On croit connaître les Vinci. Des Traits onctueux, étoffés dans un décor éthéré. Des visages doux. Le sfumato. La légèreté des arrière-plans toscans. Et puis cette atmosphère sourde, si sourde qu’on n’y voit plus rien.
C’est pourtant un fait : au Louvre, chaque jour, des milliers de visiteurs se pâment devant ce qui n’est que l’ombre de Vinci : des peintures à l’huile encrassées, pour ne pas dire des croûtes jaunes. Le génie ? Il est noyé par d’exécrables nappes de vernis qui étouffent les figures, elles qu’autrefois on jurait avoir vu respirer.
Mais du fond de ce triste horizon perce une lueur d’espoir. 2012 a mis fin à la série noire.
Ça y est, La Sainte Anne est restaurée. Et bientôt, ce coup de jeune n’aura de secrets pour personne.
… le choc auprès du public est inévitable : « La Sainte Anne est si ancrée dans notre mémoire visuelle que son état restauré créera la surprise »
…
Cette restauration-là a permis de découvrir le vrai sfumato. Avec les vernis celui-ci était devenu une sorte de clair-obscur viré en grisaille. Or, il est censé produire des modulations imperceptibles de l’ombre à la lumière. Et aujourd’hui, on est à même de s’en rendre compte. La lumière de Vinci est pareille la lumière du jour qui tombe sur vos visages. On ne voit aucun contour, tout est d’une subtilité inouïe : ça passe du rose au blanc, ici un peu plus sombre, là un peu plus jaune. Avant, c’était un tableau couvert de taches. Mystérieux, certes, mais d’un mystère trompeur.