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Féminisme et droits des femmes : 5 coups de coeur de la librairie L'Affranchie

Article publié le 06/03/2024 par Nathanaëlle Leclaire
 

 

La librairie L’Affranchie, située à Lille, propose un large fonds de littérature feministe queer et engagée. À l'occasion de la Journée des droits des femmes, nous avons souhaité mettre en lumière ce joli lieu, et demander aux libraires quelques recommandations de lecture. Lucie nous a donc proposé 5 livres parlant tous de femmes, dans 5 genres différents : science-fiction, non-fiction, théâtre, poésie et BD.


Marine Forestier, Les Lichennes
Esaaa éditions, 432 pages, 14 €


« Alors on va commencer par de la science-fiction. On est dans un monde où la Terre n'est plus du tout habitable, la terre très sèche, très toxique, avec très peu de plantes (voire pas du tout) qui parviennent à pousser. Plusieurs noyaux humains ont quand même réussi à survivre. Il y a un satellite, avec la population qui ne vit que dans ce satellite, une cité qui a été construite en hauteur par des ingénieurs. Notre héroïne est une femme lichen qui elle, vit sous la terre, avec d'ex-scientifiques qui ont fusionné avec le lichen pour développer des capacités leur permettant de résister dans cet environnement. Elles sont persuadées d’être seules au monde… jusqu'à ce qu’elles reçoivent un message.

 

On est sur quelque chose qui ressemble à du young adult, comme Hunger Games. Il y a beaucoup d'aventures et on suit des personnages principaux qui sont plutôt jeunes et on découvre au fur et à mesure qu’il y a un complot visant à détruire la Terre, à tout raser. Ils vont alors s’allier pour trouver une solution, pour prouver que le renouveau, la renaissance de la Terre sont possibles. On y trouve plein de propositions super intéressantes en termes de fusion entre le corps humain, les animaux et les plantes. Tout ça ne forme finalement qu’un seul et même organisme interdépendant. Et il y a une autre communauté qui s’affranchit d’absolument toutes les normes humaines.

C'est poétique et le livre en lui-même est très très beau, c’est une école d’art qui a fait l’édition. À chaque chapitre on retrouve un poème, et chaque partie a son petit dessin. Donc dans le monde aquatique, dans le satellite, chez les lichens… En termes de genre aussi c'est intéressant, je ne sais pas si on peut l'inscrire dans de la littérature queer, mais il y a des personnages qui ne sont pas genrés. »

 



Joséphine Bacon, Bâtons à message - Tshissinuatshitakana 
Mémoire d'encrier, 144 pages, 12 €


« Passons à la poésie. Moi, j'adore Joséphine Bacon, qui est une poétesse Innue, donc issue d'une population autochtone canadienne, et qui fait partie des générations de personnes qui ont été kidnappées, enlevées à leur famille pour être mises dans des internats et être acculturées. Donc on leur enseignait la foi catholique, on leur faisait oublier leur langue, leurs traditions et leurs légendes. Et à l'âge adulte, l’autrice essaye de retrouver ce lien qu'elle avait avec son peuple, avec son histoire et aussi avec la nature, puisque les peuples autochtones sont très liés - que ce soit dans les légendes ou dans le quotidien et leur façon de vivre - à la nature.

C'est tout ça qu'il y a dans ce livre, à travers des petits poèmes, qui sont à chaque fois en plus en français et en langue Innue sur les doubles pages. C'est une langue qu’elle a donc réapprise plus tard, et c'est aussi elle qui s'occupe des traductions. C’est un travail qui est très beau et c'est court mais efficace, on a l'impression d'être dans les forêts canadiennes dans le grand Nord. Mais en même temps, avec cette colère et cette douleur qui est toujours présente. »




Julie Ménard, Le Garde-Fou
L'Oeil du prince, 120 pages, 14 €


« On continue avec une pièce de théâtre qui traite de l’enfermement sous toutes ses formes, où on va avoir plusieurs scènes avec deux personnages qui se répondent. Chaque personnage vit une situation d'enfermement, mais différente. Ça peut être dans un hôpital psychiatrique, ça peut être en prison, ça peut être un enfermement plus psychique, ou dans une relation, dans une situation, dans un travail... Et ils vont chacun se rencontrer comme un cercle qui tourne, ou plutôt comme des chaises musicales et on ne sait pas toujours exactement pourquoi et qui est enfermé.


J'ai trouvé ça tellement juste, ca m’a ramenée à la notion première d’enfermement et dans le fait d’être restreint aussi dans son corps. Dans une époque, surtout dans les milieux politiques de gauche, où on questionne beaucoup l’enfermement, c’était assez fort de se retrouver dans cette situation-là, et de reprendre conscience de ce que c’est aussi d'être contraint physiquement et de ne pas avoir le choix. Les luttes sociales, c’est un sujet très présent actuellement au théâtre. »


 


Collectif, Gagner le monde : Sur quelques héritages féministes
La Fabrique éditions, 180 pages, 16 €



« Ici on a un recueil d’articles de différentes autrices, qui sont pour la majorité (si ce n’est toutes) issues des Suds globaux et/ou racisés. Elles viennent parler de ce qu'elles entendent par "féminisme transnational" dans le sens de cette sororité mondiale qu’on imagine être le but du féminisme, et comment la vraie solidarité entre les féministes peut exister et peut être appliquée. On va alors avoir à la fois de la théorie mais aussi de la pratique : il est riche de propositions et en même temps de réflexions et j’ai trouvé que ça faisait du bien à lire dans une époque où on peut reprocher au féminisme d’être très occidental, blanc et bourgeois. C’est vraiment incroyable, parce que même en étant dans les féminismes, on reste assez éloignées de ce qui peut être fait dans des pays moins médiatisés et là ça permet de s'y plonger, de s’y attarder, et d’en tirer des réflexions intéressantes.

On y retrouve donc des essais dans lesquels les autrices et/ou activistes vont dire : "Moi je pense ça, j’ai observé ça et voilà les conclusions que j'en tire." Il y a par exemple un article autour d’une revue intitulée AWA, publiée en Afrique subsaharienne dans les années 1970-80 il me semble, et le titre c’est AWA : la revue de la femme noire. C’est en fait une publication féministe qui reste je pense assez peu connue du grand public en France, et on découvre ici l’histoire de cette revue, tout ce que ça a permis de mettre en place en termes de conscience de classe, du genre en tant que classe, etc. Il y a de l’Histoire, de la théorie, des histoires de lutte aussi, notamment en Amérique du Sud, qui sont dingues. Ca reste un livre assez précis, à réserver à ceux qui sont déjà familiers avec les textes féministes - et pas forcément une première lecture à faire sur le sujet. »




Audrey Spiry, En silence
Casterman, 168 pages, 16 €


« Pour finir, j'ai choisi une bande dessinée qui est incroyable. Je pense que pour le coup elle est un peu connue parce que c’est une republication. C’est simplement l'histoire d’une descente en rafting. On suit une jeune femme qui y va initialement avec son compagnon, le moniteur, et une famille, donc avec les parents (un homme et une femme), et les deux filles. Mais finalement, c'est plus que l'histoire d'une descente en rafting. 

Ca va aussi être un voyage intérieur, qui n’est pas forcément exprimé en mots, des moments presque magiques dans une nouvelle dimension. Ca va lui faire un peu comme quand on se prend de l’eau fraîche sur le visage, qu’on se réveille et qu’on voit les choses d’une autre manière. Et, il y a aussi quelque chose qui va se créer entre la mère de famille et ses filles. Il y a une autrice qui parle de se "pairecevoir", donc se voir entre pairs et de savoir des choses sur son vécu, sur comment on perçoit la vie, parce qu’on a ce vécu commun. Et je trouve que ça s’applique assez bien à celle-ci. L’effet que ça fait en le lisant, c’est une bouffée d’air frais. »

 


Merci beaucoup, et du coup est ce que la librairie prévoit quelque chose pour le 8 mars (Journée internationale des droits des femmes) ?

« On fait grève, donc on ferme, donc on sera dans la rue. »



Librairie L'Affranchie, 6 place Sébastopol, Lille


Merci à Lucie d'avoir pris le temps de nous répondre !

Et vous, avez-vous des recommandations de livres féministes et engagés ? Dites-le nous en commentaire...

 

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