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Critique de critiquemoi


Ioana Arsene, journaliste roumaine très médiatique, est accidentellement tuée par les gardes du corps de l'homme qu'elle interviewait, vague représentant d'un proche du ministre. Immédiatement, les coupables ainsi qu'un général des Renseignements roumains déshabillent la victime et déposent sa dépouille dans une forêt, afin de se laver de tout soupçon. Dans un pays où la corruption et l'opportunisme semblent primordiaux, l'affaire pourrait s'arrêter là. Mais deux policiers qui font bien leur travail sont exagérément traînés dans la boue, et décident alors de rétablir la vérité, en s'appuyant sur l'aide inespérée que va leur fournir un vieillard qui a apparemment des comptes à régler avec le pouvoir en place.


Des Mecs bien… ou presque est un très bon roman, qui choisit d'explorer une voie pourtant complexe dans laquelle peu d'écrivains se risquent, tant elle peut sembler dangereuse. Depuis la fin de la Guerre Froide, parler de politique ailleurs que dans des essais ne semble pas à première vue la meilleure façon d'attirer des lecteurs, tant l'on peut redouter l'ennui des machinations assommantes, des discussions interminables et des querelles intestines incompréhensibles. En abordant la politique par le biais d'un thriller, Teodorescu joue la carte de la finesse, puisque le suspense de l'intrigue rend au contraire captivants jeux de la politique. Et puis, la politique roumaine, évidemment, est un fait en soi passionnant. Des Mecs bien… ou presque revient brièvement sur la Révolution de 1989, sur le jeu de chaises musicales qui a déterminé la nouvelle attribution des responsabilités, et sur l'apparente impossibilité d'assainir un pouvoir qui n'a jamais réellement changé de façon de faire, bien qu'il ait changé d'étiquette.


Ce roman, publié aux nouvelles éditions l'Ecailler, n'est ni convenu, ni classique, et il peut surprendre par sa facture de nombreux lecteurs, tant sa composition est originale et attrayante. Bogdan Teodorescu qui est journaliste, titulaire d'un doctorat en communication, professeur, et qui occupa même le siège de ministre intérimaire des informations publiques, maîtrise son sujet à la perfection. Ses personnages, tous très différents, sont particulièrement bien saisis : un vieux « salaud » de l'ancienne Securitate de Ceaucescu, deux flics blessés par la vie, dont l'un tzigane, des ministres véreux et des journalistes cupides, le tout formant une soupe acide et relevée risquant d'exploser à tout moment. le roman lui-même est construit de façon très originale, les faits étant classés en chapitre s'intéressant soit à la vie amoureuse des personnages, soit à l'évolution de l'enquête, les titres de chapitre annonçant à chaque fois la couleur. Cette construction très surprenante mais aussi très efficace confère au roman un rythme soutenu et donne au lecteur le sentiment d'être le complice de l'auteur qui lui donne ainsi accès à ses dossiers, en l'avertissant à chaque fois de ce qu'il va y trouver. L'année 2013 a été celle de la littérature roumaine, qui fut saluée lors de nombreux salons littéraires, et Teodorescu n'est en effet pas en reste, en démontrant brillamment par ce thriller original et passionnant que la littérature roumaine se porte bien, y compris dans les registres les plus noirs.


Ce thriller politique dénonce la Roumanie d'aujourd'hui, dont les prétentions démocratiques sont en totale inadéquation avec le fonctionnement réel du politique. Teodorescu dépeint parfaitement comment l'éthique semble, pour ces hommes égoïstes et cupides, une chose dépassée, un fantasme enfantin, une utopie. Mais il démontre aussi que la corruption et le népotisme ne sont pas des choix ni des engagements pour le mal, et qu'ils sont presque des modes de fonctionnement inscrits dans les codes du politique, mais aussi du journalisme, et finalement de toute fonction. Il n'y pas de réelle honte à être corrompu ou à corrompre, au contraire cela en devient presque une opportunité à saisir car cela prouve que le pouvoir est au bout du chemin. Pour cette raison le regard de Teodorecu sur ses personnages est teinté de compréhension et de cynisme : la corruption est dans l'air, dans les aliments, dans leur façon de penser, dans leur éducation, car elle date du communisme et les enfants d'alors qui sont devenus les corrompus d'aujourd'hui ont vu fonctionner ainsi leurs parents, leurs proches, leurs professeurs. Ils se contentent d'appliquer la vieille recette qui réussit toujours. le constat est pessimiste, car une telle société semble terriblement gangrenée. Au lecteur de considérer si cela n'est valable que pour la seule Roumanie…

Toujours très attirée par ce qui concerne la Roumanie, ce livre m'a beaucoup plu en ce qu'il en évoque certains aspects très sombres tout en sachant lui restituer sa force de caractère et son incroyablement confuse vitalité. Seul petit bémol : les coquilles, très nombreuses…

Lien : http://www.critique-moi.fr/c..
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