AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Ingannmic


1965, Aveyron. Un barrage que l'on vidange. La descente de l'eau semble faire écho à l'agonie de Victoire, qui la plonge dans ses souvenirs.
Victoire est née à Paris, où elle a vécu jusqu'à ses vingt ans. En 1936, elle y est ouvrière, une condition qui déjà lui pèse. A l'occasion des premiers congés payés, elle découvre ce coin perdu d'Aveyron qu'elle ne quittera plus. Elle y a rencontré Joseph, un viticulteur plus âgé qu'elle et père de deux enfants : Louis, grand adolescent, et la petite Marie. Elle le convainc de vendre ses vignes, qui réclament beaucoup, rapportent peu et que les gens d'ici disent mal acquises, pour acheter une auberge.

Trente ans plus tard, très affaiblie par la maladie, elle garde le lit. L'auberge dorénavant décrépite héberge comme unique client l'ingénieur hydraulique qui supervise la vidange du barrage. Trois autres personnes cohabitent dans cette atmosphère de mort prochaine, y ajoutant la tension de leurs rancoeurs ou de leurs désirs refoulés.

Marie, la fille de Joseph, est devenue Soeur Marie-Clément-Maurice. Elle revient chez elle pour la première fois depuis son départ, vingt ans auparavant, contenant difficilement sa haine envers une belle-mère qu'elle juge responsable de la mort de son père et du départ de son frère, qui n'a plus jamais donné de nouvelles, mais qu'elle espère pourtant toujours voir revenir. C'est une femme mal dans sa peau, que son obsession pour la nourriture a rendue obèse. Elle est déchirée entre un passé dont elle ne parvient pas à se libérer et la nécessité, pour survivre, de se projeter dans l'avenir, entre l'attachement à une terre qui définit les hommes et leur assure une place et son engagement religieux, qui constitue à la fois une fuite et un refuge.

Eve, la nièce que Victoire a adoptée après le suicide de sa soeur, lui ressemble. Différente des filles d'ici, pataudes et soumises, elle est belle et pleine de vie, avide de liberté et d'indépendance. Elle ne pense qu'à quitter ce trou perdu, où elle tourne en rond, pour partir à Paris. Comme sa tante qui découvrait, avec les congés payés, la possibilité d'un ailleurs et d'une émancipation, elle est stimulée par son jeune âge et les mutations de son temps, écoute les Rolling Stones, et rêve de ressembler à Barbarella, cette héroïne de bande dessinée sauvage et libérée.

Mais il y a Ange, son frère simple d'esprit et crasseux, habité d'une tension ravageuse que seul l'alcool permet de calmer. A la mort de Victoire, qui veut lui léguer l'auberge -et doit pour cela manoeuvrer habilement pour s'assurer l'accord de Marie-, il reviendra à Eve de s'en occuper. Comment concilier obligations familiales et soif de liberté ? Est-ce que ce jeune ingénieur qui loge à l'auberge ne pourrait pas servir ses projets de fuite ?

Isolés dans le huis clos que constitue l'auberge, à l'écart d'un village qui ne les apprécie pas et s'en méfie, abrutis par la chaleur estivale et le pullulement des mouches, chaque héros joue sa partition dans le compte à rebours qu'accompagne la descente de l'eau du barrage, dévoilant peu à peu les secrets du passé. La mécanique narrative est implacable, et en même temps progresse avec une sorte de lenteur torpide qui englue.
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
Commenter  J’apprécie          10



Ont apprécié cette critique (1)voir plus




{* *}