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Critique de Eve-Yeshe


C’est la première fois que je lis cette auteure mais j’ai vu passer des critiques sur Internet et j’ai en envie de tenter l’expérience J’ai donc choisi ce livre à la bibliothèque, complètement au hasard.

Anne Wiazemsky, qui est la petite-fille François Mauriac nous raconte l’histoire de Claire, sa mère, engagée à la Croix-Rouge comme ambulancière car elle veut participer à ce qu’on appelait l’effort de guerre. Elle nous raconte le quotidien, les conditions de travail, les liens qui se tissent avec les autres femmes, leurs échanges, leurs préoccupations. Après Béziers, ses pas vont la conduire à Berlin qui est un champ de ruines.

L’auteure alterne le récit avec les lettres que Claire envoie à ses parents, qui ne semblent pas beaucoup s’intéresser à ce qu’elle fait. Il y a un contraste important entre la façon dont elle vit, transportant les blessés, les souffrances de chacun, faisant preuve de caractère, et le ton des lettres qui révèle une attitude de petite fille vis-à-vis de ses parents.

Il est facile de s’imaginer la complexité de la relation qu’elle peut avoir avec son père, l’imposant François Mauriac, car elle est souvent considérée comme la « fille de ». Cette relation paraît vraiment froide ; on sent un immense respect mais rien ne transparaît vraiment sur le plan affectif et ceci même avec sa mère. Elle n’ose pas aller frapper à la porte de son père pour ne pas déranger : « Elle a envie tout à coup de la présence physique de son père, d’un tête-à-tête. Si elle osait, elle irait frapper à la porte de son bureau. Il doit être e, train de travailler à un article pour « Le Figaro » ou bien il rédige quelques observations concernant la mise en scène de sa pièce. »

Elle signe toujours ses lettres avec « votre petite fille ». Bien sûr il faut transposer à l’époque, avec l’éducation traditionnelle reçue par les filles qui doivent se marier et avoir des enfants comme sa propre sœur pas...

J’ai bien aimé le côté historique car je connaissais fort peu de choses sur Berlin après la guerre, la façon dont on attendait puis gérait les blessés, les prisonniers et comment fonctionnait la Croix-Rouge et la répartition entre Français, Anglais, Russes avec le spectre de la guerre froide qui se dessinait.

Par contre, si au début, j'ai trouvé Claire sympathique, , elle a commencé à m’énerver assez vite car sa relation avec ses parents m’a gênée, tant on la sent dominée par l’écrasante figure paternelle, le poids de l’éducation. Arrivera-t-elle a coupé le cordon, c’est la question qu’on se pose. On aimerait qu’elle se libère, mais elle ne le peut qu’à distance, comme si ses deux vies ne s’interpénétraient pas. Elle jongle constamment entre deux attitudes, adulte dans le travail, enfant dès qu’il s’agit d’émotion.

L'auteure nous raconte la rencontre entre Claire, sa mère, et Yvan Wiazemsky, dont la famille a émigré en France du fait de la Révolution en insistant sur le contraste entre les deux familles, les Mauriac étant des bourgeois aisés, ayant pignon sur rue et la famille d’Yvan certes princière, mais pauvre et ayant beaucoup plus souffert de la faim, du dénuement pendant cette guerre, l’une froide, toute en retenue, l’autre plus chaleureuse… Les pages consacrées à Yvan sont touchantes tant ils sont à l'opposé l'un de l'autre.

Donc, deux milieux totalement différents qui doivent s’apprivoiser et l’auteure aurait pu développer cela (peut-être l’a-t-elle fait dans un autre livre). Or, on est resté un peu trop à la surface. J’aurais aimé qu’elle creuse davantage.

On ne sait pas si c’est de la pudeur, de la retenue ou si Claire ne pense même pas à se rebiffer. Il faut tenir compte de l’éducation de l’époque, où les parents ne disaient jamais à leurs enfants qu’ils les aimaient et tout ce que cela provoquer dans l’estime de soi plus tard.

Sa personnalité est très intéressante à étudier sur le plan psychologique, notamment sa relation avec les hommes, elle s’est laissée empêtrée dans une histoire d’amour (un fiancé avant la guerre) pour ne pas décevoir. La petite fille qui veut bien faire pour qu’on l’aime, qu’on la reconnaisse pour ce qu’elle est.

Anne Wiazemsky a très bien su décrire le désarroi de Claire dans Berlin en ruines, divisé après la guerre, et les arrivées des déportés, la découverte des camps et certaines phrases pourraient s’appliquer aux réfugiés d’aujourd’hui, notamment celle-ci : « Vous êtes françaises depuis toujours. Vous ne pouvez imaginer ce que c’est que d’être obligé de tout quitté, sa maison, ses biens, sa patrie, tout. Vous ne pouvez imaginer ce que c’est d’errer d’un pays à l’autre, de changer de langue, de culture. Vous ne pouvez pas concevoir une seconde ce que c’est que d’être apatride ».

Je suis donc restée sur ma faim et j’aimerai bien lire un autre de ses livres pour voir comment elle évolue… peut-être aussi que je me montre exigeante car c’est la petite-fille de François Mauriac dont l'ombre tutélaire plane…

Note : 7,2/10
Lien : http://eveyeshe.canalblog.co..
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