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Critique de ClaireG


Il y a tout juste 100 ans, la Déclaration Balfour envisageait favorablement l'établissement d'un foyer national juif en Palestine alors que le Royaume-Uni venait de promettre un Grand Etat arabe par lettre officielle. le gouvernement britannique s'engageait à employer tous ses efforts « pour faciliter la réalisation de cet objectif, étant clairement entendu que rien ne sera fait qui puisse porter atteinte ni aux droits civils et religieux des collectivités non juives existant en Palestine, ni aux droits et au statut politique dont les Juifs jouissent dans tout autre pays ».

Ce livre « Meurtre à Jérusalem » ne pouvait pas mieux tomber pour évoquer ce centenaire.

Tous mes remerciements à Pecosa qui a déniché cet ouvrage dans un vide-grenier en croyant que c'était un polar. Non seulement elle est la première à l'avoir chroniqué sur Babelio mais encore elle nous fait découvrir un auteur très connu en Allemagne et inconnu dans les pays francophones. Il s'agit d'une page d'Histoire d'autant mieux documentée qu'elle a été vécue en direct. le livre a été publié en 1932 en Allemagne et très vite brûlé par les nazis. Ce n'est qu'en 1994, dans l'Allemagne réunifiée, qu'Arnold Zweig a pu être réédité et traduit.

Le roman est basé sur des faits réels de 1929.
Isaac Joseph de Vriendt, poète réputé dans la communauté juive orthodoxe, est subitement désigné comme traître à la cause sioniste parce qu'il déclare qu'un bon voisinage avec les Palestiniens vaut mieux que le nationalisme pur et dur revendiqué par les idéalistes. Ses amours avec un jeune musulman achèvent de le discréditer et lorsqu'il est assassiné en plein jour, ses coreligionnaires jettent le haro sur les Arabes.

L'affaire de Vriendt devient la mission personnelle de son ami, Lolard Irmin, l'homme le plus important des services secrets britanniques, qui se promet de retrouver le meurtrier. Les conversations animées entre les deux amis permettent les contradictions d'idées sur tous les sujets d'actualité. Elles portent aussi bien sur la splendeur de la Palestine que sur la difficulté du « vivre ensemble » dans ce pays aux multiples ethnies et religions, sur la revendication de l'accès au Mur des Lamentations et aux lieux saints que sur les efforts techniques et humains qui permettent l'essor de villes comme Tel-Aviv, Jaffa ou Hébron. C'est remarquablement évoqué tout au long du livre.

L'occupation et la construction de la Palestine par les pionniers juifs vont croissant. L'achat des terres en grand nombre par le Fonds national juif entraîne la misère chez les ouvriers agricoles et les dissensions n'ont pas besoin d'être religieuses et politiques pour s'afficher. Parallèlement, ce fonds replante des forêts et prépare l'arrivée des émigrants.

En 1929, les émeutes gagnent villes et campagnes de Palestine, reléguant au second plan l'élucidation du crime de de Vriendt. le sol tremble sur ses bases : 150 000 Juifs pour 600 000 Arabes sous mandat britannique constituent un creuset d'insécurité permanente. L'Europe et les Etats-Unis tonnent leur colère contre la puissance mandataire et accusent les Britanniques de faiblesse volontaire. Les tensions exacerbent les nationalismes de part et d'autre et sont toujours aussi vives aujourd'hui, cent ans plus tard.

La fin du roman est surprenante et judicieusement amenée à travers les états d'âme des protagonistes. Elle révèle le pacifisme à toute épreuve d'Arnold Zweig. Pas de prise de position mais plutôt la présentation de la thèse et de l'antithèse, ce qui permet une meilleure compréhension et une ouverture d'esprit au lecteur.

Une très belle écriture, un éclairage magistral sur ce pan de l'Histoire du Proche-Orient de l'entre-deux-guerres et une belle leçon de tolérance dans un contexte difficile.

Arnold Zweig (1887-1968 - aucune parenté avec Stefan Zweig) est un écrivain allemand fortement marqué par l'antisémitisme. Après la Première Guerre mondiale, il s'installe en Palestine où il rejoint d'abord l'idéal sioniste de Théodor Herzl avant de prendre ses distances vis-à-vis des extrémismes. Il retourne à Berlin (zone russe) après la Deuxième Guerre mondiale sans adhérer au communisme.
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