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Critique de gabb


gabb
24 février 2017
Camarades babeliens (babeliottes ?), je vous en conjure, reprenez-vous ! Comment un tel roman, publié en 2013, ne peut-il compter aujourd'hui que si peu de lecteurs ? Permettez moi de crier au scandale !
- "Au scandale !"
Voilà, ça va mieux. Je vais désormais pouvoir vous dire tout le bien que je pense de cette histoire démente.

Imaginez un building luxueux, ultra sécurisé, confié à la surveillance de deux gardiens à demeure dans les sous-sols du bâtiment. Michel (le narrateur) et son compère Harry s'acquitent consciencieusement de cette lourde tâche, sans rien savoir sur la nature de la menace extérieure. Guerre nucléaire, pandémie, chaos généralisé ? Peu importe, la consigne est de rester cloitré au sous-sol, de prévenir toute tentative d'intrusion et de protéger coûte que coûte d'invisibles et richissimes résidents.
Les ordres sont clairs, et régissent intégralement le quotidien complètement déshumanisé de nos deux surveillants.

La mystérieuse "organisation" qui les emploie ne se manifeste jamais, hormis lors des quelques ravitaillements logistiques, et les gardiens sont livrés à eux-mêmes.
Au fil des mois, leurs conditions de vie se font de plus en plus spartiates, les réserves de nourriture s'épuisent, mais Michel et Harry entretiennent scrupuleusement leur routine quasi-militaire, s'astreignent à des rondes systématiques dans un parking souterrain désert, au nettoyage régulier de leur arme de service ou de leur uniforme, et qu'importe s'ils ne croisent jamais personne.

Dans ce huis-clos kafkaïen, qui souvent confine à l'absurde, la tension va crescendo.
Le style de Peter Terrin est impeccable : il rend presque palpable le caractère follement irrationnel de la situation. Une chasse d'eau qui fuit, ou une mouche qui bourdonne, suffisent à occuper plusieurs chapitres et à accroitre le malaise ambiant.
Que dire alors de l'arrivée impromptue d'un troisième gardien, qui risque de mettre à mal la cohésion du binôme initial ? Est-ce un test ? Un vigile affecté au contrôle des vigiles ? Une entrave à la promotion de Michel et Harry, qui attendent toujours d'être félicités par l'organisation pour leur abnégation sans faille et leur vigilance de tous les instants ?

La chronologie de l'histoire parfois devient trouble, et il arrive que le lecteur se trouve aussi désorienté que les pauvres sentinelles enterrées, dont on ne sait finalement presque rien.
Sans jamais nous donner le moindre détail sur ses héros, ni d'indications sur le danger qui rôde au dehors, sur la finalité de la mission ou sur l'identité des résidents, l'auteur réussit le tour de force de nous maintenir en haleine jusqu'au bout. En jetant ses personnages dans cette cage de béton, et en les laissant se débattre avec leurs interrogations comme des insectes pris au piège, il semble s'être livré à une expérience pour le moins inédite sur les capacités d'endurance de l'esprit humain, sur les notions de règlement et d'obéissance. De mon point de vue l'expérience est pleinement réussie : si vous êtes amateur de lectures étranges, ruez vous sur "Le gardien" !
Si en revanche vous n'aimez pas les histoires saugrenues et les questions sans réponses, ne tentez pas l'aventure, vous risqueriez d'être déçu, un peu. Beaucoup ?
A la folie.
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