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Critique de HordeDuContrevent


Les tankas ont le don de surprendre les amoureux de la poésie. Ancêtres des fulgurants haikus, leur structure métrique si particulière en 31 mores et 5 vers, les trois premiers décrivant une situation les deux derniers apportant le fameux pas de côté, invite au raffinement, à la grâce, à la sensualité très souvent. Voyez plutôt la maîtresse en la matière, Yosano Akiko, avec son « Cheveux emmêlés » qui a remis sur le devant de la scène les tankas au début du 20 ème Siècle :

Court est le printemps
Qu'y a-t-il dans la vie
Qui soit immortel ?
Et j'autorisai sa main
Sur la rondeur de mes seins

Machi Tawara, jeune professeur de littérature japonaise au lycée de Kanagawa, ne s'attendait certainement pas à un tel succès lorsqu'elle publia en 1987 son recueil de tankas. Il a été traduit ensuite en 2007 en français. « L'anniversaire de la salade » s'est vendu à plus de 8 millions d'exemplaires dans le monde. Leur traduction en français fait exploser la rigoureuse structure métrique de sorte que les 5 vers disparaissent pour laisser place à une forme plus libre, comme décorsetée du carcan métrique.

Ces tankas décrivent, par le menu, le quotidien de la jeune femme via ses déambulations urbaines, ses rapports amoureux, son goût pour la mer, la musique, les matchs de base-ball, la cuisine, les moments de solitude et de doute, son métier.
Si la grâce, la sensualité sont certes moins centraux que les tankas classiques, ceux proposés ici conservent cette concision, cette musicalité si belles et surprennent avant tout par leur modernité, cette façon de poétiser le quotidien, parfois dans un langage assez familier, leur fulgurance finalement très proches des haikus.
C'est une forme renouvelée, une approche fraîche et libre qui révolutionne le genre.


Dans l'air marin ton odeur soudain dense…
Prise et serrée dans tes bras
Je deviens coquillage

Que l'on hésite et le temps passe
Mais que l'on regrette il passe encore
Dans sa couleur de thé rouge

Bleu du ciel bleuté de la mer et au milieu
Sur une planche de surf
Toi que je contemple

Le charme du tanka, selon l'auteure elle-même, cette « tension d'avoir à trancher pour rejeter. Ou plénitude d'avoir tranché pour conserver », opère dans ce recueil. Comme tout recueil de tankas, il s'agit ici d'en savourer quelques-uns, de temps à autres, comme on glisserait subrepticement la main dans un paquet de bonbons sans savoir à l'avance leur gout et leur couleur. de petits bonbons aussitôt acides. En retranchant tout ce qui à l'intérieur de nous est vain, ou confus, on se débarrasse peu à peu de toute la graisse superflue qui s'attache à l'expression. On plonge immédiatement dans l'essence de l'émotion.
Ces friandises-là sont d'autant plus surprenantes qu'elles allient modernité et tradition, d'où leur immense succès. Comme un phénomène sociologique, ces petites poésies traduisent les questionnements, les angoisses, les goûts, les loisirs d'une certaine jeunesse japonaise.

Une de ces nuits où l'on se sent
Abandonné de tous Dans l'appartement voisin
Le téléphone ne cesse de sonner

Il n'y a pas de quoi en faire un drame
Posée sur ma main droite toute ma vie solitaire
Dans ce citron pourri



Pour autant je ne suis pas convaincue que Machi Tawara soit la Yosano Akiko contemporaine. Si j'ai aimé parcourir son recueil, pour ma part, je n'ai pas été éblouie par la grâce et l'élégance surannée des Cheveux emmêlés qui reste pour moi LE chef d'oeuvre littéraire en matière de tankas.

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