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Critique de latina


Si je vous dis Achod Manakian ? Illustre inconnu, allez-vous me répondre.
Maintenant, si je vous dis Henri Verneuil ? Ah, celui-là, bien sûr !
Il s'agit de la même personne.
Henri Verneuil est né arménien, et il est arrivé avec ses parents et ses deux tantes adorées à Marseille à l'âge de 4 ans, fuyant les massacres perpétrés par les Turcs sur son peuple.

Et voilà ce petit garçon à la merci d'une horde d'écoliers et de maîtres d'école pour la plupart complètement obtus, fermés à l'Etranger, marionnettes bien-pensantes d'une France des droits de l'homme et par principe accueillante...
Il nous narre son enfance solitaire, relégué au dernier banc, ignoré des uns si tout va bien, moqué des autres si tout va plus mal :
« C'était leur école, leur maître, leur pays, et je n'étais dans ce domaine réservé qu'un admis par faveur spéciale. Mon père avait ses propres règles du droit d'asile : ne jamais s'occuper de politique – c'était l'affaire exclusive des Français -, n'exiger aucun droit, puisque nous n'en avions aucun.
Dans ce statut de l'étranger qu'il s'imposait, il n'y avait aucune délectation masochiste à une soumission aveugle. C'était tout simplement pour éviter le serrement de gorge, ce spasme dans la poitrine, devant le choc de l'argument suprême : « Si vous n'êtes pas content...retournez dans votre pays ! » »

Mais son enfance est aussi un paradis, et ce grâce à sa Mayrig, càd sa maman en arménien, à son papa, à ses tantes Anna et Kayané. Les quatre adultes l'entourent de tout l'amour du monde, de toute la tendresse de la Terre, et cela lui forgera une cuirasse bienvenue. Les journées seront rythmées par le bruit des machines à coudre (les trois femmes deviendront des couturières hors-pair, spécialistes dans la création des chemises) et les repas toujours savoureux malgré leur pauvreté.

Nous voilà donc accompagnant Achod qui, nourri d'amour, d'attachement à ses racines mais aussi d'espoir en une France plus accommodante, grandit peu à peu et décide d'entamer des études d'ingénieur des Arts et Métiers. C'est là que sa narration s'arrête.

Mais les premières pages de celles-ci ont été pour Mayrig, sa frêle petite maman, « toute douce, toute proprette, sereine dans sa solitude devant la mort », et les dernières pages y reviennent encore, pour clore enfin ce chapitre de sa jeunesse, cet « heureux quotidien » malgré tout : « Cet enchaînements de non-événements qui émergent de mes souvenirs, ce tram de l'espérance parce que je vais retrouver les miens, un morceau de jardin pourri qui devient Eden, un mot qui fait rire quand la tristesse n'est pas loin, un geste qui prévient la peine, tous ces trois fois rien, chargés de tendresse. Et de cette enfance, dont on dit beaucoup plus tard : « Si c'était à recommencer », c'est par cette enfance-là...que je recommencerais bien. »

Je n'ai plus rien à dire face à ce morceau d'amour écrit d'une plume alerte et subtile qu'est « Mayrig » , si ce n'est qu'il met du baume au coeur de ceux qui sont tristes, qui ont perdu des êtres à qui ils tenaient, qu'ils soient de leur enfance ou de leur présent.
L'amour, ça soigne toujours.
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