Ce ne sont pas les Palestiniens qui menacent l’existence d’Israël mais les colons fanatiques de Cisjordanie.
En règle générale, les nationalistes, tous les nationalistes, y compris les Palestiniens, s’intéressent davantage au passé qu’à l’avenir. Du côté de la droite israélienne, le refus d’accepter le caractère définitif de la situation créée en 1949 est aussi lié à la crainte que la reconnaissance des droits nationaux des Palestiniens ne finisse par saper les droits historiques des Juifs. Car si nous nous refusons le droit de coloniser les territoires conquis en 1967, sur quoi exactement repose la légitimité de la colonisation d’avant 1949 ? Les Palestiniens tiennent le même raisonnement, seulement en sens inverse : puisque la colonisation d’après 1967 est illégitime, il en est exactement de même en ce qui concerne celle d’avant 1949.
Ces hommes et ces femmes, soldats, sous-officiers et officiers de l’armée israélienne, ne se distinguent de leurs compatriotes que par une chose : ils ont choisi de dire tout haut ce que tout le monde sait mais ne pense que tout bas. C’est cette conspiration de conformisme, de silence et de refoulement qui règne dans une classe politique qui préfère ne pas voir et ne pas comprendre pour ne pas avoir à réagir que ces soldats sont venus rompre. Mais en forçant tous leurs compatriotes à se regarder dans le miroir, ils suscitent un malaise qui en dit long aussi bien sur le mal que leurs témoignages contribuent à mettre en lumière que sur les faiblesses de notre société. Car trop nombreux sont parmi nous, Israéliens, surtout au sein de nos élites, ceux qui voudraient faire comme si les Territoires occupés n’existaient pas.
En effet, la véritable origine du mal réside dans le fait que le triomphe de la guerre d’Indépendance ne soit pas devenu dans notre histoire une ligne de partage des eaux, et que la création de l’État n’ait pas produit un bond en avant sous forme de nouvelles idées et d’une nouvelle mentalité. Au lieu de considérer la création de l’État comme la fin du processus de fondation et comme le premier pas vers la normalisation, l’élite politique israélienne se trouva prise dans un engrenage qui la conduisit à poursuivre l’action menée tout au long de la période préétatique. La solidité du cadre conceptuel tout comme celle des structures institutionnelles héritées de cette période était telles que la transition de la communauté combattante à l’État constitué fut à peine ressentie.
Dans la perspective des colons, dans la liberté dont ils jouissent s’inscrit également le droit de rendre misérable la vie des villageois arabes dont on convoite encore et toujours les terres ou à qui on tient seulement à montrer qui sont les maîtres. En réalité, la société israélienne est aujourd’hui prisonnière des colons. Ce qui fait que le seul résultat tangible de ces deux rapports fameux fut la démission, forcée de fait, de leurs auteurs.
Les représentants israéliens soulignent régulièrement le fait que, dans les Territoires, les Palestiniens reçoivent toutes les denrées de base, qu’ils ne connaissent pas de crise humanitaire et qu’Israël assure même le maintien d’une certaine « trame de vie ». Un tel discours, ainsi que les propos évoquant une prospérité économique en Cisjordanie, suggère que la vie sous occupation étrangère peut être tolérable, voire bonne.