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Critique de Pecosa


Récif, ou les charmes du post-tourisme dans un Mexique gangréné par la violence….
Quand certains occidentaux rêvant du grand frisson partent faire de petits séjours à l'Est, à Tchernobyl ou dans un ancien goulag pour y passer la nuit, d'autres veulent vivre de faux kidnapping, des attaques de guérillas d'opérette, des séances de sport extrême sur la côte caribéenne mexicaine.
Ce sont d'ailleurs les prestations que propose le complexe hôtelier La Pyramide situé à Kukulcán (Cancún?) à des touristes en mal de sensations fortes. Il faut dire que la zone s'y prête: "La peur est notre meilleure ressource naturelle".

Mais parfois la réalité rattrape la fiction. Des cadavres de gringos sont découverts sur la zone touristique et vont perturber le quotidien de quelques employés de la Pyramide, comme Tony Góngoran, musicien du groupe des années 60 Los Extraditables, qui a passé les trente dernières années dans un coma narcotique, et son ancien compère et ami d'enfance, Mario Müller, bras droit du propriétaire, le Gringo Peterson, qui a eu la brillante idée de proposer aux clients qui s'ennuient des vacances riches en adrénaline.

Par le biais d'une enquête classique sur fond d'amitié, Juan Villoro nous offre une critique sans concession de la société mexicaine et des maux qui ravagent les pays occidentaux.
Comme l'industrie du loisir est belle... et comme le Mexique (ou autre pays émergent) et l'Occident sont finalement les deux faces d'une même médaille..
Car le paradoxe est là, cruel. Les touristes parqués dans ce parc d'attraction de seconde zone possèdent des bracelets de couleurs différentes selon leurs catégories, et nous renvoient aux triangles des prisonniers des camps nazis. Mais ces hommes internés volontaires qui payent pour sortir de l'ennui qui les gagne dans leur société policée peuvent regagner le confort de leurs pénates une fois leurs vacances terminées. Et ils ne se rendent pas compte que les vrais cartels, ceux qui massacrent, rançonnent enlèvent, et pour lesquels les structures touristiques sont les lieux idéaux pour blanchir leur argent, sont là, tout près, sous leurs yeux…
Les Mexicains quant à eux, doivent vivre tous les jours avec une violence épouvantable dont ils ne peuvent se défaire tant elle parait ancrée, telle une tumeur maligne, dans le pays.

Ce microcosme qu'est le club de vacances concentre donc toute la violence et la laideur du monde. Heureusement que l'humour, l'ironie, et le second degré dont fait magistralement preuve le romancier sont présents pour soulager le lecteur, oppressé par cet environnement sordide (qui nous rappelle parfois le tout aussi excellent Le Park, de Bégout).
Récif prouve, s'il fallait encore le prouver, que Juan Villoro est l'un des grands romanciers mexicains, et que sa singularité (je pense à son ouvrage Mariachi ) donne un charme fou à ses écrits.
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