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Critique de PhilippeCastellain


Voici un petit chef-d'oeuvre d'ironie et de perfidie ! Qu'il est dommage qu'en France Thackeray soit si loin de la notoriété d'une Jane Austeen ou des soeurs Brontë. Sa plume est un véritable rasoir, qui tranche avec précision dans les apparences et la superficialité pour mettre à nue l'âme humaine. Mais il est temps de présenter Barry Lyndon, du royaume d'Irlande.

Son père ayant mangé tout son bien, sa jeunesse ne fut guère aisée. Mais sa mère, qui l'aimait plus que le ciel et le soleil, a mis son point d'honneur à l'éduquer comme un jeune lord. Il vivait en compagnie de ses cousins ; l'un le battait par méchanceté, l'autre par amitié. Il n'avait pas quinze ans qu'il était amoureux d'une de ses cousines, et qu'il tua un rival plus fortuné en duel. Après avoir fui, il n'eut d'autres choix que les troupes de sa majesté. Le reste de sa vie se passa à gagner de l'argent par les moyens les moins avouables, et à le dépenser en fêtes et pourpoints dorés. Voici Barry Lyndon ! Truand, aventurier et nobliau désargenté, prêt à tout et dénué de toute forme de scrupule.

Tout l'art de Thackeray consiste à créer un abîme entre la bonhommie avec laquelle le héros raconte ses aventures, et la nature de celles-ci. Là-dessus, curieusement le texte a même gagné en force avec le temps. Le second degré raisonne encore mieux, et l'ingratitude et les mœurs du héros, à l'époque choquantes, paraissent aujourd'hui ahurissantes. Quand Barry Lyndon assure qu'on ne peut l'accuser d'être violent avec sa femme puisqu'il ne la bat que quand il est ivre, le lecteur du XIXème siècle avait une moue ironique. Aujourd'hui, il écarquille les yeux.

Et pourtant, impossible pour moi de le détester. Le gaillard a la peau dure. Il a subi l'armée de Frédéric II – pire que le bagne – et autres avanies sans se formaliser, et la seule qu'il n'a pas supportée est la mort de son fils. Pour lui, le monde est un champ de bataille d'intrigues où tous les coups sont permis. On berne les autres, on finit toujours par se faire berner par plus malin et c'est ainsi.

Thackeray entremêle tout ceci de méchantes petites piques à ses contemporains, dont il brocarde l'ingratitude et la servilité. Mais il va plus loin en critiquant le fanatisme anticatholique qui agitait alors l'Angleterre, et en dénonçant le sort infligé à l'Irlande. Un grand livre, et peut-être le seul que je connaisse écrit presque entièrement au second degré.
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