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Critique de Dominique_Lin


Me revoici avec un Trouillot dans les mains, auteur que j'affectionne parmi d'autres et que j'aime à retrouver.

Thérèse en mille morceaux est un exercice complexe, car il s'agit de l'histoire de la double personnalité de Thérèse dont la mère, qui s'appelait aussi Thérèse, avait une forte emprise sur sa fille. Voilà juste une partie du décor planté.

Parler de ce livre tout en monologue intérieur, est aussi complexe, comme l'ont ressenti d'autres chroniqueurs.

Le roman commence par la fin, quand ce jour de mars 1962, Thérèse Décatrel prend l'autobus et quitte la ville du Cap, Cap-Haïtien, ville portuaire au nord d'Haïti, pour ne plus jamais revenir.

« Pour tout bagage, elle emportait son journal intime et trois cent vingt-neuf piastres… »

Jusqu'à ce jour, Thérèse n'avait été que quelqu'un « d'à moitié », sans vraie décision, sans cesse en rétention, en division. Mais un jour, elle a réagi, et elle s'est mise à écrire pour savoir de combien de Thérèse elle avait été le pantin… Elle se cherche, Thérèse en mille morceaux, comme autant de fragments répondant à ce même prénom.

On va remonter le temps, celui de son enfance durant laquelle elle ne franchissait jamais la porte de la cour donnant sur la rue, pour aller se mêler aux autres, voir le monde. C'est le temps des jeux avec sa soeur, aujourd'hui mariée à un pharmacien.

Viennent les moments conflictuels avec sa mère, Thérèse, qui se juxtapose parfois avec ses propres fragments qui oscillent entre ordre et désordre, morale rigide et liberté, fenêtre ouverte et fenêtre fermée, entre immobilisme et grands espaces.

C'est aussi l'histoire du père infidèle qui a dilapidé le patrimoine, terres et maisons, pour de femmes, pour rien.

Nous allons suivre la métamorphose de la nouvelle Thérèse qui va la mener jusqu'à ce bus avec « pour tout bagage, elle emportait son journal intime et trois cent vingt-neuf piastres… », tout en revenant régulièrement devant cette porte de la cour donnant sur la rue qu'elle ne franchissait pas.

Fait étonnant et rare, lorsque j'ai terminé le livre, je suis retourné au début, pour reprendre la route, reprendre le fil pour être sûr. Un effet de boucle naturel, peut-être pour rester un peu plus longtemps avec cette Thérèse que je connaissais maintenant…

Ce que j'aime chez Trouillot, à l'écriture parfois répétitive, c'est sa poésie, ses effets miroir, quel que soit le contexte du roman et de ses personnages. Ce sont tous ces petits cailloux blancs qu'il pose ici et là, faits d'humanité, de sens de la vie, de rapport à l'autre. Elle reflète la sensibilité haïtienne et ricoche dans l'universel.

Thérèse en mille morceaux, c'est l'émancipation au sens large mise en contexte, certes particulier du lieu et de l'époque. C'est le conflit intérieur, l'acceptation de ses propres démons, de sa personnalité dans son entièreté.
Lien : http://dominiquelin.overblog..
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