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Critique de Clana


Voilà un texte très atypique!

Lu bien après sa sortie et son retentissement médiatique, je n'avais aucun a priori sur ce livre. Je l'ai choisi dans le cadre d'un challenge, et parce que j'avais depuis longtemps envie de lire un livre de Delphine de Vigan, dont je ne connaissais pas l'oeuvre, mais dont on m'a souvent parlé de façon positive.

J'ai choisi celui-ci pour son titre magnifique (attention futurs lecteurs, vous aurez cet air de Bashung dans la tête tout au long de votre lecture!).

Et puis je suis entrée dans ce texte, qui commence par la découverte, par l'auteure, du cadavre de sa mère qui s'est donné la mort quelques jours plus tôt.
Viendront ensuite les explications sur le pourquoi du livre: tenter d'expliquer ce geste, tenter d'expliquer les origines de la folie, fouiller le passé, aller à la source. En deux mots: raconter Lucile. Ou peut-être devrais-je dire: accepter Lucile.

Lucile, c'est cette petite fille secrète et indéchiffrable, troisième d'une fratrie qui comptera jusqu'à 9 enfants, fille de Liane et Georges, couple "vedette" à la tête de sa tribu, jeune fille devant affronter le deuil, les excès, les abus, jeune femme mariée très vite, jeune mère un peu dépassée, femme progressivement habitée par la folie et au destin tragique.

Delphine, sa fille, c'est celle qui enquête, qui interroge, qui fait parler les autres, frères, soeurs, cousins..qui cherche à dénouer le fil, à reconstituer l'histoire, à donner un sens au destin et probablement à se comprendre elle-même.

C'est celle qui a qualifié de roman ce qui n'a rien, absolument rien d'un roman. Pour se détacher? Pour "fictionner" une réalité difficilement supportable? Pour encenser? Pour trouver son public?
Je me le suis demandé tout au long du texte, tout en réalisant que si l'éditeur l'avait mentionné comme "biographie" ou "récit de vie" ou autre, il n'aurait pas eu le même impact sur moi. Je ne saurais bien exactement dire pourquoi.

C'est vraiment là que réside toute l'ambiguïté du texte, et aussi je crois, toute l'intelligence de l'auteure: il se dégage de sa construction une impression parfois brouillonne de mélange de styles, de placardage, des bizarreries chronologiques, des changements de points de vue, des réflexions en aparté, un besoin que l'on pourrait trouver exagéré de justifier sa démarche, de s'en excuser pour s'en dédouaner... mais finalement tout se tient.
J'ai eu l'impression de lire des fragments de thérapie, de la mère et de la fille, dont la narratrice se faisait à la fois l'analysante et l'analysée pour en arriver à une conclusion un peu "tout ça pour ça", mais qui ne pouvait malgré tout que procéder de tout ce travail préalable.

Ce texte m'a marquée, touchée, et même, éprouvée.
J'ai lu à son issue beaucoup de critiques sur babelio, des favorables et des défavorables et j'ai fait ce constat que, quel que soit l'avis qu'on lui porte, il fait parler. Les critiques sont souvent longues, elles font souvent appel à un élément de l'intime de leurs auteurs, et je n'échappe pas à cette règle.

Je ne suis pas d'accord avec les détracteurs qui lui reprochent un déballage, un nombrilisme qui ne peut intéresser qu'elle, l'inutilité du texte... pas d'accord non plus avec ceux qui lui reprochent distance et froideur, je n'ai personnellement pas du tout perçu les choses comme ça.

Quel que soit notre passé, notre vécu familial, la génération dont on est issu, les parents qui nous ont élevés, ce livre nous parle. En direct ou en creux, il nous parle.
Parce que, qu'ils aient été bons ou mauvais, nous avons tous des interrogations sur nos liens familiaux, nos souvenirs; nous avons tous été marqués, d'une façon ou d'une autre, par l'époque à travers laquelle nous avons passé notre enfance et notre jeunesse; nous avons tous conscience qu'en chacun, il y a des parts d'ombre et de lumière, que rien n'est tout blanc ou tout noir et que la vérité absolue n'existe pas.
Et cela, Delphine le Vigan l'exprime très bien, avec sa façon de suggérer, d'explorer des pistes, de ne jamais mettre un point final à une hypothèse. Elle exprime très bien sa culpabilité et sa volonté de s'en défaire, la façon dont elle s'est construite malgré l'insécurité permanente que lui faisaient vivre les épisodes délirants de sa mère et ses relations difficiles avec elle.
Certes, c'est son histoire à elle, singulière parmi toutes les histoires singulières, mais les questionnements que chacun se pose sur lui-même sont universels.

C'est un livre qui parle, qu'on peut faire le choix de ne pas écouter, mais à mes yeux, rien ne justifie qu'on le qualifie d'inutile!
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