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Critique de Foufoubella


Au temps des requins et des sauveurs est un roman dense, poétique, sauvage, à l'image d'Hawaii, de sa nature et de ses habitants. Bien loin de la carte postale paradisiaque que nous pouvons toutes et tous avoir en tête, Kawai Strong Washburn, originaire de l'archipel, nous montre l'envers du décor: la pauvreté, relative certes car comme le dit la chanson, elle est moins terrible au soleil, la lutte pour survivre dans cette partie de l'Amérique à la fois loin du continent et du rêve américain. Mais Hawaii c'est aussi ses dieux, ses croyances, ses rêves les plus fous, ses habitants à la fois durs et accueillants.

Et de rêves et de croyances, il en est question ici. La légende commence très tôt pour le petit Nainoa, tombé à l'eau, dans le Pacifique, lors d'une paisible balade en famille. Des requins l'encerclent, tout le monde arrête de respirer, s'attendant à l'inévitable, au pire. A la place, un requin le prend dans ses mâchoires et le ramène tranquillement à sa mère. Il a sept ans, élevé désormais au rang de dieu vivant. Cela aurait pu s'arrêter là mais, quelques années après, il montre des dons de guérisseur. Cela fera le tour de la ville, les gens défilant à la maison pour le rencontrer. Ses parents, sa mère surtout, savaient bien qu'il était spécial, que c'est lui qui parviendrait à les sauver, eux qui peinent à joindre les deux bouts depuis la fermeture de la plantation de cannes à sucre.
Mais comment un enfant, aussi génial soit-il, peut-il porter ce poids sur ses épaules? Et qu'en est-il du frère aîné, Dean, et de la petite soeur, Kaui, comment peuvent-ils grandir, trouver leur place, au sein de cette famille dont ils pensent, légitimement sûrement, qu'ils doivent mériter d'appartenir? Par le sport, pour Dean; par l'école, pour Kaui. Loin de l'archipel, pour tous les trois.

Ce roman polyphonique nous transporte au sein de cette famille sur environ quinze ans, d'Hawaii au Continent, auprès de chacun de ses membres, particulièrement les enfants devenus de jeunes adultes. C'est dur, violent parfois, mais toujours porté par un amour indéfinissable et pudique, entre eux et pour leur Hawaii bien loin de la vision idyllique que véhiculent bien des fantasmes. Mais c'est leur Hawaii.
Il y a un proverbe (ou une citation, je ne sais plus) qui dit "partir un peu, revenir beaucoup", je trouve que cela résume parfaitement l'ambiance de ce roman: quitter son île pour mieux y revenir; briser des liens familiaux pour mieux les reconstruire.

J'ai beaucoup aimé ce roman que j'ai trouvé foisonnant, âpre, riche, on sent que l'auteur sait de quoi il parle. Je me sentais en osmose avec les personnages, ayant bien entendu mes préférences, la preuve que l'histoire, et l'écriture, ont bien fonctionné sur moi. Et l'écriture, parlons-en. C'est clair que Kawai Strong Washburn n'écrit pas avec ses pieds, en prime servie par une très belle traduction de Charles Recoursé (on oublie souvent de saluer le talent des traducteurs alors qu'ils sont pour beaucoup dans le succès littéraire d'un livre), et quand on sait qu'il s'agit ici d'un premier roman, on se dit que la littérature, américaine ici, a de belles années devant elle.

Mais, car oui, il y a un mais, on sent aussi ici, justement, l'écueil des premiers romans: vouloir trop en dire, trop en faire, trop détailler, ce qui donne au final un roman qui souffre de certaines longueurs, voire de langueur, ce qui ôte un peu de force à ce roman pourtant puissant.

En résumé, une très belle découverte pour ce premier roman qui, je l'espère, trouvera ses lecteurs à la rentrée.
Si vous aimez la nature, les sagas familiales, mais loin des clichés du genre, la qualité littéraire, ce roman pourrait vous séduire et vous plaire. Et même si le roman nous montre une autre vision d'Hawaii, loin des clichés touristiques, Hawaii restera toujours Hawaii, pour nous et pour ses habitants.

Un grand merci à Babelio, et particulièrement à Pierre, pour me l'avoir proposé dans le cadre d'une masse critique privilégiée, ainsi qu'aux éditions Gallimard pour l'envoi de de roman qui aura enchanté mon début de vacances.

Lu en août 2021

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