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Critique de Presence


Ce tome fait suite à Monnaie de singe (épisodes 43 à 48). Il contient les épisodes 49 à 54, initialement parus en 2006/2007, écrits par Brian K. Vaughan, dessinés par Pia Guerra (épisodes 49 à 52) et Goran Sudzuka (épisodes 53 et 54), encrés par José Marzan junior, mis en couleurs par Zylonol, avec des couvertures de Massimo Carnevale.

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Épisodes 49 à 52 - La petite troupe est maintenant à Shanzhen, en Chine. Yorick Brown et Rose Copen font le point sur la situation et sur la suite des opérations. Pendant ce temps là, l'agent 355 et Allison Mann font les courses au marché, et Allison avoue quelques petits détails qui peuvent avoir leur importance à 355. Mais bientôt les 4 se retrouvent prisonniers dans une clinique d'un genre particulier, à faire face au mystérieux docteur M qui leur expose une théorie fascinante sur la cause de la mort de tous les individus mâles et sur la propagation de cette "maladie" à la vitesse de la lumière. La sécurité de cette installation est assurée par la ninja Toyota.

Au fil des pages, le lecteur a du mal à se défaire de l'impression que Brian K. Vaughan fait converger ses différentes intrigues de force vers une résolution rassemblant tout le monde dans le dernier tome Trajets d'Y (épisodes 55 à 60), en particulier avec tous les personnages se dirigeant de manière bien pratique (et artificielle) vers Paris. de la même manière, l'intervention de Toyota pour neutraliser toute l'équipe arrive à point nommé pour que Vaughan puisse exposer l'identité du docteur M et ses théories. Il donne l'impression d'avoir perdu la capacité de laisser le récit porter de manière organique ces éléments, pour mettre à la queue leu-leu de copieuses scènes de dialogues permettant de caser toutes les informations qu'il souhaite fourguer au lecteur.

L'exposé du docteur M sur l'origine de l'hécatombe peine à convaincre, du fait du concept vaseux de propagation instantanée arrivant comme un cheveu sur la soupe. La reconstruction de la société après la mort des hommes n'est évoquée qu'en filigrane, un personnage constatant les progrès effectués. Cet aspect du récit est toujours aussi frustrant quand on pense à l'ampleur de la catastrophe décrite dans le premier tome, aux pans entiers de la production industrielle décimés, et au savoir faire perdu. Vaughan donne l'impression de choisir les progrès réalisés ou les retours à la normale en fonction des besoins de son intrigue, sans logique apparente. D'un côté il n'hésite pas à montrer que les crimes en tous genres ne sont pas l'apanage des mâles, de l'autre les sociétés reconstruites n'ont pas l'air pressées de rétablir une police en bonne et due forme. D'un côté la production de drogues est en plein essor, de l'autre les individus continuent à se nourrir de denrées périmées, et la culture du tabac a été abandonnée, alors que des signes d'économie de marché montrent qu'elle pourrait être rentable. D'une manière aussi frustrante, il semble dans ces épisodes que Yorick n'ait plus besoin de prendre quelque précaution que ce soit pour ne pas être identifié comme un individu de sexe mâle.

Malgré ces défauts, le résultat n'est pas si catastrophique que ça. le lecteur prend toujours plaisir à retrouver chacun des personnages et à apprécier comment ils évoluent, comment leurs motivations et leurs objectifs se modifient au fil du temps. L'aspect comédie dramatique l'emporte sur les composantes d'anticipation, apportant un niveau de divertissement satisfaisant, grâce à l'empathie générée par les personnages.

Dans ces épisodes, le tandem Guerra / Marzan est égal à lui-même, conservant ses bons et ses mauvais côtés. Parmi les bons, il y a une lisibilité sans écueil, des personnages facilement reconnaissables, une capacité réelle à créer des endroits tangibles. Parmi les moins bons, il y a ces visages lisses (même celui du docteur M ne rend pas compte de son âge), le jeu des acteurs pas toujours convaincant.

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Épisode 53 - Waverly (l'ex-top-modèle qui conduisait une benne à ordures ménagères dans l'épisode 2) continue de ramasser les cadavres laissés en l'abandon, mais en leur offrant une sépulture en bonne et due forme, ayant organisé une entreprise de pompes funèbres avec l'aide de 2 autres femmes. Elle tire Bobbi (la femme s'habillant en homme et proposant des services sexuels, apparue dans l'épisode 11) d'un mauvais pas et lui propose de travailler avec elle.

Brian K. Vaughan donne l'impression de ramener 2 personnages (Waverly & Bobbi) ayant plu au lecteur, pour pouvoir approfondir une thématique prometteuse. Maintenant que le regard des hommes ne pèse plus sur les femmes, elles peuvent repenser leur manière d'être et de paraître. Il ne s'agit pas tant que de la réduction de la femme à un objet sexuel par les hommes, que plutôt de l'acceptation implicite de cette forme de regard, du comportement inconscient consistant à s'y conformer. Mais en 1 épisode, Vaughan n'a pas la place de beaucoup développer la question. Si l'encrage de José Marzan continue d'écraser les dessins, la mise en page de Sudzuka est un peu plus inventive que celle de Guerra.

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Épisode 54 - Cayce et une de ses collaboratrices (apparues dans les épisodes 16 & 17) voient leur carrière de réalisatrices de film s'achever dans un désastre ; c'est la fin de "Fish & Bicycle Productions". Elles papotent chemin faisant dans Los Angeles.

Il s'agit d'un autre épisode dans lequel Vaughan donne l'impression de ramener des personnages ayant connu une popularité significative, profitant du nombre d'épisodes qui lui restent avant la fin de la série. Mais il est beaucoup plus en verve que pour l'épisode précédent, développant la fonction de l'art de la société, la responsabilité sociale des artistes, et introduisant un comics dans le comics. Si le thème de ce dernier (un monde où toutes les femmes sont mortes sauf une) semble un miroir basique du thème de "Y, the last man", l'effet produit est des plus déstabilisant incitant le lecteur à s'interroger sur la nature d'un tel récit : une seule femme à la merci d'une population exclusivement mâle. Tout d'un coup, Vaughan fait ressortir avec une acuité pénétrante une autre facette des relations homme / femme et l'intelligence de son propre récit (où ce sont les hommes qui ont disparu).

À nouveau, Goran Sudzuka fait preuve d'une mise en images inventive et agréable, avec un rendu écrasé par l'encrage de Garzan.
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