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Critique de Dossier-de-l-Art


Wouter van der Veen est l'auteur de nombreux livres sur Van Gogh. Il est encore l'inventeur d'une application séduisante dédiée à l'iPad, « Van Gogh's Dream », qui offre un panorama complet de l'homme, de son oeuvre et de sa technique, en usant de toutes les possibilités offertes par les écrans tactiles. Il a également participé en 2009 à l'adaptation cinématographique de son livre Dans la chambre de Vincent en format Imax : il s'agit du plus grand format d'image existant, d'une qualité à ce jour inégalée. Projeté sur écran géant à la Géode àParis, ce film transformait le petit univers de Vincent en environnement gigantesque.

C'est dire si l'auteur est intéressé par les potentialités de la technologie et surtout par les nouvelles approches de ce monstre sacré qu'est Van Gogh. C'est une démarche similaire qui est à l'origine de ce livre : il s'agit de comprendre autrement l'art du peintre, sans céder aux sirènes des a priori erronés et des lieux communs. En partant de ce qui est couramment dit et écrit, l'auteur bifurque, pousse son lecteur dans des chemins nouveaux et en arrive à cette démonstration qui en étonnera certains : Van Gogh n'était pas pauvre ; il fut soutenu autant que possible par sa famille et n'était pas le fou halluciné qui fascine les foules ; enfin, il rationalisa sa production, de sorte à s'adapter parfaitement à l'économie du marché de l'art. Il y fut aidé sans relâche par son frère Théo. Tous deux furent à bonne école puisqu'ils travaillèrent pour Goupil et Cie, maison de commerce d'art parmi les mieux achalandées de la fin du XIXe siècle. Ils connaissaient parfaitement la valeur de la peinture et savaient quelle était la manière la plus « moderne », celle qui serait à long terme la plus rentable. Vincent lui-même n'était pas ennemi des stratégies d'investissement et travailla comme un forcené pour rattraper le temps perdu (sa vocation fut tardive) et constituer un corpus étoffé et cohérent. le nombre de toiles peintes n'était certes pas le gage d'une réussite assurée ; mais un oeuvre clairsemé et sans évolution notable aurait certainement annoncé un échec retentissant.

Chapitre après chapitre, la démonstration s'affine, est étayée par des correspondances, des analyses originales, notamment de la communauté hollandaise à laquelle appartenait Van Gogh. Un des passages les plus intéressants montre que les convictions religieuses de l'artiste pouvaient s'accorder avec une vision à la fois laborieuse et lucrative du métier de peintre : il fallait rendre à la société ce que Dieu avait donné. L'interprétation du suicide, acte de désespoir qui pourrait aussi avoir été commis dans l'intention de faire fructifier un capital, clôt le livre de manière captivante. L'histoire n'est pourtant pas tout à fait terminée, car c'est la femme de Théo, Johanna Bonger, qui saura faire monter la cote de son beau-frère. On se prend alors à rêver d'une biographie de cette jeune femme, peut-être la plus douée du trio, au moins pour susciter cette admiration inconditionnelle – et justifiée – que le public éprouve pour l'art de Vincent van Gogh.

Par Christine Gouzi, critique parue dans L'Objet d'Art 544, avril 2018
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