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Critique de Apoapo


Apoapo
01 décembre 2017
La moustache turque : genèse, apogée et déclin d'une moustache conçue comme un objet collectif, fédérateur des habitants de tout un village, source de gloire et d'investissement émotionnel des hommes (et en moindre mesure des femmes) les plus proches du héros moustachu, Cumali, mais indépendamment de lui, parfois à son coeur défendant ; par adoption de loin en loin, cette moustache, emblème de la tradition et de la fierté nationale, se séparera de lui, jusqu'à en causer sa perte et à lui survivre dans une légende (« La Légende de la moustache » est le titre originel) qui se ternira jusqu'à l'invraisemblance, bien après la disparition du protagoniste. Dès le départ, il y a aliénation entre l'homme et sa moustache : le caractère médiocre de l'un s'oppose à l'extraordinaire panache de l'autre ; la gloire ineffable émanant de cet incomparable « don de Dieu » doit dicter une allure vestimentaire, une sociabilité, un comportement, un code de virilité, une éthique au personnage qui ne sauraient lui seoir. Longtemps dure cette aliénation telle que l'on s'enquiert de leur santé au pluriel, qu'on les nomme séparément, jusqu'à changer son nom de famille à lui pour la désigner, elle : « Sabrenoir ». Peu importe si cela implique le sacrifice de sa vie conjugale, de sa libido extraconjugale, de son travail, de son sommeil, de sa santé... La moustache appartient au Barbier qui la bichonne, aux femmes qui en fantasment, au hommes du bourg qui s'en glorifient, à la nation. Jusqu'à l'acte de hubris. le héros se mettra le village à dos pour avoir refusé de participer à un concours national genre Monsieur Moustache qu'il remporterait haut la main : sa moustache est sacrée, elle ne rentre pas dans le domaine agoniste. Mais par ce refus, paradoxalement, Cumali est enfin devenu l'homme de sa moustache, pas la bonne femme qui change de nom lors du mariage, un homme digne d'elle : plus d'aliénation. Néanmoins, dès lors que celle-ci décline, commence à blanchir, à perdre de sa vigueur, le héros ne va pas supporter cette diminution qui est sa propre perte. La moustache a été mordue, l'homme est impotent. Les retrouvailles de la femme avec son époux, celui qui n'est pas l'ombre de sa moustache, se font sur son lit de mort, Sabrenoir abîmée. L'épopée de la moustache se poursuit, et se retrouve tout au long du roman dans son langage baroque, sur-écrit, sans doute traduit de façon excessivement soutenue (à vérifier).
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