur….

De manière surprenante, les normes comptables internationales ne sont pas interrogées, ni la possibilité de cumuler les déficits et les bénéfices fiscaux au sein d'un bénéfice monde, ni les outils de transactions financières. Quoiqu'il en soit, les travaux sur une autre fiscalité se développent. Celle-ci doit faire l'objet de débats publics, débats politiques et non « techniques ». Les différents choix devront être soumis aux décisions démocratiques afin que les citoyen·es puissent en être à la fois partie prenante et partie décidante. Ni les asymétries entre pays, ni les différentiels de « développement » et de « besoins », ni les rapports de pouvoir – dont le système de genre – ne peuvent être écartés au nom d'une équité qui est bien le nom néolibéral des inégalités.

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