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Critique de chapochapi


L'Abuseur de Séville donne à lire les origines de Don Juan. Si on devait tenter les rapprochements avec la littérature française, ce séducteur a plus à voir avec Renart qu'avec le Don Juan de Molière : c'est un homme qui trompe, qui manipule même ses amis qu'il n'hésite pas à humilier voire à condamner. Ce n'est pas le libertin que présente Molière : le personnage de Molina se joue un peu des esprits, ne semble pas craindre Dieu (mais il veut néanmoins se confesser...) mais c'est surtout sur le plan charnel qu'il est présenté.
La pièce de Tirso de Molina est aussi bien plus sombre que celle de Molière : la situation de Don Juan ne sent le roussi qu'à la fin et son valet Catherinon s'inquiète de plus en plus des abus de son maître ; il n'y a donc pas cette légèreté que l'on trouve chez Molière et qui tourne en ridicule le séducteur (je pense à la fameuse scène avec Charlotte et Mathurine).

Enfin, l'intrigue est la même : un homme abuse des femmes (vierges, hein, sinon c'est moins drôle). Ces dernières se donnent à lui en pensant qu'il les épousera : il le promet à chaque fois ( Aminte, Thisbé), ou bien en pensant qu'il s'agit de leur amant ou futur mari qui les visite un peu avant la noce (Dona Anna, Dona Isabelle). Toutes ont à coeur leur honneur flétri et demandent réparation. Mais contrairement à Molière, la pièce est beaucoup plus misogyne et mouline les stéréotypes de l'époque tout en reflétant une situation sociale espagnole avérée (dixit la préface). En effet, les amantes ne vérifient pas la tête de l'homme qui se glisse dans leurs draps (mais il en a été de même pendant très longtemps en France, où le mari ne voyait qu'à peine le corps de sa femme) et les hommes se contentent de dire que les femmes sont inconstantes. Par ailleurs, les femmes ont à peine le droit de parole et aucune Elvire pour donner une vision féminine très moderne.

Enfin, sur la dramaturgie : les unités française de temps et lieu ne sont évidemment pas respectées dans cette pièce espagnole. le baroque affleure d'autant à la fin de la pièce, lorsque le Commandeur propose un repas à Don Juan que n'auraient pas renié les sorcières de Macbeth.
Mais pour un lecteur habitué aux pièces classiques, certains éléments font sourire. Ainsi, Don Juan abandonne le Commandeur mourant. A peine a-t-il expiré que "des valets entrent en scène et emportent son cadavre". Bon, manifestement, les spectateurs n'ont pas de temps à perdre avec des pleurs, des cris de surprise ou de vengeance à la découverte du corps. C'est assez surprenant....

Pièce intéressante pour saisir l'évolution du mythe et comprendre les apports de chaque réécriture.

je vais un peu plus loin, pour ceux qui veulent bien me lire !
je ne connais pas la littérature espagnole du XVIIème siècle, mais j'ai un peu de mal à comprendre la position du préfacier, pour qui don Juan est "le châtiment des femmes" (titre que se donne effectivement le personnage). En somme, en ce siècle où un pouvoir matriarcal émerge et où les femmes se montrent plus légères, les femmes n'auraient que ce qu'elles méritent. le préfacier écrit notamment, pour le cas de Dona Anna : "Comment Don Juan n'éprouverait-il pas l'envie de précéder Mota ? Tout l'y pousse et son tempérament et sa forfanterie et son souci de punir les femmes promptes à offrir leurs corps." (p.16) Mais jamais Don Juan ne justifie ses actes de la sorte, ni pour lui-même, ni à son valet, ni à son père. Il se contente de voir, de désirer et d'obtenir ! (Veni, vidi, vici !).
Le préfacier note cependant que la justice que veut exercer Don Juan "s'exerce à la façon de représailles et elle aboutit à remplacer l'équité par la méchanceté. Moraliste au départ, don Juan finit immoraliste." (p.12) Encore une fois, à aucun moment, don Juan n'essaie de justifier ses actes, j'ai donc beaucoup de mal à comprendre qu'il ait voulu faire oeuvre de justice.... J'arrête là ma critique ! ceux qui voudraient m'éclairer peuvent m'envoyer un mail !
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