AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de 5Arabella


Femme de lettres aux talents divers (poésie, romans) Mme de Villedieu avait déjà donné deux pièces, jouées à l'hôtel de Bourgogne, avant la création du Favori le 24 avril 1665 par la troupe de Molière au Palais Royal. La pièce sera donnée 26 fois, mais les recettes semblent avoir été relativement modestes.

Néanmoins, elle sera jouée devant le Roi à Versailles le 13 juin. D'une façon quelque peu différente : précédée d'un prologue, et entrecoupée d'intermèdes. La musique est composée par Lully, les intermèdes tirés de diverses pièces de Molière, qui en outre, après la musique de l'ouverture joue une saynète en marquis ridicule, qui veut à tout prix monter sur le « théâtre » (l'estrade) où est installé le Roi, malgré l'intervention des gardes. A l'issue de cette soirée, la troupe de Molière deviendra la troupe du Roi. La pièce de Mme de Villedieu sera publiée en novembre de la même année, mais tombera très vite dans l'oubli.

Il s'agit d'une tragi-comédie, genre qui a eu son heure de gloire dans la première moitié du XVIIe siècle, mais qui était devenu peu pratiqué à l'époque de la création du Favori. Ce genre semblait séduire Mme de Villeudieu, puisque Manlius, une de ses deux précédentes pièces, était également une tragi-comédie. Mais c'est incontestablement un genre sur le déclin : après le Favori, seulement 5 autres tragi-comédies seront imprimées en France. Mme de Villedieu s'est inspiré pour composer son oeuvre d'une pièce de Tirso de Molina, El Amor y la amistad (1634).

Le Favori se conforme aux conventions de la tragi-comédie : il y a des personnages nobles d'importance, un roi, de grands seigneurs, dont le Favori du titre ; les personnages principaux vont révéler leurs grandes vertus et leur courage. Il y a à l'opposé les traîtres fourbes et hypocrites. Et c'est au final au monarque de mener le jeu et de provoquer l'heureux dénouement qui se conclut par un mariage comme le veut le genre. Néanmoins, nous ne sommes plus dans les tragi-comédies du début du siècle qui se déroulaient sur des années et des années, dans des lieux différents, avec une action qui se déroulait sur scène : la pièce, comme une tragédie ou comédie se déroule sur une journée, dans un même lieu, avec une seule intrigue. Mais ce rapprochement avec les pièces régulières est une tendance généralisée pour les tragi-comédies de la deuxième moitié du XVIIe siècle, Mme de Villardieu ne fait que suivre le mouvement. C'est ce qui a été parfois appelé « la tragi-comédie de palais ».

Le premier acte nous expose la situation : Moncade, le favori du Roi, est malheureux. Il a l'impression d'être environné de gens qui ne recherchent son amitié que parce qu'il le favori royal, et il doute de l'amour de la femme qu'il aime, Lindamire. Il est venu la surprendre au lever du jour, mais il est importuné par Clotaire, un de ces fâcheux qui ne viennent lui proposer leurs services que de façon intéressée. de plus, Moncade soupçonne Clotaire d'être son rival auprès de Lindamire. L'échange qu'il a avec cette dernière ne le satisfait pas, il la trouve tiède à son endroit. Survient le Roi, mécontent des réserves de Moncade, et qui lui fait avouer que sa condition de favori le gêne, surtout à cause du doute amoureux qu'elle provoque dans son esprit. Il part en menaçant Moncade de lui retirer sa faveur.

Dans le deuxième acte, nous faisons connaissance avec Dona Elvire, qui recherche l'amour de Moncade, en n'hésitant pas de recourir à la ruse. Il l'exècre, mais doit la supporter, comme Clotaire. Mais arrive l'envoyé du Roi qui annonce l'ordre d'exil de Moncade, qui semble avoir perdu la faveur du souverain.Clotaire et Dona Elvire se sauvent le plus rapidement possible.

Au troisième acte, Lindamire apprend l'exil de Moncade, elle s'avoue tout l'attachement qu'elle a pour lui. Arrive Clotaire, qui se croit permis maintenant de faire des avances à Lindamire, qui le repousse violemment. Dona Elvire vient railler Lindamire, qu'elle pense dépitée d'avoir perdu un amoureux prestigieux. Vient Moncade, Lindamire lui exprime son amour, et se déclare prête à le suivre en exil.

Au quatrième acte, les perfides donnent leur pleine mesure. Clotaire et Dona Elvire font entendre au Roi que Moncade conspire, qu'il est puissant et à craindre. La résolution de Lindamire de partir avec lui donne aussi lieu à la calomnie, elle est accusée de vouloir utiliser son influence pour soutenir la conspiration supposée de Moncade. le Roi semble se rendre aux arguments des dénonciateurs.

Au cinquième acte, Moncade est arrêté. Suit une longue scène dans laquelle tout le monde abat ses cartes devant le Roi. Qui finit par abattre les siennes : il a joué à faire choir Moncade de sa position pour lui montrer ce que chacun pense de lui dans l'adversité, de cette façon, il ne peut plus y avoir de doute sur l'amour de Lindamire. Tout le monde peut reprendre sa place, et Clotaire et Dona Elvire n'ont plus qu'à faire profil bas, tout au moins pour un temps.

C'est une intrigue assez linéaire et rapidement prévisible ; les personnages sont toute d'une pièce, la noblesse s'opposant à la perfidie. Les deux traîtres sont quand même amusants, surtout Elvire. le style est agréable et fluide. C'est une pièce d'un intérêt certain, sans être un incontournable.

Je crains que le regain d'intérêt qu'elle suscite ne soit du en grande partie au fait qu'elle ait été écrite par une femme : la pièce a même donnée lieu à une journée d'études en 2016 à Lyon. J'aurais du mal à souscrire au qualificatif de chef-d'oeuvre oublié. Des pièces de cette qualité, jouées et publiées au XVIIe siècle et à peu près oubliées maintenant, il y a en un nombre impressionnant. Pourquoi ne pas mettre celle-ci sous les feux des projecteurs. Mais je crains qu'en l'affublant de qualificatifs un peu trop exagérés, on risque de lui rendre un mauvais service, et un mauvais service à la littérature féminine en général.
Commenter  J’apprécie          180



Ont apprécié cette critique (16)voir plus




{* *}