AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de ElsaK


Merci à Babelio pour cette opération Masse Critique et aux Éditions Les Etaques de m'avoir permis de recevoir « Baîllonner les quartiers » de Julien Talpin.
Sociologue et chercheur au CNRS, Julien Talpin nous offre ici un regard sur les stratégies dont usent les ennemis des militants des quartiers populaires. Je vais citer l'auteur lui-même car ces deux passages expliquent mieux que je ne pourrais le faire ce que vous pouvez attendre de cette lecture :
- «Ce livre explore une autre piste, complémentaire : le rôle des multiples entraves au développement du militantisme dans les quartiers populaires. On ne peut en effet comprendre les difficultés de ces mobilisations sans donner une place prépondérante aux répressions dont elles font l'objet et aux contraintes - matérielles, symboliques et politiques - très fortes dans lesquelles elles s'inscrivent. »
- «  C'est donc toute la gamme de ces tactiques de pouvoir qu'on tentera de décortiquer : de l'interdiction des rassemblements à l'assèchement des ressources matérielles nécessaires à la mobilisation, du délit d'opinion à la criminalisation de la critique sociale ou l'emprisonnement de militants présentés comme des délinquants de droit commun. »

Je ne me considère pas comme une personne naïve, et le choix de ce livre lors de l'opération Masse Critique n'était pas le fruit du hasard : j'aime la sociologie, et connaître les mécanismes de discrédit était en accord avec mes convictions et rejoignait des lectures antérieures.
Cependant, je ne m'attendais pas à découvrir un tel...rouleau compresseur…C'est d'une violence qui donne la nausée : harcèlement, discrédit, tout est fait pour épuiser les forces, casser les équipes, saper les finances. La multiplication des attaques à l'encontre des militants, mêmes vaines et ridicules : tout est mis en oeuvre pour épuiser, décourager, effrayer même les militants . Ces derniers passent plus de temps à se défendre et justifier leurs démarches, donner des preuves du bienfondé de leur démarche...qu'à militer.
Témoignages, enquêtes : Julien Talpin revient sur des luttes, des naufrages. Une fois remise en question la réputation d'une association, ou de l'un de ses membres fondateurs, même si la preuve de la diffamation est faite, le mal est ancré, la suspicion naît : c'est souvent le début de l'effondrement pour l'association.

Ce livre m'a aussi permis de réaliser combien j'étais moi aussi perméable, malgré mes luttes, espoirs, « convictions », mes lectures, et le recul que j'espère garder face à la propagande médiatique. Malgré tout, certaines choses se sont ancrées insidieusement en moi et je les ai découvertes avec surprise : une certaine image des « quartiers » qui me prédispose malgré moi à considérer différemment des revendications qui viendraient d'un village de campagne et de HLM de banlieues. Ça a été un choc de ressentir en moi cette « résistance », cette « construction » qui s'est faite insidieusement au fil des années et que la lecture de ce livre a bousculé. A mon sens, c'est une preuve supplémentaire de l'importance de ce livre: il révèle des mécanismes dont on a à peine conscience, mais qui contribuent à faire le jeu des "puissants".

Le livre de Julien Talpin met aussi en lumière des stratégies qui peuvent devenir des pièges pour la parole populaire, telle la démocratie participative qui finalement devient l'instrument du pouvoir en place qui court-circuite toutes les initiatives venant de la population : s'emparer de la possibilité de pouvoir « dire » pour finalement éteindre les voix.

Discréditer pour faire douter...diviser pour mieux régner ...de vieilles recettes qui marchent si bien !
Dans quel état sort-on de ce broyeur si l'on persiste à défendre les gens des quartiers populaires, à continuer à mobiliser les forces, les ras-le -bol, pour tenter désespérément une amélioration des conditions de vie, une reconnaissance, un peu d'humanité ?

J'achève cette lecture pleine d'une admiration renforcée pour celles et ceux qui portent ces combats et donnent de leur temps, de leur vie, pour aider. Mais aussi emplie d'un dégoût renouvelé pour les machinations pestilentielles de certaines institutions et pouvoirs en place. Triste, également, car, comme le souligne un militant : eux ont l'argent, le temps...et pas nous.
Commenter  J’apprécie          20



Ont apprécié cette critique (2)voir plus




{* *}