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Critique de Kirzy


Le roman s'ouvre sur l'adresse d'une mère, Malia, à son fils Nainoa qu'elle place sous les patronages des anciens dieux hawaïens.

« Et il y a toi, mon fils. Tu n'es pas un dieu, mais il y a quelque chose qui évolue en toi et qui en est peut-être un. Va-t-elle ressusciter ce qui existait auparavant ou construire quelque chose de neuf ? Je l'ignore. »

En quelques phrases, Kawai Strong Washburn emporte le lecteur dans un souffle mythologique peuplé de légendes. Malia est celle qui croit. Son fils aura un destin extraordinaire, elle a vu, lors de la nuit de sa conception les marcheurs nocturnes – les fantômes des ali'i, rois traditionnels disparus il y a fort longtemps - descendre aux flambeaux la vallée de la Waipi'o. Surtout il y a l'épisode fondateur des requins, splendidement relaté, Nainoa avait sept ans, en train de se noyer dans le Pacifique :

« Tu étais là, sur le flanc, ballotté dans la gueule d'un requin. Mais il te tenait délicatement, tu sais. Il te tenait comme si tu étais en verre, comme si tu étais son petit. Les requins t'ont ramené vers moi, et celui qui te tenait gardait le museau hors de l'eau, à la façon d'un chien. »

L'auteur aurait pu s'enfermer dans un récit juste "magique" mais il choisit et réussit à l'ouvrir vers une histoire de famille terriblement émouvante. A partir de ce miracle, Nainoa devient un héros local désormais doté d'un pouvoir de guérison qui fait affluer malades et se transforme en manne financière pour une famille vivant dans la pauvreté depuis l'effondrement de l'industrie sucrière à Hawaï. Mais le don de Nainoa, source d'émerveillement et d'argent est avant tout un fardeau déconcertant pour un enfant qui peut se muer en malédiction existentielle.

Avec une fluidité assez impressionnante, les frontières entre mondes réel et irréel se dissolvent. Kawai Strong Washburn tisse habilement les fils d'une légende familiale culturellement très ancrée à celle des destins très réalistes, eux, des différents membres de cette famille que l'on suit de 1995 à 2009 à travers les voix de Malia, de Nainoa le fils préféré, de son frère Dean et de sa soeur Kaui obligés de vivre dans son ombre, avec plus ou moins de rancoeur. le choix du roman choral est une évidence tellement les personnages sont forts, incarnés.

Les points de vue de chacun alternent et finissent par créer un choeur antique qui révèle brillamment la singularité et la solitude de chaque membre tout en mettant en relief tout ce qui les unit. Comme si tous étaient connectés, malgré leurs différences et leurs différends, à un lien plus fort que ce qu'ils sont individuellement. Même s'ils dérivent de plus en plus loin les uns des autres, les frères et soeurs éparpillés sur le continent, de Portland à San Diego, restent attachés. Et cet attachement viscéral passe par la terre, par Hawaï, personnage à part entière décrit avec passion et sensualité.

La tension entre magie et réalité, attente et déception, exil et foyer, trouve un juste équilibre dans ce récit fort sur les liens familiaux, tour à tour touchant, triste et drôle. Il se passe beaucoup de choses, souvent inattendues. Les événements ne sont pas gais et pourtant c'est la lumière et la chaleur de cette épopée familiale que je retiens, son envergure aussi à questionner les mystères de la condition humaine et le sens à donner à nos actes pour se construire une identité propre.



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