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Critique de horline


Biographie romancée, roman de non-fiction, derrière ces qualifications il n'est pas toujours aisé de distinguer la part fictive de la dimension réelle. Encore moins lorsque l'auteur n'a nullement besoin de rendre plus romanesque une vie qui l'est déjà largement.
Retracer l'enfance et l'adolescence du cinéaste colombien Sergio Cabrera, c'est exposer une vie d'exil et d'aliénation familiale, de radicalité et de violence politique, de défaite et de désillusion avant même d'avoir atteint l'âge de vingt ans. C'est se perdre dans la jungle colombienne en compagnie des guérilleros des FARC après avoir vu son éducation confiée aux gardes rouges de Chine en pleine révolutions culturelle.
Mais lorsque Juan Gabriel Vasquez évoque cette jeunesse dédiée à la gauche prolétarienne, elle nous apparaît comme une parenthèse évanouie, lointaine, presque irréelle que la mort soudaine du père de Sergio Cabrera, Fausto, vient rouvrir et peut-être refermer définitivement. Outre le fait de redéployer une histoire intime que le temps patine et pour laquelle certains souvenirs brillent comme de simples reflets, on devine la tendresse distante que peut témoigner l'auteur envers son ami qui l'empêche de jouer les archéologues et de creuser trop profondément. Un voile noir est jeté sur ce passé, et l'auteur semble s'être donné pour règle narrative de faire défiler les images, à la manière d'une rétrospective, d'une vie s'inscrivant dans la trajectoire d'une famille engagée dans la lutte communiste depuis la guerre civile espagnole et sous l'ombre écrasante de ce père amoureux de poésie. Ne comptez pas sur Juan Gabriel Vasquez pour soulever les pierres, les conflits familiaux surgissent çà et là mais disparaissent aussitôt. L'écriture se refuse à explorer les replis de la psyché, fouailler les blessures ou à épouser les contours de la violence. Sergio et son père auquel il a voué toute sa vie une grande loyauté, ont « fait beaucoup de choses ensemble. En Chine, dans la guérilla, au cinéma, à la télévision, mais [il a] beau édulcorer cet ensemble de souvenirs, ils ne sont pas positifs ». Si son regard se porte sur le passé c'est pour refermer une page et mieux regarder l'avenir...

Il y a donc une froideur persistante mais elle n'est nullement un frein au plaisir de lecture. On se laisse facilement embarquer par ces aventures rocambolesques, de la même manière que Sergio et sa soeur se laissent entraîner par le radicalisme de leurs parents. Peut-être parce que plus que l'histoire des Cabrera, c'est un certain rapport au monde que raconte Juan Gabriel Vasquez, miroir de l'histoire politique de l'Amérique latine et de la gauche révolutionnaire internationale du XXe siècle.
Jolie découverte qui n'aurait pas pu se faire sans Booky.
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