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Critique de bgbg


bgbg
18 septembre 2018
Recueil de nouvelles, très variables dans leur longueur, leur style ou leur intérêt, cependant marquées par une forte originalité dans les thèmes et dans leur composition, associant à la fois humour, causticité et propension à créer de l'inquiétude, une sorte de malaise subversif.
Cet ouvrage est traversé par diverses tendances : cynisme mêlé de délicatesse, de méticulosité, fort intérêt pour la relation humaine mâtiné d'une subtilité parfois trompeuse et d'une sérieuse affinité pour l'auto-reproche et la justification. Tout cela peut paraître fallacieux, mais aussi envoûter le lecteur, le séduire quand il s'accroche à des ratiocinations spécieuses, que l'auteur soumet à un interlocuteur silencieux dont on peut parfois deviner les réactions ou les questions, à partir des “blancs“ qu'il exprime ou des réponses à ces “blancs“.
Il se dégage de nombre de ces nouvelles un intérêt certain pour des histoires relevant de la psychiatrie ou de la sexologie. Relations conjugales, difficultés dans le couple, ruptures, drague, sexe, violence, fantasmes divers sont des thèmes souvent abordés dans un langage parlé ou avec des mots crus. Ainsi ce dialogue entre deux hommes qui voudraient refaire les genres, ne débouche finalement que sur des clichés, des poncifs, des idées reçues sur la « soi-disante émancipation féminine, un ramassis de conneries », ce qui ne les empêche pas de citer Foucault et Lacan, avant de reconnaître que « comme mères, elles sont sensass. »
Autre frustré, cet homme, exemple parmi d'autres de phallocratie, miné par la culpabilisation, qui ne peut que tomber amoureux fou des multiples femmes qu'il rencontre, jusqu'à les rendre fortement investies dans une relation qu'elles pensent sérieuse, et alors, à ce stade, patatras, « impossible de conclure… quelque chose s'emballe en moi, je panique et je fais machine arrière. » le sachant, ce Don Juan est terrorisé à l'idée de récidiver et de faire souffrir la femme qu'il tient dans ses bras et “qu'il aime“. Cet aveu, fait “le plus sincèrement du monde“, peut avoir en fait pour effet de faire fuir - à bon compte - sa “dulcinée“.
Cet autre procède toujours de la même façon : il fait la conquête d'une femme qu'il invite à trois reprises chez lui, et quand survient la troisième fois, que la confiance règne, il lui propose de l'attacher, nue, sur son lit avec des liens en satin, cela dans le plus grand respect de sa personne et de sa réponse qui peut être négative, mais l'est rarement en fait. Résultat de conditionnements familiaux dans l'enfance, ce comportement lui procure une excitation majeure qui se clôt dans des larmes.
Celui-là exprime à son interlocuteur muet une vision tout à fait existentielle du viol, qu'il condamne vivement, mais qui constitue à ses yeux une expérience qui permet d'en savoir plus sur soi, d'élargir sa vision des possibles, de donner du sens à des concepts comme celui de situation dramatique (le viol) ou de déshumanisation de l'être (comme l'enfermement en camp de concentration). Prétextes ?
Autre thème, le sujet dépressif, assez longue nouvelle, raconte l'interminable plainte d'une femme, qui a dû avoir une dure enfance de pensionnat en pensionnat, ses parents étant divorcés et en guerre pour la prise en charge du coût de soins orthodontiques. Elle manifeste une terrible dépendance vis à vis d'une part de sa psychothérapeute qui la soutient tant bien que mal, mais qui l'abandonne en passant de vie à trépas (suicide, pense le “sujet dépressif“ - qui n'a pas d'autre nom), d'autre part des amies vivant à l'autre bout du pays, qu'elle a connues dans les internats et qu'elle sollicite régulièrement par téléphone à toute heure pour placer ses jérémiades et qui constituent ce qu'elle appelle son “Échafaudage émotionnel“. L'auteur met là un soin particulier et méticuleux à relater le cheminement de cette thérapie, introduisant distance et ironie au sein d'une forte dose d'empathie et de perspicacité psychologique.
On ne peut passer sous silence une des dernières nouvelles, modèle de haine, de mépris, de dégoût d'un vieil homme mourant à l'égard de son fils, en particulier quand il était nourrisson, avec toutes ses sécrétions physiologiques, son asthme, son impétigo, ses attitudes égocentriques de “grand malade“. Quelle force dans l'acrimonie et la détestation !
Histoires expérimentales, surréalistes, fantastiques, ces nouvelles constituent un ensemble inégal, hétérogène, et ne se lisent pas toutes avec facilité ou plaisir, certaines même avec agacement, mais elles se révèlent symptomatiques d'un monde désorienté qui a perdu ses repères, d'une angoisse existentielle masquée par des attitudes péremptoires, d'une violence plus ou moins patente, et en même temps de la pensée quelque peu chaotique, mais sincère, morale, exigeante d'un auteur hors-normes.
Lien : https://lireecrireediter.ove..
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