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Critique de dourvach


Autant "Les enfants Tanner" nous semblait un néo-manifeste romantique où fantasmagorie et réalisme se mêlaient indissociablement, autant "Le Commis" restera pour nous un EXTRAORDINAIRE roman "réaliste" - imprégné du plus pur réalisme poétique - où se mêle curieusement une ironie tendre (empathique et inconditionnellement bienveillante à l'égard de chaque protagoniste : l'impression que Walser ait inventé pour la Terre entière un mode d'acceptation de l'Autre qu'on nommerait : "ironie bienveillante"), une charge picturale que dégage chaque ligne descriptive (la promenade en barque, la nuit) et une description (fine et sans illusion) des rapports entre classes sociales... sans oublier d'évoquer ici le thème évidemment central de l'échec : à savoir la dégringolade programmée de "La Maison Tobler" sous l'oeil du témoin (impliqué) Joseph Marti, 6 mois durant...
Deux saisons à peine, à vivre au jour le jour : le suc de chaque journée nous restant au fond de la gorge, la chaleur d'un rayon de soleil sur la peau.
Car nous épousons immédiatement la psyché de Joseph Marti, "l'homme à tout faire" de la Maison Tobler, hébergé dans la plus belle chambre - la chambre de la Tour - avec vue imprenable sur le Lac...
Monsieur l'Ingénieur Tobler et ses inventions sérieuses, pompeuses... qui ne trouveront (évidemment) jamais preneur ! Ah, ces formidables "horloges-réclames" et autres "distributeurs de muntions pour chasseurs"... à la recherche d'un "capitaliste bienveillant" (association d'idées totalement improbable...) d'où notre sentiment d'une naïveté sans fond et même de profonde compassion pour la figure PRESQUE attendrissante du "Patron" tyrannique de Joseph : ce "Herr Tobler" - bourgeois à son aise, toujours si sûr de lui - condamné peu à peu, sous l'oeil infailliblement obéissant de son employé - à l'échec et la ruine...
Ce livre est un chef d'oeuvre par la finesse de l'analyse psychologique - et par sa langue, unique...
Oeuvre dont la thématique se rapproche aussi du presque contemporain et "flaubertien" second roman de C.F. RAMUZ : "Les Circonstances de la vie" (1907) : l'étude du notaire Emile Magnenat - pauvre hère bientôt entiché de sa jeune fille au pair - n'ouvrait chaque matin pas si loin de la "Villa Tobler"...
Et elle est un véritable régal pour l'âme, cette langue malicieuse de Robert WALSER ! Quel "chef d'oeuvre inconnu" reste pour nous cet empathique "Der Gehülfe", magnifique gros roman de 1908, sommet de Littérature encore quasi-ignoré des lecteurs d'outre-Helvétie - chez nous, par exemple... [*], et cela plus de 100 ans après sa parution...

[*] Ouvrage qui laisse évidemment loin sur place les brouets industriels que nous concocte(ro)nt annuellement - un siècle plus tard - tous les écrivants-z-écriveurs de la Planète Terre : produits que nous trouv(er)ons immanquablement en grande abondance dans "La Mangeoire" des Grandes Surfaces - tristes objets qui sont à la Littérature ce qu'un potage déshydraté peut représenter face à l'Alchimie intemporelle qu'a su créer un artiste comme Robert WALSER. Car la NON-littérature est aujourd'hui - du moins en France - chez elle partout. Sans aucune gêne. Aucun complexe. Aucun scrupule d'ordre esthétique, éthique... Elle règne tristement. Partout où les oeuvres de Robert WALSER ou celles de C.-F. RAMUZ, hélàs, ne sont plus "accessibles au grand public"... et cela nous semblera toujours bien injuste !
Lien : http://www.fleuvlitterature...
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