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Critique de Patsales


Ce grand roman malaisien raconte une seconde guerre mondiale dont nous ignorons généralement tout, celle qui s'est déroulée en Asie et qui voit la puissance coloniale anglaise se retirer sans gloire pour laisser la place aux Japonais, occupants brutaux, et même sadiques. Philip est un jeune garçon de la haute bourgeoisie, de père anglais et de mère chinoise, qui vit sa double appartenance comme une mise au ban plus fantasmée que réelle et qui découvre les arts martiaux avec le sentiment de pouvoir enfin exprimer sa nature asiatique. Part, en l'occurrence, plus japonaise que chinoise: on aura compris que le timing ne joue pas en sa faveur...
Impossible, pourtant, de lire cette histoire d'initiation sans faire le lien avec l'histoire européenne. Philosophique, d'abord, tant la relation du sensei et de son élève fait penser à l'éducation pédérastique prônée par Socrate pour un Alcibiade aussi beau que vertueux. Historique, ensuite, puisque le choix de Philip de collaborer avec l'occupant trouve beaucoup de résonance avec une situation française qui n'a pas fini de nous hanter.
Ce qui est passionnant dans ce livre, c'est de voir comment nos choix, généralement formés à partir de sentiments plus ou moins conscients, sont justifiés par l'éthique. Endo, qui aime véritablement Philip, l'utilise pour obtenir des renseignements et préparer l'invasion japonaise tout en l'éduquant à domestiquer sa souffrance et à dépasser un jour son maître. Philip, quant à lui, décide de servir les Japonais pour sauver sa famille et, devant leur refus indigné d'obtenir des passe-droits, se met au service de la Résistance locale, feignant d'ignorer que son double jeu n'est qu'un pis-aller bricolé pour justifier un choix intenable. L'un se peint en sauveur injustement dénigré, l'autre prétend que sa soumission aux dérives totalitaires de son pays lui est nécessaire pour se libérer enfin du cycle des réincarnations.
Mais il s'agit moins d'une tragédie de l'aveuglement que d'un grand roman sur le besoin de tenir ensemble tous les fils de nos vies, de s'inventer un destin pour trouver une unité.
Il est seulement dommage que Tan Twan Eng ait décidé que son héros se confesserait à une victime d'Hiroshima, comme s'il avait besoin de ce symbolisme appuyé (les Japonais bourreaux mais aussi victimes) pour tenir en équilibre les plateaux vacillants du bien et du mal.
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