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Critique de enjie77


« El Kouds », te dit l'Arabe, portant la main au front ;
le Grec cherchant le Christ « Hiérosolyma » ;
« Yérouchalaïm », le nommons-nous, fils prodigues de Sem ;
Mais les jeunes peuples te saluent, ceinte de tes remparts, d'un rayonnant

« Jérusalem »


Remarquable, c'est l'adjectif qui définit le mieux le livre d'Arnold Zweig qui n'a aucun lien de parenté avec l'illustre Stefan.

Arnold Zweig émigra en Palestine dans les années 1930 devant la montée de l'antisémitisme du Reich. Ce livre fut édité en Allemagne en 1932 et y fut brûlé en 1933. Il résida, par la suite, après la deuxième guerre mondiale, en RDA où il acquit de la notoriété ce qui permit, en 1956, une réédition de cet ouvrage, revu et corrigé par la censure communiste.

Ce n'est qu'en 1994, dans un Berlin réunifié, que ce livre put enfin être publié dans sa version originale. Ce récit fait preuve d'aucun préjugé ni parti pris, au contraire, il s'élève au-dessus des parties et fait bien ressortir toutes les contradictions de ce beau pays.

Voilà pour l'histoire mouvementée de cet éminent ouvrage.

Histoire policière ? pas vraiment bien qu'il y ait un mort, le poète de Vriendt très contesté. Il a abandonné le sionisme pour l'orthodoxie, il tend la main aux Arabes, il écrit des poèmes jugés blasphématoires. Il donnent des cours à un jeune Arabe, Séoud, avec lequel il entretient une relation amoureuse illicite : ce qui lui procure bonheur et tourment eu égard à son engagement religieux.

- Extrait des Quatrains de de Vriendt :

« On t'implore à l'envi en des milliers de langues,
Beaucoup rampent vers toi plus plats que des limaces,
Si leur encens T'agrée, qu'attends-Tu donc de moi ?
Inspire-moi Ta haine car, moi, je suis un homme ».

Et des quatrains et de magnifiques poèmes nous sont offerts ainsi tout au long du livre.

Par moment, il y a des pages tellement magnifiques relatant les tourments du poète que j'ai eu l'impression de relire « La Confusion des sentiments » de son célèbre homonyme.

Il y a aussi Lolard B. Irmin, l'homme le plus important des services secrets britanniques auprès de l'administration de la Judée et ami sincère de notre poète.

Nous sommes à la veille des émeutes de 1929 en Palestine sous mandat britannique. Ces émeutes firent 133 victimes juives et 110 arabes. Les anglais sont peu nombreux pour maintenir la Paix. de plus, ils jouent sur les deux tableaux, juif et arabe, et regarde ces conflits impassibles. Néanmoins, ces émeutes, considérées par certains comme un pogrom, ont endeuilé le pays pour longtemps et leurs conséquences sont toujours d'actualité.

Qui a tué de Vriendt les arabes ou les sionistes ? Cet assassinat permet à Arnold Zweig de nous décrire avec une grande précision l'atmosphère et les tensions qui régnent, à cette époque, en Palestine. Tout y est minutieusement reconstitué : que ce soit les discordes entre agoudistes ou religieux orthodoxes, sionistes, et parmi les sionistes, il y a les socialistes, les kibboutznikim, les ouvriers, les nationalistes sans parler des communistes qui souhaitent la cohésion des ouvriers juifs et arabes. Et cerise sur le gâteau, les juifs ne raisonnent pas de la même façon selon le pays dont ils sont originaires. Arnold Zweig nous racontent des discussions sans fin qui nous permettent de bien appréhender toutes ces difficultés.

On assiste aussi à la réunion des dignitaires arabes avec la sensation d'y participer.

C'est un roman fort bien écrit voire certainement le chef d'oeuvre de cet auteur. Ce qui m'a le plus interpelée ce sont les paysages et ces poèmes. Ma culture judéo-chrétienne m'a permise d'imaginer ce pays, de fantasmer sur Jérusalem et sur les plaines, sur la Mer Morte, le climat, la chaleur oppressante, la recherche de la fraîcheur, et la plume d'Arnold m'a fait vivre de grandes émotions à décrire cette terre, le Mont Carmel, le Jourdain, bref un grand moment de littérature.


Pecosa va sourire si elle me lit ; petite anecdote : je cherchais un livre policier dans la bibliothèque de mon compagnon, un livre léger, qui me distrairait de mes cartons (déménagement). Je trouve « Un meurtre à Jérusalem » d'Arnold Zweig. Curieuse de lire Arnold, je m'en vais m'atteler à ma lecture sans imaginer, un seul instant, que je tenais entre mes mains un ouvrage de référence qui mérite d'être redécouvert.
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