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La question sociale est toujours une question politique

Dans leur introduction,Louis-Marie Barnier, Jean-Marie Canu, Christian Laval, Francis Vergne insistent, entre autres, sur les mesures coordonnées et cumulatives des politiques néo-libérales. Il s'agit à la fois de refondre les relations salariales, voire le rapport salarial lui-même, briser les cadres de négociations antérieurs, profiter (de) et accentuer la dégradation du rapport de forces au détriment du monde du travail, des salarié-e-s.

Il y a une accélération dans le déploiement des mesures, une véritable « radicalisation ». Il est juste de parler, non d'un ensemble de politiques, mais bien d'un système politico-économique, ce qui n'exclut pas d'en souligner les contradictions.

Tout cela concourt à « une transformation profonde des conditions de l'action syndicale ». Cependant il convient non seulement de décrire le « retard pris par le mouvement syndicale », mais d'en analyser les multiples causes. Je trouve les explications des auteurs pas assez critiques des pratiques syndicales. J'ajoute que l'histoire de la structuration (et des choix) des organisations, l'incapacité à prendre en compte (hier et aujourd'hui) les effets de la division sexuelle du travail (dans et hors de l'entreprise), le centrage « national », l'aveuglement sur les processus de racialisation, la défense et l'alignement sur des choix industriels (nucléaire par exemple), le peu de prise en compte des réalités de la mondialisation (centralisation des décisions et de la richesse créée et extension/fragmentation de la « chaine de valeur »… Sans oublier, et les auteurs le soulignent, les rapports aux pouvoirs publics et à l'Etat, au détriment de l'autonomie des dominé-e-s et de leurs organisations.

Louis-Marie Barnier, Jean-Marie Canu, Christian Laval, Francis Vergne soulignent que l'Etat est un agent actif de l'ordre néolibéral, que la difficulté à imaginer une (des) alternatives à la crise et à cet ordre néolibéral le renforce. Si le syndicalisme est en premier lieu la construction et la défense du « collectif », la mise en concurrence généralisée des salarié-e-s (déjà « divisé-e-s » par les différentes formes d'oppression, écartelé-e-s par les logiques d'entreprise) rend plus difficiles les solidarités professionnelles ou territoriales, sans parler des coopérations plus larges. Pourtant c'est bien la construction d'alternative(s) d'ensemble passant à la fois par l'indépendance syndicale et des alliances larges qui « est » à l'ordre du jour.

Ce livre se veut « une contribution à la réflexion sur l'alternative ». Les auteurs abordent le projet historique du néoliberalisme et en particulier les orientations antisyndicales et antidémocratiques. Ils insistent sur la volonté de réduire la taille des syndicats « dont le périmètre d'action ne devra jamais dépasser celui du site de travail, donc rester en deçà du périmètre de l'entreprise au sens économique du terme ». Ils reviennent sur la défaite des mineurs en Grande-Bretagne, sur les lois qui limitent les possibilités d'action des organisations de salarié-e-s, ou la criminalisation de l'action syndicale…

Louis-Marie Barnier, Jean-Marie Canu, Christian Laval, Francis Vergne analysent les effets de la concurrence généralisée et l'impact pervers sur les tâches des syndicalistes. Ils soulignent certains aspects du rôle historique du syndicalisme, dont l'unification du salariat « comme sujet collectif », les dimensions de coopération inhérente au travail, le lien entre exploitation et syndicalisme. Ils mettent l'accent, entre autres, sur les « normes prescrites en matière de relation clients/fournisseurs au sein même des entreprises », l'individualisation des salaires et la « logique de compétence », les négociations « au service » de la concurrence, le silence sur « les processus qui ont produit les contraintes qui pèsent sur l'entreprise », les effets du néolibéralisme sur la fonction publique dont ceux sur l'école…

Les auteurs poursuivent sur l'enlisement dans le dialogue social, hors de tout (et de toute construction de) rapport de force. Ils reviennent sur l'histoire du « paritarisme », l'enchaînement des contre-réformes, la promotion du « cadre de l'entreprise », le renversement des normes, et plus généralement sur les effets déstabilisateurs de ces pratiques, faisant fi à la fois des dimensions systémiques de l'exploitation des salarié-e-s et de la subordination de celles-ci et ceux-ci dans le rapport salarial…

Il convient donc (re)penser l'action syndicale au niveau européen et mondial. Je souligne la nécessité de répondre (construire des solidarités) au niveau même du champ d'action du capitalisme mondialisé pour enrayer l'opposition construite des un-e-s contre les autres. Les auteurs évoquent l'Association internationale des travailleurs (AIT), les mouvements des indignés, la lutte du LKP en Guadeloupe, les limites de la CES, etc. ; et parlent d'écosyndicalisme.

Enfin, Louis-Marie Barnier, Jean-Marie Canu, Christian Laval, Francis Vergne abordent des renouveaux, quelques fois sous forme inédite, des luttes et des jonctions internationales. Ils soulignent la nécessité de nouveaux droits démocratiques pour les salarié-e-s (droit attaché à la personne), parlent de Sécurité sociale professionnelle, de nouvelles coopérations, de reconstruction de solidarités…

Le dernier chapitre est intitulé « Pour un horizon syndical commun ».

Un petit ouvrage pour débattre, reconstruire un présent futur fait de coopérations et de solidarités, dans « le respect le plus absolu des formes les plus démocratiques de délibération et de décision dans l'action » ; pour un syndicalisme renouant avec son objectif d'émancipation de toutes et tous et d'auto-organisation sociale.
Lien : https://entreleslignesentrel..
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