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Critique de DETHYREPatricia


Livre lu dans le cadre du Prix des Auteurs Inconnus 2023, catégorie noire, dont je suis l'un des jurés.
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Lors des présélections, j'avais souligné les plus : la couverture qui répondait aux codes du genre (même si dérangeante), ainsi que l'attrait du résumé qui évoquait un thème pas souvent traité en littérature : comment élever et aimer son enfant dès lors qu'il serait prédestiné à devenir un meurtrier ?
Pourtant, je ne l'avais pas retenu dans mes votes sur les finalistes potentiels, trop gênée dans ma lecture par l'absence de marqueurs temporels, des adresses au lecteur intempestives, une syntaxe approximative, et quelques fautes...

Néanmoins, me pliant au règlement, j'ai lu ce livre en son entier et malgré mon intérêt initial pour le sujet, je me suis vite ennuyée à cette lecture qui, de mon point de vue, ne remplit pas sa promesse... et ce, pour plusieurs raisons :

1/ hormis la trentaine de pages de la fin, il est guère question d'un roman dit "noir". Pas de meurtres, pas d'enquêtes, pas de coupables à traquer... J'ai un peu eu le sentiment "qu'il y avait tromperie sur la marchandise" et vraiment je me suis forcée à aller au bout... en me disant que quand même... cela doit avoir un sens que ce livre soit dans cette catégorie.

2/ il existe un déséquilibre notable entre l'essentiel du livre qui évoque principalement (on dirait d'ailleurs un journal intime où le "je" est omniprésent) le vécu et le ressenti de Manon, la mère (cette pôoovre jeune femme paumée, asociale, en rupture avec sa famille, limite alcoolique, qui se fait faire un enfant en cinq minutes, dans la rue et sur le capot d'une voiture...) et le vécu de l'enfant en question qui, finalement, n'a que très peu de place pour s'exprimer "en mots" ou "en actes".

3/ pour moi, le comportement de cette mère, confrontée à cette grossesse solitaire, à l'annonce d'une cruelle prédestination pour son enfant, puis à l'inéluctabilité d'une vérité qu'elle a voulu longtemps se cacher, n'est vraiment pas crédible. Certes, je conviens que je raisonne avec mes codes moraux, avec ma vision du monde et avec mon ressenti... mais vraiment, il me semble que le bouchon est poussé un peu trop loin.

4/ le propos est vraiment noyé sous des digressions et des détails du quotidien dont le lecteur n'a franchement que faire ! J'aurais vraiment préféré que la tension dramatique remarquable de la fin vienne plus tôt, et que différents points de vues puissent s'exprimer (ex : voix de Noé, Célia...).

5/ je n'ai vraiment pas été sensible à la plume de l'auteure ni à son style d'écriture. Pour moi, ce n'est ni un roman noir, ni un roman "drôle". Je ne vois pas ce qu'il y a de drôle à de telles évocations. le style aurait pu être cynique (hormis lorsqu'elle évoque son père et sa mère), ou d'un second degré, mais de mon point de vue, ce n'est pas le cas.

6/ enfin, bien que ce roman soit édité, il ne semble pas avoir été relu dans les meilleures conditions de rigueur et de professionnalisme car de nombreuses fautes de syntaxe ou d'orthographe subsistent.

Néanmoins, j'ai trouvé à cette lecture quelques intérêts :

- la confirmation qu'il est difficile de se construire en tant qu'adulte lorsqu'on a évolué dans une famille dysfonctionnelle (ici, tant le père que la mère de Manon sont vraiment des "cas d'école"), modèle hélas reproduit par elle ;

- l'information selon laquelle il y a aurait donc, dans le monde, des enfants "prédéfinis", c'est-à-dire prédestinés à exercer tel ou tel métier ou à vivre telle ou telle passion, et que ce serait scientifiquement prouvé (je suis allée très vite me renseigner sur Internet) ;

- une bonne description de la difficulté à se ressentir "mère" et la difficile construction de l'attachement maternel oscillant entre rejet et lien fusionnel ambivalent ;

- la confirmation s'il était besoin, que l'absence d'un parent et/ou que le comportement parental sont de nature à conditionner fortement la présence au monde d'un enfant (j'ai vraiment eu le sentiment que c'était finalement Manon qui, par son isolement, par l'absence de lien d'attachement dès la naissance, par son comportement asocial... créait in fine les conditions du devenir de son fils) ;

- et aussi, une bonne description de ce que peut être un psychopathe en devenir (s'attaquer aux animaux avant de passer à un stade supérieur, l'absence d'empathie et de remords , le plaisir de tuer) et de la difficulté à "calmer" ses pulsions irrépressibles ;

- enfin, je tiens aussi à souligner la force des dernières pages. Enfin, il était temps ! j'avais deviné ce qui allait immanquablement se passer, mais je me suis quand même laissé surprendre. Belle, mais ô combien dramatique pirouette de l'auteure avec cette dernière courte phrase qui en dit long sur la suite de l'histoire !

Bien sûr, mon avis m'appartient et est forcément subjectif. Malgré ces quelques imperfections, et au vu d'autres critiques plus positives qui ont pu s'exprimer et que je respecte (chacun vit la lecture d'un livre à sa façon), je pense que l'auteure dispose d'un réel potentiel. Certains lecteurs peuvent donc tout à fait légitimement s'enthousiasmer à la lecture de son livre. Mais je pense aussi que, peut-être, le genre "noir" n'est pas vraiment, pour le moment, sa tasse de thé. En effet, celui-ci demande à mon sens une dextérité dans la construction narrative, dans la mise en abyme du ou des discours, des temporalités, dans la montée en puissance de l'intensité dramatique que cette auteure n'a manifestement pas encore expérimenté.

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