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Critique de Foxfire


Dans le futur imaginé par Chelsea Quinn Yarbro, les médias de divertissement tels que nous les connaissons, cinéma et télévision, ont été supplantés par un nouveau médium : le rêve. Toute une industrie organise la production de rêves en récupérant et montant les rêves que font les rêveurs professionnels. Mais ce métier de rêveur, s'il est prestigieux et bien payé, comporte un revers de taille. Les rêveurs finissent inévitablement par « schizer », c'est-à-dire sombrer dans la folie.

Cet argument formidable aurait pu donner lieu à un très bon roman d'anticipation. Malheureusement, le traitement ne m'a pas entièrement convaincue. Bon roman ? Oui. Bon roman d'anticipation ? Non.
Il y a d'indéniables qualités dans « Jacinthes » mais aussi des défauts qui m'ont profondément ennuyée.

Tout d'abord sur l'argument en lui-même, je trouve que l'auteure ne le développe pas suffisamment. Il y a peu de descriptions des rêves et celles-ci sont un peu décevantes, ressemblant beaucoup trop à des films. Mes rêves à moi sont bien plus psychédéliques. de plus, l'auteure n'appuie pas suffisamment sur le problème moral, éthique, que pourrait constituer le fait de commercialiser ce qu'il y a de plus intime en l'Homme, son subconscient.
Quant au problème de « schize », il n'est pas non plus assez développé. On apprend tout d'un coup que tel ou tel rêveur a schizé sans que le lecteur ait été impliqué émotionnellement. Certes, les rêveurs ne sont pas au coeur du récit, ce sont les producteurs mais aussi les psys. C'est par ces derniers qu'il aurait été pertinent de créer une implication émotionnelle.

Ceci dit, ce qui m'a le plus gênée dans « Jacinthes » se situe dans son aspect dystopique. le roman m'a semblé très étriqué. On n'a qu'un aperçu très réduit de la société du dehors, tout le roman se situe au sein de l'entreprise. Peut-être est-ce une volonté de l'auteure mais cet angle narratif ne m'a pas convaincue. La quatrième de couverture fait référence au film « Network » de Sydney Lumet. La comparaison est bien vue, « Jacinthes » est une oeuvre assez proche de la satire des médias qu'était le film de Lumet. le film se déroulait lui aussi exclusivement dans le monde des médias, et ne sortait jamais dans le monde réel. Mais dans « Network » c'était pertinent, le monde du dehors étant celui que nous connaissons, c'était le nôtre (celui de 76), il n'était pas nécessaire de contextualiser l'industrie télévisuelle qui était dépeinte. le roman de Yarbro se déroule dans le futur, la société a évolué, j'aurais donc aimé que l'auteure aille plus loin dans la contextualisation que les rares évocations d'émeutes et de messages subliminaux gouvernementaux. Ainsi, elle aurait pu dépeindre une société future découlant directement de notre présent, pointant ainsi du doigt les dérives médiatiques actuelles, tout en imaginant jusqu'où cela pourrait aller.
Ce qui m'est apparu comme une faiblesse pourrait être perçu par d'autres lecteurs comme une qualité. En effet, le côté huis-clos du roman offre une plongée assez saisissante du monde de l'entreprise, ses manigances et intrigues, ses luttes de pouvoir et ses rapports de force. Cet aspect est vraiment intéressant et réussi. Et ce, d'autant plus que le personnage principal est subtilement caractérisé, Yarbro refusant la facilité du personnage lisse et positif. En effet, si Jehanne n'est pas vraiment à l'aise avec ce qui arrive aux rêveurs, cela passe après son ambition de grimper dans la hiérarchie. Cette dualité est intéressante et, à ce titre, la fin ouverte est plutôt bien vue. Au lecteur d'imaginer quel sera son choix, habile façon d'interroger le lecteur lui-même sur ce qu'il ferait.

Il y a des choses très intéressantes dans ce roman, que ce soient l'argument de départ, le personnage principal nuancé ou la satire du monde de l'entreprise. Mais le manque de développement de l'aspect dystopique m'a vraiment gênée et vient amoindrir la force de « Jacinthes ». le roman aurait mérité d'être plus long, l'auteure aurait alors pu développer cet aspect et enrichir son oeuvre.
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