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Critique de michfred


Il n'y a rien de plus effrayant que la manipulation.
Rien de plus fascinant non plus, quand elle constitue la trame d'un récit.

C'est un ressort puissant du roman, du polar, du thriller.

Le complexe d'Eden Bellwether tient des trois à la fois – roman de formation et d'initiation sociale -, polar – qui va tuer ? qui va mourir ?-, et thriller – voir les ingrédients détaillés plus loin…

Où la manipulation s' exerce en toute impunité et cruauté.

En vase clos, dans le très chic campus du « college » de Cambridge.

Entre intellectuels distingués, entre gens de bon ton, qui jonglent avec les codes culturels mais qui ont aussi l'humour c'est-à-dire le recul qui permet de ne pas accorder trop de sérieux ou de gravité à ce qui se dit.

Ce qui rend la manipulation effroyable, ici, c'est que son champ est celui de la maladie - de l'accident grave à la maladie incurable.- et que son medium est celui de l'art le plus délicieusement dégagé des contingences matérielles: la musique.

Le péan apollinien – ce chant thérapeutique de l'Iliade- revisité par les orgues de Mattheson ! La musicothérapie comme cure de choc : le clavier déchaîné d'Eden comme un pianocktail distillant le fol espoir, quand on en vient à désespérer de la médecine...

Ajoutons à ce cocktail détonnant un peu de lutte des classes : rentrer dans la petite bande des happy few est un rêve pour Oscar, aide-soignant dévoué mais sans diplôme, qui rêve de sortir de son milieu… et Eden sait aussi jouer de cette corde-là.

Saupoudrons d' une pincée de passion : l'amour d'Oscar pour Iris, la soeur d'Eden, musicienne, brillante étudiante…. en médecine, mais inquiète, fragile devant ce frère envahissant, narcissique, si inquiétant parfois mais qui sait se rendre indispensable!

Enlevons d'un coup d'épuisette les adultes référents : les parents d'Iris et d'Eden sont de vrais enfants, des êtres de fuite, immatures, qui ne veulent rien voir, rien comprendre et surtout rien assumer...

Rajoutons alors quelques grammes de vieux sages : le Dr Paulsen, grognon mais lucide, le patient favori d'Oscar à la maison de retraite, qui lui prête le Traité des Passions de Descartes et le met en garde contre les charlatans de tout poil, et le Dr Crest, ancien amant du précédent, psychiatre renommé, qui pourrait bien détenir la clé du problème, s'il n'était fragilisé par son tendon d'Achille à lui: une méchante tumeur au cerveau...

Secouez…et laissez le mélange agir !

Vous avez la recette d'une petite bombe qui va vous tenir en haleine dès la première page: on sait en effet dès le début que tout finira en catastrophe- mais cette prolepse reste toutefois assez vague pour laisser planer tension, crainte, et doutes...

Très fort!

J'ai pensé tout le temps au Maître des Illusions de Donna Tartt, en moins vénéneux, alcoolisé et déjanté mais aussi en beaucoup mieux construit- la fin du roman de Donna Tartt est à mon sens franchement ratée.

J'ai aussi beaucoup pensé à un film de Losey scénarisé par Harold Pinter, « Accident », qui se passe à ...Oxford
- Cambridge, Oxford, c'est Oxbridge !- et dont les ambiguïtés, les dialogues pleins de brio sont au diapason du climat étouffant et étincelant du Complexe d'Eden Bellwether.

Et dire que c'est un premier roman!!

Vraiment très prometteur, j'attends le prochain Benjamin Wood avec impatience!
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