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Critiques de Contretemps (19)
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Un/des mouvement(s) comme une colère profonde à l’appropriation du monde par une minorité. Le refus et l’espérance, en tâtonnement, en recherche, ensemble, de nouvelles formes de politique débarrassées de ses oripeaux, d’une démocratie réelle inclusive pour les 99% de la population. « Ce caractère ouvert, égalitaire et participatif des procédures et des modes d’organisation procède d’une volonté de découvrir des procédures susceptibles d’unir tous ceux qui sont touchés par la crise et qui sont mécontent du système politique actuel ». La coopération plutôt que la concurrence, le consensus plutôt que le vote et la délégation.



Le refus des institutions actuelles de la politique, les rencontres, les occupations et les espaces « Ce ne sont pas seulement les idées qui sont importantes : ces espaces sont fondamentaux pour la possibilité d’un monde nouveau », les échanges non confinés à l’intérieur de frontières. « Et quand certains pensaient que tout était terminé, voilà que nous avons, à plusieurs endroits, le plus inespéré : des gens neufs disposés et engagés à commencer à nouveau ».



Une idée, enfin battue en brèche, malgré les discours assénés depuis trop longtemps « Ces jeunes sans avenir ont su mettre à nu d’un seul coup la fausseté qui affleurait et qui a soutenu pendant des décennies la légitimité du système : l’identité établie entre démocratie et capitalisme ».



La volonté de prendre ne compte la diversité et donc le refus de la « colorblindness » : « Notre diversité est notre force. Mais la colorblindness de gauche est un rejet de cette diversité ».

Je souligne le beau texte de Slavoj Zizek, dont une autre traduction avait publiée dans Variations (www.theoriecritique.com ) sous le titre « Encre rouge »



Par sa dimension plus internationale « Les résonances politiques ne se ”propagent” pas de façon simple dans un espace lisse, dépouillé de tout obstacle matériel ou affectif, comme les vaguelette produites par une pierre soudain jetée dans un plan d’eau », un livre plus complet que Occupy wall street ! Textes, essais et témoignages des indignés, Introduction de Jade Lindgaard (Les arènes, Paris 2012)



Un souffle de jeunesse, d’indignation, encore trop largement sous-estimé par la majorité des forces syndicales et politiques d’émancipation. « Mais l’erreur – clairement instrumentalisée par ceux qui se sentent menacés par le soulèvement – , c’est de penser que nous sommes confrontés à un rejet – et non devant une revendication – de la politique. »

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Contretemps 25

De ce riche numéro, je ne souligne que certains textes de deux des dossiers.



En premier lieu, le « Retour sur la grande grève des mineurs britanniques ».



Dans l’introduction, « Héritages de la grande grève des mineurs britanniques. Des « petits Moscou » à « Londongrad », publiée avec l’aimable autorisation de la revue ContreTemps (voir blog : entre les lignes entre les mots), l’accent est mis sur l’importance de cette grève et de sa répression, sur un « moment inaugural » du néo-libéralisme (après le coup d’Etat au Chili et les politiques déployées par les Chicago-boys). Les auteurs ajoutent : « Revenir sur cette grève, c’est donc d’abord, peut-être, retrouver la logique politique et nettement policière et militarisée de cet étatisme centralisateur parlant la langue de la phobie de l’État ; pour que les diffusions apparemment anonymes, productrices des nouveaux sujets « néolibéraux », se répandent et forment ce que l’on juge parfois comme une sorte d’humeur sans visage de notre condition historique depuis une génération au moins, il a fallu en passer par la matraque, l’emprisonnement, les cordons policiers, la police montée, les fausses déclarations de police, les comparutions expéditives, les prestidigitations médiatiques et les diffamations les plus inventives, puis par l’effacement des traces. »



Thierry Labica revient sur les grandes grèves de mineurs au 20ème siècle en Grande-Bretagne, la centralité politique acquise par le monde de la mine et le National Union of Mine Workers (NUM). Il parle aussi de la question industrielle-manufacturière, de l’industrie charbonnière et de sa place aujourd’hui dans le monde, « cette économie repose sur un mixe énergétique qui continue de faire une place considérable au vieux charbon », d’Andrey Melnichenko…



Je souligne ses développements sur le néolibéralisme, ses conséquences, les transformations qu’il induit, au delà de la sphères économique, « une reconfiguration générale du sujet dans ses affects, entrepreneur de lui-même et artisan de ses propres évaluations concurrentielles », sans oublier, ce qui est très souvent sous-estimé, sa « violence inaugurale »…



Le dossier illustre bien la place politique des mineurs, de cette lutte et de cette défaite. Reste que la manière dont cette grève a été menée, le mode d’organisation des mineurs, la faiblesse du soutien des autres organisations syndicales sur le continent, mériterait aussi un retour en arrière, sans oublier les dimensions socio-écologiques peu présentes durant ces années….



Les Cahiers de l’Emancipation proposent de revenir sur le processus bolivarien. Lire le texte d’introduction « Le processus bolivarien en crise. Dynamiques et perspectives » publié avec l’aimable autorisation de la revue ContreTemps (voir blog : entre les lignes entre les mots).

Je retiens deux éléments : la faible évolution des relations de travail et des rapports sociaux de production, la vision campiste du gouvernement. A juste titre, les auteurs concluent sur les processus d’émancipation et « les débats autour de l’auto-organisation populaire, de la démocratie autogestionnaire et de la mise en place d’un modèle de développement alternatif sont indispensables à tout changement social durable, à la périphérie comme au centre du système-monde capitaliste ».



Patrick Guillaudat et Pierre Mouterde resituent le contexte socio-économique, les particularités du Venezuela, les impacts des politiques menées en urgence sociale (1999-2002), le formidable élan des missions (2003-2007) en particulier le système de soins de santé communautaire, les mobilisations populaires, « les résultats sont réellement spectaculaires, particulièrement en terme de santé et d’éducation ». Ils montrent les blocages dans la troisième phase (2007-2014), le refus « d’élargir les espaces démocratiques de la mobilisation populaire », la domination du secteur privé inentamée (66% du PIB), l’inflation et les pénuries, tout en soulignant la véritable amélioration des conditions de vie (dont la retraite) mais aussi sa fragilité…



Les autres textes traitent de la rente pétrolière et de l’extractivisme, de l’étatisme, de la corruption, du manichéisme gouvernemental ami/ennemi, des conseils communaux, de l’élargissement de la participation, du PSUV, des systèmes d’allégeance ou de clientélisme, des expériences de contrôle ouvrier et d’autogestion, des médias et de l’expérience d’Aporrea, du campisme et des positions sur les révolutions arabes…



Au final un riche dossier loin des imageries dénigrantes des médias ou sur-valorisantes des soutiens a-critiques.



Parmi les autres articles, je signale :



L’entretien avec Michel Warschawski

L’entretien avec Carmen Castillo

Les articles de Gilles Bounoure



Je ne souhaite pas intervenir sur les « gauches radicales »
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ContreTemps, N° 23 4e trimestre 2014 : Clas..

L’ennemi d’un ennemi peut ne pas être un ami

Je commence par le Cahier de l’émancipation sur la Chine. Dans sa présentation, Questions chinoises, publiée avec l’aimable autorisation de la revue ContreTemps, (voir sur le blog entre les lignes entre les mots) Pierre Rousset interroge les transformations profondes de la société chinoise, la place géopolitique de cet Etat, le nouveau capitalisme chinois… Contre les positions dites « campiste » et l’idée dévastatrice des alliances avec « sa propre bourgeoisie » ou des « ennemis de mes ennemis », il développe des positions internationalistes, « l’urgence est de renforcer les coopérations entre mouvements progressistes de toute la région, en toute indépendance vis-à-vis des pouvoirs établis ».



Dans « Transformations de la société chinoise », Pierre Rousset souligne les bouleversements de la structure et des hiérarchies sociales, « transformation répétée de la condition faite à la paysannerie, aux femmes populaires mais aussi dans la trajectoire météorique d’un nouvel acteur (une bureaucratie d’un type très particulier) et dans ce que l’on peut appeler la recréation de classes fondamentales (bourgeoisie, prolétariat) ». Il revient sur les bouleversements sociaux sous le régime maoïste, la désintégration des classes dominantes de l’ancien régime, le recul de l’idéologie confucéenne, la bureaucratie d’Etat privilégiée, la subordination politique du prolétariat…



Il montre comment une « nouvelle bourgeoisie » s’est constituée dans les années 1980-90, comme « produit d’une évolution interne à la société ». La bureaucratie s’est auto-transformée pour devenir le « pilier d’un « capitalisme bureaucratique » spécifique ». Pierre Rousset parle du nouveau prolétariat « nourri par un exode rural massif et composé de « migrants de l’intérieur », sans papiers et sans droits, remplaçant la classe ouvrière de l’époque maoïste », de la paysannerie « menacée d’une privatisation légale et générale des parcelles dont elle a l’usufruit » par un changement juridique du statut des terres agricoles… L’auteur souligne aussi le rôle de l’Etat dans les « grandes transformations de l’ordre social ».



Dans « Le PCC, le Japon et la mer de Chine du Sud : une rétrospective », Au Loong Yu présente à la fois l’évolution de sa position et des analyses liant questions nationales et revendications politiques. S’il insiste sur « le chauvinisme de grande nation du PCC », il trace aussi des perspectives d’union des mouvements populaires pour la paix.



Poe Yu-ze Wan, « Taïwan : démocratie, autodétermination et projet socialiste » propose de juger la démocratie libérale à Taïwan et les (prétendues) pratiques socialistes en Chine à l’aune d’une « approche radicalement démocratique du socialisme ». Le titre de cette note est extrait de son texte. Il souligne, entre autres, les identifications entre « socialisme » – « collectivisme » et « dictature » dans la « gauche » taïwanaise, la distinction impérieuse entre « le nationalisme des oppresseurs et le nationalisme des opprimés ». L’auteur défend une « compréhension du socialisme comme autogestion démocratique ou autogouvernance », un projet visant « à la radicalisation de la démocratie »…



Holly Hou Lixian « Sur le mouvement LGBT en Chine continentale » parle de l’homosexualité dans les sociétés chinoises, du développement du mouvement LGBT, de lutte contre le sida, du mouvement lesbien, des « Lalas », de « Jolie combattante », des féministes Lala…



Le dossier se termine sur un article de Pierre Rousset « Quand la Chine bouleverse la géopolitique mondiale et asiatique »



Dans l’ensemble, un Cahier de l’émancipation intéressant mais trop court pour couvrir l’ensemble des champs de ce nouvel impérialisme en constitution, des contradictions engendrées par le « capitalisme bureaucratique » et les recompositions des classes sociales…



J’ai aussi particulièrement été intéressé par les deux articles de Gilles Bounoure sur Jean Arp et Hokusai.



Dans la partie « Classe ouvrière, syndicats et partis à l’heure du capitalisme global », je voudrais signaler des problématiques limitant sérieusement les analyses présentées. Je ne parlerai, ici, que de deux dimensions.



Les auteurs ne prenant pas en compte les divisions et les dominations internes aux classes ouvrières, ni les processus de racialisation ni les rapports sociaux de sexe. Pour n’en rester qu’à la sexuation du monde, il serait plus que temps, que toutes analyses des classes sociales prennent en compte que « Travailleuse n’est pas le féminin de travailleur » (Voir Danielle Kergoat : Se battre disent-elles…, La Dispute, legenredumonde 2012).



La seconde dimension problématique est un manque de critique face aux analyses et politiques des partis communistes, du « mouvement communiste officiel », dont les effets des dimensions staliniennes et/ou nationalistes, pour n’en citer que deux, sont très éludées…



Dans le cas de l’Afrique du Sud, j’invite à se reporter aux textes récents de Claude Gabriel publiés sur le site ESSF.



Je souligne que l’hommage, par ailleurs intéressant et nécessaire, à Henri Curiel est contaminé par cette dimension, que l’on peut qualifier de « campiste ».
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Europe, en risque d'avenir

Coopération égalitaire et citoyenneté intégrale



Europe, élections européennes – en fait des élections nationales pour un parlement européen aux faibles pouvoirs – sans réelle citoyenneté européenne, des fonctions étatiques segmentées et sans contrôle, des politiques néolibérales menées tant au niveau de l’Europe que dans les différents pays, des « ruptures » brisées par l’ordre européen, des affirmations « souverainistes », « l’acceptation (im)morale des conditions catastrophiques dans lesquelles des êtres humains engagent leur périple vers l’Europe », le cynisme des accords de sous-traitance du contrôle des migrant·es, les paniques identitaires (j’ajoute, parfois sur fond de non règlement de questions nationales et nationalitaires), la question d’une citoyenneté européenne ouverte sur le monde et la nécessaire radicalisation du droit du sol (et probablement l’abandon de toute référence au sang)…



Comme pour des autres revues chroniquées, je choisis subjectivement de n’aborder que certains articles.



Laurent Vogel, dans son article « L’outil du droit communautaire dans les luttes pour la santé au travail en Europe », souligne entre autres, « la possibilité de construire une stratégie judiciaire en s’appuyant notamment sur des directives européennes », les contre-tendances « qui peuvent se révéler utiles et servir de leviers » contre la détérioration des conditions de travail induites par les politiques néolibérales (santé au travail, égalité femmes/hommes, lutte contre certaines discriminations).



Il insiste sur la conflictualité quotidienne des questions de santé au travail, la question de la démocratie dans le travail, les luttes pour l’égalité (et donc contre les divisions du travail – dont la division sexuelle du travail). L’auteur aborde la régulation juridique de la santé au travail, l’histoire de la monétisation des risques, les organismes de prévention (comme les CHSCT détruits par la nouvelle Loi travail d’Emmanuel Macron), les risques chimiques, la lutte contre le cancer, « Avec plus de 100 000 morts par an, les cancers constituent la première cause de mortalité liée à de mauvaises conditions de travail dans l’Union européenne. Ils frappent principalement les professions ouvrières et des activités de service fortement féminisées (notamment la santé, la coiffure et les ongleries, le nettoyage) », le rôle de la jurisprudence et de la transposition des directives européennes dans les droits nationaux, « Toute situation où le droit national ne répond pas aux exigences minimales d’une directive peut être soumise à la Cour de justice européenne ». Développer des stratégies judiciaires au niveau européen renforce les luttes contre « la violation systématique des obligations de prévention des entreprises ». J’ajoute, pour autant, que la question du droit soit aussi posée politiquent.



Dans le dossier, manque cruellement un article sur les femmes en Europe, la réalité du travail et du temps de travail féminin, le refus français du « à travail de valeur égale, salaire égal », les droits sexuels et reproductifs dont le droit à l’avortement. Le sexe des risques professionnels et de la santé au travail est partiellement abordé par Laurent Vogel. Comme je l’ai déjà signalé à propos d’autres numéros, le prisme du genre (mais ce n’est pas le seul) est indispensable pour analyser les rapports sociaux.



Si les questions nationales et nationalitaires sont abordées, j’y reviendrais, je regrette l’absence de traitement des procès de racisation dans cette Europe (par ailleurs de plus en plus fermée aux migrations et au droit de libre circulation et d’installation des individu·es). La situation des Rroms aurait pu en être une illustration. Les questions européennes ne peuvent par ailleurs être seulement abordées au prisme particulier de chaque État-nation.



De ce point de vue, l’article de Jean-Yves Potel, « L’Europe vue de l’Est » donne un éclairage géographiquement (et politiquent) plus large. Il analyse les évolutions et les changements socio-économiques, les « indicateurs de croissance et de modernisation », les désastreuses conséquences sociales, les nouvelles inégalités, « Les conséquences politiques et psychologiques de ces nouvelles inégalités dans un contexte de détérioration des services publics ont été considérables », le chômage de masse, les contestations nationalistes et les réécritures des « romans nationaux », les corruptions, la construction d’Etats autoritaires et les « bras de fer avec la Commission européenne en remettant en cause les règles de l’état de droit (séparation des pouvoirs, indépendances de la presse, etc.) ». A noter que les tendances autoritaires se développent dans l’ensemble du monde néolibéral . Je souligne les passages sur la précarité sociale, la baisse significative du taux d’activité salariée des femmes, l’émergence d’« ethno-nationalismes »…



Plusieurs articles permettent de rediscuter des questions nationales et nationalitaires, de la négation du droit à l’autodétermination des peuples. Bruno Della Sudda, Patrick Silberstein, Daniel Desmé abordent l’usage des langues, le « sentiment d’appartenance à des cultures minoritaires », les révoltes populaires dans les territoires colonisés, les succès électoraux des « nationalistes » en Corse, le droit des Kanak à l’autodétermination. L’autodétermination est bien un élément stratégique pour l’émancipation – la possibilité pour un peuple « de se donner les institutions économiques, politiques, culturelles qui lui semblent appropriées et des relations qu’il entend nouer avec d’autres nations »…



Les auteurs posent une question que je juge décisive : « Comment (re)construire une Europe démocratique, de coopération égalitaire et de citoyenneté intégrale, tournée vers la satisfaction des besoins de l’ensemble des peuples, les droits des femmes et la fin de la domination masculine, la transition écologique, les droits des minorités linguistiques et culturelles installées ici et là, sans que les peuples soient institutionnellement reconnus comme décideurs ? »



Richard Neuville, Mariana Sanchez et François Caussarieu reviennent sur la Catalogne, la non reconnaissance du caractère plurinational de l’Etat espagnol, le carcan de la constitution de 1978 et la « transition » sans rupture avec le franquisme, les gouvernements qui se sont succédés en Catalogne, les éventements plus récents et les questions stratégiques dont celle de la République…



Il est nécessaire de « Parler encore et toujours de la Syrie… ». L’entretien avec Farouk Mardam-Bey,est un bon complément au récent livre auquel il a participé : Subhi Hadidi, Ziad Majed, Farouk Mardam-Bey : Dans la tête de Bachar al-Assad.

Du coté de la culture, deux articles toujours passionnants de Gilles Bounoure. Une ouverture sur d’autres aspects culturels me semble néanmoins nécessaire. Je rappelle, par exemple, le dernier ouvrage de Nicolas Béniès sur le jazz : Le souffle de la révolte. 1917-1936 : Quand le jazz est là.

Reste une question, que je pose maintenant à toustes les auteurs et autrices, pourquoi ne pas utiliser une écriture plus inclusive ? – le point médian, l’accord de proximité, les européen·nes, les habitant·es, les acteurs et les actrices, les militant·es, les ouvrier·es, les employé·es, pour rendre visibles les unes et les autres, les iels et toustes. Peut-on réellement lever le drapeau des émancipations, en continuant à porter les haillons ou les treillis de lois grammaticales et orthographiques adoptées par les académiciens masculinistes (et par ailleurs incompétents). Ces normes « ordinaires » faisant primer le masculin sur le féminin contribuent à invisibiliser les femmes. Il est nécessaire de rompre avec ces fâcheuses habitudes…
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ContreTemps N°9

Premier thème : l’extrême droite avec deux textes de Jean-Paul Gautier sur l’extrême droite en Europe et sur le Front National, complété par une analyse de la « Fabrique de la haine » d’Enzo Traverso ). Deux des éléments soulignés par cet auteur me semblent particulièrement importants : « Le racisme et la xénophobie sont un processus de construction symbolique de l’ennemi – inventé en tant que figure négative – visant à satisfaire une quête identitaire, un désir d’appartenance, un besoin de sécurité et de protection » et « C’est donc la démocratie elle-même qu’il faudrait repenser, ainsi que les notions d’égalité des droits et de citoyenneté, pour redonner un souffle à l’antiracisme. »

Karen Yon analyse les évolutions de l’action syndicale et poursuit les débats sur le bilan du mouvement de l’automne 2010 sur les retraites. Ce que l’auteur nomme ‘actes transgressifs’ « des prises de positions de syndicalistes dans l’ordre politique, non pas comme actes d’allégeance mais comme des interventions visant à bousculer les partages établies » me semble à la fois juste mais réducteur. L’action syndicale a intrinsèquement une/des dimension/s politique/s, les champs d’intervention ne sauraient, par une méchante définition, être cloisonnés entre social et politique. Ce texte est complété de focus sur les ‘évènements’ de Lyon « Expérimentation du ketting… » et « Les blancs peuvent sortir, pas les autres » .



Michel Husson analyse « La nouvelle phase de la crise » en insistant, entre autres, sur le brouillage entre salaires et rentes, la raréfaction des occasions d’investissement rentable, sur le déplacement de la demande sociale vers des secteurs à moindre productivité, etc…



Il montre les dilemmes de la phase actuelle : « Dilemme de la répartition : rétablissement de la rentabilité ou de l’emploi ? », « Dilemme de la mondialisation : résorption des déséquilibres ou croissance mondiale ? », « Dilemme budgétaire : résorption des déficits ou dépenses sociales ? » et « Dilemme européen : chacun pour soi ou coordination ? ». Il présentent ensuite des arguments dans le débat sur une éventuelle sortie de l’Euro.



J’ai particulièrement été intéressé par l’analyse de Pierre Salama « Pauvreté rurale et assistancialisme . Leçons du Brésil ». Les analyses se concluent par « l’effet de assistance est immédiat lorsqu’elle diminue la profondeur de la pauvreté et allège celle-ci, mais force est d’observer qu’elle ne fournit guère les moyens de surmonter durablement la pauvreté » et « On comprend dès lors qu’une politique de réduction durable de la pauvreté est avant tout un problème d’ordre politique. »



Le care est abordé par plusieurs textes de Jacqueline Penit-Soria et Claudine Blasco.



Malgré une première phrase « Le care a toujours existé » assimilant des gestes et attitudes dans des systèmes sociaux très différents, soit une conception a-historique, les analyses présentées ouvrent des débats nécessaires. Les auteures soulignent que « la dévalorisation du care tient aux dominations de classe, de genre et de race ». Elles mettent l’accent sur « la chaîne mondiale de services à la personne », discutent de la conception « compassionnelle » niant l’expertise professionnelle. Elles prônent une politique démocratique du care « prise en charge des petits enfants et des personnes dépendantes, âgées ou handicapées, selon les principes d’égalité et de refus de la marchandisation de ces services, tout en garantissant le statut professionnel des intervenant ». Pour moi, les réponses sociales ainsi dégagées s’écartent du care comme invention récente. A l’heure des projets néolibéraux sur le sujet, une introduction à des réponses émancipatrices.



Je termine par l’article de Daniel Bensaïd « Considérations inactuelles sur ‘l’actuel encore actif’ du Manifeste communiste ». J’extrais trois points, peu ou mal discutés aujourd’hui :



Contre une conception sociologique des classes sociales : « Dans le procès de reproduction d’ensemble enfin, les classes sont déterminées par la combinaison concrète de l’extorsion de plus-value, de la division et de l’organisation du travail, de la distribution du revenu, de la reproduction de la force de travail dans toutes les sphères de la vie sociale. Alors les classes peuvent apparaître comme autre chose qu’une somme d’individus remplissant une fonction sociale analogue. »

« Les rapports d’oppression entre sexes sont irréductibles aux rapports de classes spécifiques à une époque et dans un mode de production déterminés. Ils y sont cependant imbriqués et articulés……. D’où la nécessaire autonomie stratégique du mouvement d’émancipation des femmes. »

sur le dépérissement de l’État, il me semble que jamais Daniel Bensaïd ne s’était exprimé si précisément : « Le problème, c’est que cette anticipation audacieuse, son impatience libertaire, opposée à tout fétichisme bureaucratique de l’État, court-circuite l’élaboration patiente d’une pensée institutionnelle et juridique de la démocratie : le dépérissement annoncé est censé résoudre les antinomies de la représentation démocratique. » Un débat crucial.

Malgré la multiplicité des thèmes abordés un numéro de très bonne tenue et un article sur Mondrian hors des sentiers battus.
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ContreTemps N° 36

L’accommodement aux normes englue la transformation dans l’ordre existant



Comme pour les précédents numéros, je n’aborde, choix très subjectif, que certains articles et certains points traités.



Geneviève Fraisse parle d’un événement, d’une révolte historique et politique, du corps qui se rebelle, de la démocratie, « Toute démocratie pose la question de l’égalité des sexes, tout en cherchant à freiner l’émancipation des femmes », du contrat sexuel (voir sa belle introduction « À rebours » à l’indispensable ouvrage de Carole Pateman : Le Contrat sexuel (1988)), , du corps des femmes à la disposition des hommes, des corps invisibilisés, de l’impensé et de sa centralité, du formel ne faisant pas le réel, « le droit ne change pas automatiquement le réel et la hiérarchie des sexes », de l’autonomie économique condition décisive de la lutte, du refus de consentir (lire en particulier Du consentement), « on ne doit pas discuter de la validité d’un consentement individuel mais se demander si c’est un argument politique, un argument pour le monde de demain », de déqualification, d’histoire et de politique.



Suzy Rojtman revient sur l’histoire de la caractérisation des violences faites aux femmes, la définition du viol selon la Loi du 23 décembre 1980, le viol comme crime mais souvent en justice déqualifié en délit et considéré comme une simple agression sexuelle. Elle rappelle la Convention d’Istanbul et la non traduction dans le droit français de certains articles, la difficulté à prendre en compte la parole des femmes. Elle insiste à juste titre sur la non-volonté politique de légiférer en profondeur contrairement à ce qui s’est fait en Espagne avec la « Loi organique contre la violence de genre ». Il ne peut y avoir de compréhension des actes de violences sexuelles envers les femmes si on oublie la domination masculine.



Sophie Binet souligne que l’Etat français refuse « toute approche spécifique des violences fondées sur le genre », les combats syndicaux sur l’égalité Femmes/Hommes, la parole libérée par #MeToo et la rupture de l’isolement de chaque victime, les discours réactionnaires « pour mesurer à quel point la parole des femmes est subversive et qu’elle remet en cause l’ordre établi ». La France devrait adopter une « norme OIT contraignante protégeant l’ensemble des femmes du monde des violences sexistes et sexuelle ». Il ne peut y avoir d’impasse sur les violences au travail. Cinq mesures principales sont énoncées : la sanction des employeurs qui ne respectent pas leurs obligations ; un plan d’urgence pour la formation et la protection des victimes. La mise en place d’une heure de sensibilisation obligatoire de tou·te·s les salarié·es ; la protection des victimes, l’extension des prérogatives et moyens des inspecteurs/trices et des médecins du travail, qui doivent être formé·es, mais aussi pouvoir sanctionner…



Michèle Riot-Sarcey indique que « La dénégation et l’effacement de l’intolérance, au cours du temps, rendent désormais possible la résurgence répétée, sous des formes actualisées, du racisme, de l’antisémitisme et de la misogynie ». Paroles libérées et paroles rendues silencieuses, complexité des antagonisme sociaux, certaine idée de l’émancipation des hommes « en excluant une fraction de l’humanité », égalité et liberté, impasses du mouvement ouvrier au détriment de l’autre « l’étranger, le colonisé, et leur femme », héritage des crimes du passé, fantasme de la culture pour évacuer les questions du pouvoir, « la prise de conscience collective des femmes anticipe sur le devenir d’une émancipation encore plus large ».

Michel Husson revient sur les discours sur la flexibilité. Il souligne que les luttes – le progrès social – ont contraint « le patron à payer ses salariés, même quand ils ne travaillent pas pour lui » (chômage, congés payés, arrêts maladie, accidents du travail, retraire, etc.). Ces discours opposent la « dénonciation des rigidités » (mais pas celles des actionnaires) aux nécessaires réformes pour assurer plus de « flexibilité » aux entreprises (dans l’invisibilisation de ces mêmes actionnaires). Il ne faut pas s’y tromper, la flexibilité exigée ne concerne pas que le temps de travail mais bien « toutes les dimensions du rapport salarial ». L’auteur analyse « la volonté d’adaptation » prônée par l’OCDE et Emmanuel Macron, devant être « « insufflée » à la société d’un point de vue surplombant ». Nul débat démocratique, nul choix possible, « Si le peuple est appelé à « se transformer en profondeur », c’est bien qu’il est le principal obstacle au changement ».



Je souligne l’extravagante idée qu’un frein à l’embauche serait lié à la difficulté de licencier ! « Comment un tel sophisme peut-il être sérieusement avancé, cela reste un mystère ». Comme le montre l’auteur les embauches sont générées par l’activité et la croissance, « la courbe de l’emploi s’obstine à s’enrouler autour de celle du PIB » et contrairement aux idéologies libérales (néo ou non) « une plus grande flexibilité ne conduit pas à des créations nettes d’emploi mais à une extension de la précarité ».



Michel Husson discute aussi des études « bidon(nées) » (Emmanuel Dockès cité : « on est en train de faire des mesures qui ne servent finalement qu’à des voyous »), du marché du travail, de taux de chômage, de retraits des marchés du travail, d’extension des emplois précaires, de durée de temps de travail, de travail à temps partiel, de dévalorisation de la force de travail. « La flexibilité est donc bien le nom de code d’une offensive totale contre le salariat »



Je souligne deux éléments développés par Karel Yon. Le premier sur les formes politiques et deux niveaux de la lutte des classes « Le plus évident est celui du conflit distributif, pour la répartition de la survaleur entre travail et capital. Mais ce conflit est lui-même conditionné par l’état de la lutte à un deuxième niveau, celui qui détermine les formes politiques dans le cadre desquels s’opère la lutte des classe ». La seconde sur la place reformulée du statut : « A l’affirmation d’une autonomie politique du travail se substitue une citoyenneté subalterne conditionnée par le statut d’emploi ».



Les développements de l’auteur sur la nouvelle architecture des relations sociales dessinée par deux décennies de réformes néolibérales me semblent particulièrement utiles. Il en est de même du rappel du pouvoir disciplinaire exorbitant (juge et partie) des employeurs ou « sur les frontières légitimes » de l’action syndicale…



Chacun·e pourra trouver de multiples pistes de réflexion dans le dossier sur l’Europe ou les 68 thèses pour l’autogestion et l’émancipation. Je partage l’idée d’une nécessaire « radicalisation du droit du sol » avancée par Etienne Balibar et la considération que « les communs sont des relations sociales, et non des choses » de Bruno Della Sudda, Patrick Silberstein et Romain Testoris. Le titre de cette note est inspiré par une phrase de leur 68 thèses.
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Les bouleversements du monde

La cadence de nos pas est désormais rythmée par la perspective réelle du terminable



Comme pour de précédents numéros, je choisis de n’aborder que certains articles.



Daniel Tanuro analyse « La place du Trumpisme dans l’histoire ». Une élection qui ne être appréhendée comme un accident de parcours mais comme un « symptôme de quelque chose de plus profond ».



L’auteur souligne une dimension, souvent oubliée du capitalisme, « la contradiction croissante entre la rationalité partielle des entreprises et l’irrationalité globale du système ». Rationalité et irrationalité, « comprendre que l’irrationalité globale découle de la rationalité partielle du capital », place de la guerre dans « la rationalité partielle du capitalisme », incapacité du système à « juguler durablement ses contradictions », politiques répondant à certains éléments mais reportant « les échéances sans rien résoudre ».



L’auteur analyse les grandes lignes de la politique de Donald Trump, « ramener USA inc dans le giron du bon capitalisme d’antan », son entourage « équipe de milliardaires bigots et de généraux galonnés », la négation de la crise climatique, le projet réactionnaire d’un capitalisme voyou, la politique de guerre sainte à l’extérieur et celle de la peur, de la répression, de la réaction à l’intérieur…



Daniel Tanuro aborde, entre autres, l’autonomie relative du politique, le rôle des individus dans l’histoire, « la double autonomie relative : de la sphère politique par rapport à la sphère économique, et des individus par rapport à la sphère politique », quatre points opposant les cercles influents du grand capital au président : « la politique internationale, le protectionnisme, les migrants et la réforme fiscale », le Muslim ban, etc.



L’auteur parle de « potentiel de barbarie sans précédent » et souligne aussi les potentialités des luttes et ce que révèle la campagne de Bernie Sanders, « c’est seulement en opposant une rationalité écosocialiste – la rationalité de la satisfaction des besoins humains réels, démocratiquement déterminés dans le respect de l’environnement – à la fausse rationalité partielle du capital qu’il est possible de faire barrage à Trump ».



Socialisation élargie, choix démocratiques non limités au « champ politique », autogestion généralisée, altermondialisation contre les replis nationalistes et la mondialisation capitaliste… « L’épreuve de force engagée aux Etats-Unis est de portée planétaire », mais encore faut-il ne pas chausser des lunettes au prisme étriqué du « national ».



Syrie. Contre le campisme, le choix de certain-e-s (nombreuses et nombreuses) de préférer une barbarie à une autre (lire par exemple, Gilbert Achcar : Symptômes morbides. La rechute du soulèvement arabe),de soutenir la dictature de Bachar el-Assad comme un moindre mal – voire pour certain-e-s comme une expression émancipatrice. Ziad Majed revient sur cette révolution orpheline, sur les atermoiements et les indifférences, l’impérialisme et l’anti-impérialisme, la guerre contre les pauvres, le ciblage confessionnel, les diversions par la « théorie du complot », les conspirationnistes et leurs lectures rendant invisibles « les Syriens et les Syriennes qui luttent pour leur libération ». Dans un cas comme l’autre, il s’agit toujours de refuser l’existence et la légitimité des populations syriennes, de les placer en rang secondaire par rapport à d’autres intérêts. Il faut aussi souligner ce qui relève du négationnisme concernant les crimes du pouvoir, de l’armée russe ou des milices iraniennes (ce qui ne dédouane évidement pas les crimes des groupes islamistes dont Daesh).



Syrien-ne-s invisibilisé-e-s, luttes déniées, « le regard porté sur les Syriens les dépossède de leur humanité ».



Sans m’y attarder, je signale le texte de Bruno Bauraind et Anne Dufresne : Le projet de loi Peeters et la marchandisation du temps, la déclinaison dans l’Etat belge de la « Loi travail ». Je m’étonne toujours de l’absence de réponses coordonnées, au delà des frontières nationales, aux projets néo-libéraux. Comment peut-on espérer construire des réponses crédibles et majoritaires dans un périmètre plus restreint que celui qui imprime les choix politiques et les modalités de fonctionnement du système capitaliste ? Comment peut-on s’opposer à la coordination capitaliste en en restant à la division « nationale » des forces de travail… sans oublier la division sexuée et « raciale » ?



Pierre Cours-Salies revient sur les analyses de Pierre Naville, « Une discussion à poursuivre : travail, automation et liberté »



L’auteur analyse « la dépendance entre les hommes et les femmes à l’égard du travail », les voies de l’auto-organisation, les possibles moyens de dépassement du rapport salarial capitaliste, les « automatismes ».



Il souligne notre besoin d’une analyse décapante des nouvelles techniques de production – « y compris cette mise en forme des savoir-faire de secrétaires qualifiées transformées en logiciels dans nos ordinateurs » -, reprenant ainsi un fil bien présent chez Karl Marx (voir par exemple, Le travail et l’émancipation, textes choisis, présentés et commentés par Antoine Artous) et chez Pierre Naville .

Automatismes, consignes de travail et injonctions contradictoires, intellect général, besoin de formation générale et de culture commune, place du contrôle et de l’entretien, absorption du travail vivant, rapports de travail…



Pierre Cours-Salies souligne les immenses retards pris dans la réflexion et les réponses du mouvement ouvrier – entre autres, sur la baisse radicale du temps de travail contraint, les potentialités liées à l’automation, les possibilités de réorganisation du travail et les nouveaux rapports sociaux, la production d’effets de démarchandisation, la création de gratuité et de services pour toustes…



Il parle de résistance, de construction de repères communs aux exploité-e-s et aux opprimé-e-s au delà de leurs divers statuts.



Pierre Naville soulignait trois points toujours d’actualité :



« Les transformations des moyens de production mettent à l’ordre du jour une baisse massive du temps contraint par les tâches sociales de la production salariée »



« Ces tâches appellent des méthodes collectives permettant complémentarité et auto-éducation dans des tâches de production et de services organisées de façon coopérative »



« Le rapport au temps et aux droits créant une égalité entre les êtres humains ne se séparent pas des instances de discussion ».



Il convient bien de reprendre un fil conducteur de la lutte des classes : « la place décisive du droit au travail et à la réduction massive du temps contraint ».



Le dernier texte abordé est celui de Pierre-Yves Cadalen : L’action politique à l’ère du terminable. Entre temps sociaux et temps historiques.

« Un temps historique, venu de la dynamique du capitalisme, semble avoir unifié l’histoire de l’humanité, créé un seul univers mental, tendu les esprits et les actions vers l’accumulation comme seul mode d’existence. Il est une part de vérité dans cette affirmation. Mais la fusion des temps historiques, battant aux rythmes de l’accumulation économique et de la possibilité du changement politique, n’a pas abattu les murs entre temps sociaux. L’inconciliabilité de ces temps – en tant que représentations du temps – qui rythment tel ou tel groupe, telle force sociale dominante ou dominée, et cette pluralité des rapports aux actions menées n’ont pas disparu. Elles conservent une prégnance sensible dans l’espace comme dans le temps. »



L’auteur revient sur la tripartition de Fernand Braudel, la très longue durée ou le temps écologique, le temps de l’économie et le temps court des événements politiques.



Aujourd’hui, l’anthropocène (lire par exemple : Christophe Bonneuil, Jean-Baptiste Fressoz : L’événement anthropocène. La Terre, l’histoire et nous) et « la montée à la surface de cette longue durée relève d’un défi immense à l’analyse sociale – et, in fine, à l’action politique ».



Pierre-Yves Cadalen aborde, entre autres, l’articulation de ce temps écologique avec la diversité des temps sociaux, les rapports « culturellement » différenciés à l’espace-temps, ce temps nouveau que nos inerties n’intègrent pas, la permanence des représentations imaginaires.



Il choisit d’illustrer ses propos par des exemples pris en Bolivie sur les effets actuels des changements climatiques, l’urbanisation « entre intégration capitaliste et exode rural », les défis de l’Etat plurinational, « la puissance d’homogénéisation des désirs qu’implique la progression du capital », les contradictions entre les logiques liées au court terme et les possibles à long terme. L’auteur développe sur « L’inertie des temps sociaux face au temps historique », les conflictualités et les différenciations des temps sociaux, les paradigmes spatio-temporels incommensurables, les dimensions construites des horizons indigénistes et les ponts possibles avec la pensée socialiste, le temps social dominant, les divisions socio-politiques induites par l’hétérogénéité des temps, les impacts de la logique consumériste…



Il interroge sur les communs et les communautés à construire, sur les capacités relatives des gouvernements à « produire des effets de rupture », sur l’écologie : « Diffus et global, c’est peu dire que l’écologie interroge per se l’articulation entre niveaux de décision et perceptions sociales du temps et de l’espace. Sans doute le sens profond du global se trouve-t-il dans l’analyse, au niveau d’espaces donnés, de ces perceptions différenciées et des effets perceptibles du temps historique, aujourd’hui le temps écologique ».



Nous sommes bien entré-e-s dans « l’ère du terminable » : « toutes les durées se précipitent soudainement à la surface autrefois réservée au seul temps court ». Et cette redéfinition des temporalités nous impose aussi de « repenser la spatialité », l’interdépendance des espaces, les rapports entre le système d’accumulation et le temps écologique, l’autonomie des temps sociaux dans les nouvelles contraintes environnementales et climatiques, le « gouvernement écologique »



Le titre de cette est extrait du dernier paragraphe de l’auteur.



Je n’oublie pas la belle rubrique culture et les textes proposés par Gilles Bounoure.
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ContreTemps, N° 32, janvier 2017 : Vie inte..

Dégager du commun du point de vue de la dénonciation et d’axes de solution



Comme pour les précédents numéros, je n’aborde, choix très subjectif, que certains articles et certains points traités.



Un premier dossier : Vie intellectuelle et politique, composé de quatre textes. « Il s’agit de proposer quelques analyses qui toutes interrogent la définition même du travail intellectuel dans son lien à la politique, en s’attachant à élargir l’approche habituelle ».



Ludivine Bantigny aborde, entre autres, la distribution instituée des savoirs, la politique comme rapport fort à l’égalité, « elle passe par la conflictualité et la lutte pour l’émancipation », comme consensus brisé. Elle souligne que bien des critiques du néolibéralisme font l’impasse sur la logique même du capitalisme, que la révolution semble avoir été jetée aux oubliettes du passé. L’auteure parle aussi du réel de l’utopie, du commun des savoirs, de « reculs intériorisés en échec historique de longue durée » en citant Isabelle Garo et d’un maillon « essentiel et devenu un impensé » : une perspective stratégique.



Isabelle Garo se penche sur quelques analyses du néolibéralisme, le déplacement des questions politiques sur le terrain de la culture et des mœurs, les tendances à la marchandisation généralisée et la non prise en compte de la spécificité de la force de travail, le rôle de l’idéologie néolibérale et la nécessité de « rendre compte de sa fonction et du paradoxe qui la caractérise », l’hégémonie historiquement inédite et les conditions matérielles de son expansion, « Dans tous les cas, la focalisation de la critique sur la culture néolibérale et les mentalités qu’elle engendrerait inévitablement prend la place d’une approche plus globale et complexe, celle d’une critique de l’économie politique, dialectisant le rapport aux idées aux pratiques et prenant acte du heurt croissant entre le discours néolibéral et le rejet populaire montant que suscitent ses choix politiques, ainsi que le rôle du contrefeu réactionnaire et néoconservateur », l’unification artificielle des différents niveaux des rapports sociaux, l’écrasement du réel, l’oubli de l’existence d’alternatives, « la construction en idées et en actes d’un autre monde ».



Comme le souligne l’auteure, ignorer les contradictions supprime à la fois les causes des crises et « les ressorts des protestations sociales et celui de la critique théorique ». Isabelle Garo a raison de mettre l’accent sur la place du salariat, du rapport salarial. Reste que ce rapport salarial ne peut être appréhendé sans prise en compte de la division sexuelle du travail, de la production du vivre donc du travail domestique, de l’imbrication des rapports sociaux. La « construction en idées et en actes d’un autre monde, fédérant les exploité-e-s et les dominé-e-s, et partant des individus tels qu’ils sont, contradictoires et vivants » pour reprendre sa formule implique de ne pas négliger la matérialité (y compris les dimensions idéelles) de tous les rapports sociaux et en particulier les « rapport de classe, de sexe, de racisation » pour utiliser la formule de Roland Pfefferkorn.

Michel Husson revient sur les « paradis artificiels du revenu », les postulats erronés, la soit-disant fin du travail, la redistribution des gains de productivité sous forme de temps libre, la fascination exercée par les nouvelle technologies, la non-interrogation des modèles d’entreprises nommées à tort « numériques », la surexploitation « de petites mains éparpillées » derrière les « merveilles » de la technologie…



L’auteur rappelle la différence entre transfert et création de valeur, que le transfert de revenu entre individus ne crée pas de valeur. Il montre le caractère fantasmatique du « digital labor » comme du « capitalisme cognitif », la transformation des réalités en monde parallèle « où tout devient possible » et insiste sur la régression sociale « qui consiste à remarchandiser ce qui a été socialisé ».



On ne passera pas au socialisme sans transition, sans affrontement avec les institutions du capitalisme, avec les pouvoirs constitués. Il faut pour cela, condition par ailleurs non suffisante, « une trajectoire crédible de transformation sociale » et des alternatives concrètes : réduction importante du temps de travail, version radicalisée de la Sécurité sociale professionnelle, logique d’Etat « employeur en dernier ressort », dans le cadre d’une transition écologique assumée. J’ajouterai, le développement de l’auto-organisation, du contrôle des salarié-e-s et des citoyen-ne-s, et plus généralement de faits autogestionnaires.

Quelques éléments sur les articles présentés sur la Loi travail et les mobilisations, « réfléchir au contenu politique de ce mouvement et aux formes critiques (du travail, de la représentation) dont il a été porteur ». Capacité à durer, renouvellement des participant-e-s, présence massive mais ponctuelle de salarié-e-s du secteur privé, Merci Patron, Nuit debout, articulation entre « le social et le politique », pétition en ligne, nouvelles formes fédératives, formes de conflictualité souterraines, défense politique des droits, mobilisation interprofessionnelle, place d’Internet, #OnVautMieuxQueÇa, « une nouvelle légitimité quand au moyen de faire société ensemble », temporalités décalées de mobilisation, intersyndicale réduite mais durable, répression, « la multiplication des cas démontre qu’il ne s’agit pas simplement de « bavures individuelles », et cela nous oblige à une riposte coordonnée et nationale », demande de démocratie…



Le réseau pour l’autogestion interroge, entre autres, l’élection présidentielle et sa compatibilité avec la démocratie, la concentration du pouvoir, la République et la République sociale, le personnalisation démultipliée par les primaires, l’ouverture de nouvelles potentialités de « pouvoir populaire et citoyen », le processus constituant, l’articulation des échelles de débat et de représentation – et les nouveaux lieux possibles de démocratie -, les verrous institutionnels, ce que pourrait être une nouvelle la citoyenneté…



Dans la rubrique culture, je souligne l’article sur Kandiski et l’« élan tempéré ».


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Contretemps N29 les Migrants

De quel pays venez-vous ?… La terre !



Comme pour les précédents numéros, je n’aborde, choix très subjectif, que certains articles



Benjamin Birnbaum dans « Retour vers le futur : les origines du capitalisme et le changement social » nous propose des réflexions très stimulantes. Indiquant des limites de certaines analyses, uni-dimensionnalité, seule logique de circulation, seule logique de production, caractère géographique réduit, vision « transhistorique » du capitalisme, il souligne des pistes ouvertes pour mieux aborder « les mécanismes de l’accumulation primitive sur le plan international ».



Les thèmes abordés sont, entre autres, la rupture qualitative entre les rapports sociaux de propriété précapitalistes et capitalistes, la place de l’Etat « spécifiquement » moderne, les enclosure, la séparation des paysan-ne-s d’avec leurs moyens de subsistance, le travailleur et la travailleuse « libre », le colonialisme et l’esclavagisme, les régimes de « travail » différenciés, la multiplicité de rapports sociaux, l’appropriation du travail gratuit des femmes, la théorie du développement inégal et combiné…



« Loin des visions téléologiques souvent attribuées à la pensée marxiste, se dessine donc une histoire ouverte et déterminée par la lutte des classes. Or, cette lutte ne se déroule pas seulement entre le capital et le travail en Europe, mais concerne également les luttes des peuples colonisés puisque les formes de travail non payé ont été nécessaires à l’avènement du capitalisme ». L’auteur aurait du cependant, y inclure, les luttes des femmes puisque le travail « non payé » effectué par elles fut nécessaire à l’avènement du capitalisme, pour utiliser ses termes.



Mais nous n’en avons pas fini avec les visions téléologiques, les réductions des luttes de classe au seul combat des salarié-e-s, la non-prise en compte de la sexuation du monde (pour utiliser la formule de Geneviève Fraisse), le « color-blindness », etc. Il ne peut y avoir de pensée de l’émancipation inclusive sans prise en compte de tous les rapports sociaux et de leur imbrication, coextensivité, co-production, intersectionnalité (pour ne pas trancher sur les termes les plus adéquats).



Dossier : Le défi « migrants »



« On les désigne comme migrants. Parce que réfugiés, on serait censé reconnaître leurs droits. Parce qu’immigrés, il faudrait leur concéder ceux de décider où ils vont et de rassembler leur famille.



Migrants, on s’autorise à les maintenir au-delà de frontières closes, à les confiner derrière des barbelés, à les enfermer dans des camps. Et à tolérer que beaucoup disparaissent…



Migrants et migrantes, femmes, hommes et enfants, ils fuient guerre, tyrannie et misère. Et les voici qui placent l’Union européenne devant un défi qu’elle récuse : assumer les responsabilités qui sont les siennes, accueillir dignement réfugiés et migrants, mobiliser les moyens nécessaires pour leur offrir l’hospitalité.



Pour ce déni, l’Union européenne se voit menacée de dislocation. Et de déshonneur.



Dans ce numéro, une première série d’articles sur ce sujet décisif. »



Une remarque préalable. Il serait plus que temps, que la revue adopte une graphie n’invisibilisant pas les femmes. Donc « migrant-e-s », « immigré-e », etc…



Claude Calame aborde les questions du néocolonialisme, de la « stratégie concertée d’érection de murs physiques et de contrôles répressifs », des mort-e-s et le rejet de leur cause sur les seuls passeurs, « mais s’attaquer (par des moyens militaires) aux convoyeurs sous prétexte d’affranchir les migrants de leur emprise signifie de fait priver ces derniers de la seule possibilité qu’ont les plus aisés parmi eux de rejoindre l’Europe », la séparation entre migrant-e-s et « réfugié-e-s économique », la négation des personnes et de leurs droits. L’auteur rappelle à juste titre que l’Europe n’est pas la principale destination des migrations… L’auteur parle d’alternatives et de « nouveau paradigme économique, écologique et social animé par une idéologie de la proximité et de la solidarité », d’orientations non-extractiviste et non-productiviste, de conditions d’échanges équilibrées…



Marie-Christine Vergiat revient sur la régionalisation des migrations, « Seul un tiers des migrants internationaux se sont déplacés d’un pays en développement vers un pays développé », la France, comme « vielle » terre d’immigration. Elle souligne qu’« il est d’ailleurs impropre, voire scandaleux, de parler d’immigrés de la 2ème, 3ème… génération » que « le statut ne se transmet pas d’une génération à l’autre ». L’auteure parle de ces français-e-s qui ne sont pas nommé-e-s migrant-e-s mais expatrié-e-s, de la déstabilisation du Proche-Orient, de la construction des murs, du refus des Etats européens du « statut unique des travailleurs migrants », de l’externalisation des frontières, du fichage et du tri des « réfugié-e-s », des transferts monétaires des personnes migrantes très largement supérieures aux « aides » au développement, de l’austérité et de la xénophobie comme « les deux faces de la même médaille », du respect du droit et notamment du droit international : droit à la vie, droit d’asile, droits de l’enfant, droit de vivre en famille, droit à l’éducation, droit à la santé, droit au travail…



Je souligne aussi les analyses de Gregory Mauzé sur la « gauche et l’immigration », le dépassement de l’universel abstrait, l’oubli du point de vue situé lorsque l’on fait partie d’un groupe majoritaire, les dominations liées à la racisation, la nécessité de combats communs pour « réenchanter l’idéal universaliste »…



J’invite aussi à lire le beau texte de Florence Prud’homme : « Calais, rien de l’autre ne m’est étranger ».



J’ai aussi particulièrement été intéressé par les deux articles de la rubrique « International ».



Alda Sousa revient sur le nouveau cycle politique au Portugal et présente le fonctionnement et la politique menée par le Bloco (Bloco de Esquerda : Bloc de Gauche). Elle décrit, entre autres, le contenu « transparent et public » des négociations avec le PS, les avancées et les limites de l’accord signé, les tensions qui ne manqueront pas de traverser la « majorité parlementaire » composée du PS, du Bloco, du PCP et des Ver… Elle insiste particulièrement sur « la centralité de la restructuration de la dette et de la confrontation avec l’UE ».



Bruno Della Sudda, Arthur Leduc, Richard Neuville analysent, à la lumière de l’expérience en Grèce, des impasses et des questions stratégiques. Les auteurs soulignent trois impasses stratégiques : la possibilité d’un « compromis honorable » et la « prégnance d’un mode de pensée issu de la période du « compromis fordiste » ; le refus de prendre immédiatement la moindre mesure unilatérale comme « autoprotection populaire » ; le refus de susciter la mobilisation populaire.



Ils pointent aussi une illusion : « l’idée qu’on puisse faire l’économie d’un affrontement avec les institutions européennes » et j’ajoute aussi avec les puissances économiques nationales. Ils réaffirment le triptyque proposé par ATTAC et la Fondation Copernic : « désobéir, rompre et refonder la construction européenne » (voir : Attac, Fondation Copernic : Que faire de l’Europe ?. Désobéir pour reconstruire).

Ce qui implique, entre autres, de soutenir le développement des formes d’auto-organisations, « l’invention de nouveaux lieux de citoyenneté active » et de penser les questions stratégiques à l’échelle de l’Europe. J’aurais écrit à l’échelle du sous-continent et/ou de la région euro-méditerranéenne.



Et encore une fois, un texte passionnant de Gilles Bounoure, ici sur André Masson, « vagabond du surréalisme ». Et pour finir je signale l’entretien avec Nadia Benchallal sur la photographie et les femmes.



Sommaire

Edito : Francis Sitel : L’Europe et les migrants

Dossier migrants

Claude Calame, L’Europe des murs et le néocolonialsme occidental

Marie-Christine Vergiat, Penser les migrations autrement

Catherine Wihtold de Wenden, A propos de l’exposition « Frontières », entretien

Gregory Mauzé, La gauche et l’immigration : rendez-vous manqué ?

Florence Prudhomme, Rien d’humain ne m’est étranger…

Syndicalisme et politique (2)

Benoît Borrits, Syndicalisme de rupture ou de transformation sociale ?

Jean-Claude Mamet, Quand le syndicalisme s’intéresse aux alternatives politiques. Retour sur les expériences du Front populaire et de Mai 68.

Pierre Cours-Salies, Trouver une unité nouvelle ? Le Collectif 3A. Signes nouveaux et questions.

Josiane Zarka, Vers des luttes de transformation de la société

Patrick Darré, Crise systémique et enjeux du syndicalisme

Jean Gersin, Filpac Cgt. Les enjeux d’un congrès

International

Alda Sousa, Portugal : un nouveau cycle politique

Bruno Della Sudda, Arthur Leduc, Richard Neuville, Grèce/Europe : impasses et questions stratégiques

Marxisme

Benjamin Birnbaum, Retour vers le futur : les origines du capitalisme et le changement social

Livres

Annie Coll, Frédéric Lordon ou la cellule de dégrisement révolutionnaire. À propos du livre Imperium

Janine Guespin, Émancipation et pensée du complexe. Entretien avec Janine Guespin-Michel

Culture

Gilles Bounoure, Masson « vagabond du surréalisme »

Nadia Benchallal, L’« océan d’images », les femmes et la photographie aujourd’hui. Entretien
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Indignés !

Dans une période qui incite aux bilans et avec un recul d’un an désormais, je me suis demandé si le mouvement des Indignés (Occupy Wall Street aux Etats-Unis, l’occupation de la Puerta del Sol à Madrid et celle de la place Syntagma à Athènes - dans l’automne et hiver 2011) avait eu la prégnance que je lui prêtais. Nous savons aujourd’hui qu’il ne s’est pas traduit par des revendications précises, ni ne s’est répandu autant que prévu (notamment pas en France et très peu en Italie), que des bouleversements sensibles et commensurables avec les « printemps arabes », dont il s’était inspiré au moins dans sa stratégie, ne se sont pas non plus produits. Mais qu’en a-t-il été sur le plan des idées et des expériences ? Peut-on parler d’un mouvement tellurique à l’instar de la représentation de la crise proposée par Michel Serres ?

Pour le découvrir, j’ai trouvé intéressant de me pencher sur cette anthologie de textes produits « à chaud ». D’origines et nature plutôt différentes, ils sont regroupés en : 1) « correspondances », 2) « manifestes », 3) « démocratie réelle ! », 4) « nous sommes les 99% », 5) « demander l’impossible ? », 6) « stratégies ». Le caractère impromptu, spontané et globalement apolitique, imprévisible et momentané des trois occupations rend la majorité des textes plutôt descriptifs et concentrés sur l’instant immédiat de leur rédaction. Seules y échappent quelques théorisations de penseurs contestataires connus – Michael Hardt-Toni Negri, Naomi Klein, Angela Davis, Slavoj Zizek – qui, s’ils apportent quelques appréciables outils interprétatifs dans leur récupération des faits, semblent parfois en être un peu en décalage quand même…
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Changer le monde sans prendre le pouvoir : ..

En voila une idée quelle est bonne , et si l'on s'y frottait .... il est vrai qu' on ne perdrait pas son temps à voter pour donner du pouvoir à un quidam qui n'aura de cesse qu'a restreindre nos libertés . Utopique , et alors ! Avons nous essayé ne serais-ce qu'une fois ? réfléchissons y .
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Droit du travail ou travail du droit

Une nouvelle pluie d’encre pour effacer les droits des salarié-e-s



Comme pour les précédents numéros, je n’aborde, choix très subjectif, que certains articles.



Les nouvelles législations, dont la nouvelle Loi El Khomri vise à reconfigurer le droit du travail « en subordonnant la négociation collective d’entreprise à la recherche de la compétitivité ». Il y a là un déplacement significatif d’un droit visant à « corriger » la subordination des salarié-es dans l’entrepris à un droit de défense des intérêts des sociétés.



Je rappelle deux extraits de textes du Collectif critique : « Etrangement, certains syndicalistes défendent le principe de subordination comme fondateur de droits, alors qu’il n’est que le résultat négatif de la reconnaissance douloureuse du collectif. La portée subversive de droits étendus, par exemple le droit de tous et toutes à participer au travail, dans une société sans chômage, ou le droit de « participer à la gestion des entreprises » (préambule de la Constitution) débouche sur un dépassement de la logique contractuelle, vers une logique de droits politiques universels (droit au salaire, salarisation de la protection sociale, contrôle du travail), et une logique pleinement statutaire » et « Les « besoins de l’entreprise » sont donc juridiquement compris comme les intérêts des propriétaires du capital, que l’on assimile abusivement dans le texte de loi aux intérêts de toutes les « parties prenantes » selon l’expression aujourd’hui courante. »



Josépha Dirringer analyse l’ubérisation, le capitalisme de plateforme, ces espaces où il semble n’y avoir ni contrat de travail, ni société employeur, ni entreprise comme relation de travail. « Le pouvoir devient évanescent et la violence économique reste toujours aussi vive ». Et pourtant, il y a une forme particulière d’intermédiation, de subordination organisée.



L’auteure revient sur les « conditions de limitation de responsabilité », sur l’article introduit dans le Code du travail en 1994 de « présomption de non-salariat ». Elle analyse les liens de subordination, les relations contractuelles dissimulant « l’existence d’un contrat de travail », les conditions imposées de manière unilatérales par Uber, le modèle économique ne s’appuyant pas directement sur l’exercice d’un pouvoir de direction…



Elle discute de l’attachement des droits sociaux « à la personne, à l’individu, et non statut », du risque d’individualisation, de l’absence d’encadrement du pouvoir économique du donneur d’ordre, d’« assujettissement généralisé des individus « actifs » ».



Josépha Dirringer termine sur un « droit commun du travail subordonné et parasubordonné », l’accent mis sur le rapport social, « le pouvoir auquel sont soumis les travailleurs », la responsabilité de ceux qui ont « le véritable pouvoir décisionnel ».



Ces propositions sont une tentative de correction, en termes de droit, de phénomènes d’externalisation des emplois, d’explosion des formes de sous-emploi, des pseudo-statuts d’entrepreneur (qui ne semble exister qu’au masculin !). Elles ne sauraient, à mes yeux, suffire seules pour répondre aux nouvelles formes d’organisation des chaines d’extorsion de la valeur. Il conviendrait de rechercher aussi des articulations avec la suppression de la responsabilité juridiquement limitée des actionnaires, la transformation du droit contractuel encadrant les donneurs d’ordre, la notion de collectif locaux de salarié-e-s et des droits des institutions représentatives du travail (IRP) comme dans les zones d’activités industrielles ou commerciales, les centres commerciaux, l’intégration des franchisés et des sous-traitants dans les périmètres des groupes, etc.

Je souligne aussi la démarche du Groupe de recherche pour un autre Code du travail (GR-PACT) dont les premiers résultats sont présentés par Emmanuel Dockès. Le titre de cette note est inspiré d’une phrase de l’auteur.



Celui-ci rappelle la philosophie générale du texte du gouvernement : « affaiblissement de la loi et des conventions collectives de branche, flexibilités nouvelles applicables au temps de travail, incitation à l’allongement de la durée du travail, ouverture de la liberté de licencier sans motif réel, régression des droits des chômeurs, affaiblissement de la force de résistance du contrat individuel, etc. »



La démarche du groupe de recherche est « de créer des contre-propositions d’avenir et de démontrer qu’il est possible de repartir dans l’autre sens ».



Comme le rappelle l’auteur, aucun code du travail n’est neutre, il s’agit de réponses législatives à la situation de subordination systémique des salarié-e-s.



Emmanuel Dockès développe autour de « Pour un autre droit du temps de travail » : meilleure lisibilité du droit du temps de travail, favoriser l’emploi plutôt que favoriser l’allongement de la durée du travail, socle des 35 heures, reconnaître le temps libre comme notion juridique et comme droits des salarié-e-s, garantir la prévisibilité du temps libre, « la prévisibilité du temps libre et le besoin social d’un temps libre collectif expliquent aussi qu’il ait été choisi de renforcer la prohibition du travail le dimanche », définition large du salariat, favoriser les négociations collectives et les conclusions de conventions collectives, suppression du compte épargne temps, laïcisation des jours fériés , congé paternité obligatoire et identique au congé maternité…



Les trois autres articles du dossier traitent en détail des atteintes au droit du travail devant la justice (discriminations syndicales), du droit à la santé et de l’autonomie individuelle et collective.



Je regrette qu’une fois de plus, les auteur-e-s contournent largement le rappel de Danielle Kergoat : « travailleuse n’est pas le féminin de travailleur ».



J’ai notamment apprécié l’entretien avec Cyrille Hanappe, mené par Florence Prudhomme : « Archéologie et avenir des bidonvilles », l’invention de ce qui fait le « commun », l’espace urbain, l’espace public, les abords, l’espace politique…



« Faire le relevé, le dessiner, en rendre compte, c’est le nommer, c’est lui donner une identité et c’est faire comprendre que ces lieux existent et que des gens y vivent, des êtres humains, qui nous ressemblent plus qu’on pourrait le croire »



Dans deux articles, Pierre Salama aborde la situation au Brésil. Au delà de la corruption, il me semble important de revenir sur les grandes évolutions économiques : la reprimarisation sans industrialisation, la non rupture de la logique des économies rentières, « l’absence de réformes structurelles visant à mettre en place un système fiscal qui ne soit pas régressif et une politique industrielle moins clientéliste » ou pour le dire autrement « La crise actuelle au Brésil est révélatrice à la fois des limites d’un régime de croissance qui, tout en négligeant l’industrie au profit d’activités primaires, favorise la distribution des revenus pour les catégories les plus pauvres »



Je souligne aussi un juste et opportun rappel « la richesse vient en grande partie du travail et donc de la production, que les classes et groupes sociaux se définissent avant tout par leur positionnement au regard des rapports de production et non par des tranches de revenus ».



Enfin, j’invite à lire l’entretien avec Michèle Riot-Sarcey « La référence au passé est un moteur de l’histoire » publié avec l’aimable autorisation de l’auteure
 et de la revue sur le blog "entre les lignes entre les mots"

Une introduction possible à son bel ouvrage Le procès de la liberté. Une histoire souterraine du XIXe siècle en France.

« Se mettre à la place du guetteur, dans la position de celui qui s’éveille d’un long sommeil, n’est pas chose facile »…






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Contretemps N28 Social Libéralisme de Hollande

La barbarie se tient aussi en nous et peut jaillir de nous



Comme pour les précédents numéros, je n’aborde que certains articles.



En premier lieu, le texte de Patrick Chamoiseau « Pour la juste démesure » publié avec l’aimable autorisation de l’auteur et de la revue (lire sur le blog "entre les lignes entre les mots"). Des excès, des prédations, des injustices des démocraties capitalistes à une conception ouverte de la « sécurité »… Une oxygénation des espérances, une sereine démesure comme « chant partagé d’une même planète ! ». Le titre de cette note est adaptée d’une phrase de l’auteur.



Paul Alliès, « Crise de régime, changement de république » aborde la notion de « crise politique », parle de sa « temporalité propre », du traitement spécifique des questions de « pouvoir », de légitimité et de mise en cause de la légitimité, de la part de contingence, de hasard dans le surgissement de l’imprévu…



Il souligne la « vérité » du régime de la cinquième république, le « présidentialisme » et rappelle que « En réalité seule une représentation proportionnelle dans une Assemblée nationale en tout ou partie, permettrait, comme dans presque tous les régimes existants en Europe, de trouver une issue partiellement démocratique avec une nouvelle majorité gouvernementale assumant ses orientations politiques d’ici la fin du quinquennat ».



Je souligne les arguments de l’auteur sur un « moment constitutionnel », sur les liens entre ce moment et une révolution démocratique, l’« autogouvernement possible de la société », les droits et libertés numériques et « le principe absolu de la délibération à leur sujet », l’« institutionnalisation d’une démocratie délibérative », la « formalisation de cette démocratie participative directe », le changement nécessaire de République (« aborder de front la question politique et constitutionnelle du changement nécessaire de République en tant que tel »), la constitution comme « code démocratique de la société » et non comme programme fixe ou fixé…



J’ai particulièrement été intéressé par l’article de Louis-Marie Barnier « Air France : vers un nouveau modèle professionnel néolibéral ? ». L’auteur interroge « les modes de structuration de la représentation du travail dans l’entreprise », le néolibéralisme comme « fait social total », le passage du service rendu à la recherche de rentabilité, le rôle du transport dans l’économie mondialisée, « Cette position confère une obligation au système transport, coûter le moins possible pour ne pas peser sur ces échanges mondiaux, poussant à des restructurations permanentes ».



Pour comprendre les racines des conflits dans le transport aérien, il convient de prendre en compte la réduction des emplois comme « levier pour restructurer le travail en profondeur », la « sous-traitance systématique », l’intensification du travail, le recul du contrôle sur le travail par les salarié-e-s… « Cette déstabilisation du travail quotidien et l’absence de reconnaissance en contrepartie relèvent d’une remise en cause du modèle professionnel historique de la compagnie », sans oublier la sécurité, « l’esprit de la ligne », et la mise en concurrence généralisée des un-e-s contre les autres.



« L’action syndicale en tant que telle ne porte-t-elle pas une force qu’on dira politique, au sens noble du mot, qui dépasse de beaucoup la dimension institutionnelle ? Une intervention politique politique qui ne s’ancrerait pas dans la lutte quotidienne des salariés, oubliant ce que sont les aspirations de ces derniers, n’est elle pas condamnée à déraper et dépérir ? », des questions d’hier et d’aujourd’hui pour ouvrir la première partie d’un dossier « Syndicalisme et Politique ».



Syndicalisme de métier, syndicalisme d’industrie, « double exigence d’un travail revendicatif immédiat et d’une projection vers des transformations structurelles », développement du capitalisme, hétérogénéisation et unification, structuration du marché du travail par l’Etat, institutionnalisation et bureaucratisation, concentration sur l’entreprise (« La concentration sur l’entreprise est une évolution mortifère pour un syndicalisme confédéré » – Jean-Marie Pernot), ruptures internes des différents engagements, extension de la chaine de valeur et explosion des collectifs de travail, division syndicale, temps réduit à celui de l’urgence, rôle de la grève, du blocage des moyens de production, activité interprofessionnelle internationale… De nombreuses autres questions.



Si Sophie Béroud indique « le rôle des syndicats en tant qu’organisations de classe ne peut-être séparé d’une réflexion plus large sur l’intrication des rapports sociaux de domination », cette dimension semble bien omise des autres textes. Il en est de même des évolutions du salariat (voir par exemple : Danielle Kergoat : Se battre disent-elles…, Pierre Rolle : Où va le salariat ? ou Claude Gabriel : Evolution de la société, des entreprises et segmentation du salariat), sans oublier l’emploi presque généralisé du masculin soit disant neutre…



Je souligne, une fois de plus, un bel article de Gilles Bounoure : Les ciseaux de Lam.



Je termine avec un « agacement » pour ne pas dire plus.



Patrick Tort dans un entretien sur « Biologie, politique, civilisation » indique « Le capitalisme peut intégrer l’antiracisme et l’antisexisme, et il vaut la peine d’étudier la manière dont il le fait. Ce qu’il ne peut intégrer, c’est l’anticapitalisme ». Sans préjuger des connaissances de l’auteur en matière de sexisme (qui n’est pas une mauvaise manie) ou de féminisme, il y a là un aveuglement sur les conséquences pour les femmes des rapports sociaux de sexe, du système de genre, de la sexuation du monde, de l’imbrication des rapports sociaux, de leur coextensivité et consubstantialité. Il n’y a pas d’un coté le capitalisme et les rapports sociaux de classe et de l’autre, les rapports sociaux de sexe ou de « race ». Un anticapitalisme sans prise en compte de ces autres dimensions systémiques n’est donc pas un anticapitalisme.



Je passe sur l’affirmation de « la réalité biologique du sexe » (la fameuse coupure fantasmée entre nature et culture… voir, entre autres, Anne Fausto-Sterling : Corps en tous genres. La dualité des sexes à l’épreuve de la science), sur la « nature brute », la « revendication sectorielle d’égalité ». Mais pas sur « l’évolution biologique est un fait » sans consistance, scientiste et non scientifique, car n’expliquant rien. L’auteur gagnerait à lire les écrits des féministes aussi sur ce sujet, comme par exemple l’ouvrage de Priscille Touraille : hommes grands, femmes petites : une évolution coûteuse – les régimes de genre comme force sélective de l’adaptation biologique, et se penser comme « situé » dans les rapports sociaux, dont ceux de sexe… et donc devant être « modeste » lorsqu’il aborde ou oublie la domination systémique des hommes sur les femmes, y compris dans les élaborations à vocation scientifique…
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Contretemps N27

Déstabiliser la parole patronale en dénudant les fils et en avançant des exigences qui visent à unifier plutôt que cliver



« Que s’est-il passé ?

A quelles limites s’est-on heurté ?

Quelles erreurs ont été commises ?

Sur toutes ces questions le débat est vif. Il est indispensable

Mais il peut être ravageur. Il convient de le mener avec beaucoup de liberté et de sérieux.



Le présent dossier de ContreTemps vise, avec cet état d’esprit, à y aider. Il propose plusieurs contributions porteuses d’approche différentes, voire opposées »



Quelques éléments de ce dossier Grèce, sans chercher à exposer l’ensemble des positions.



Certains points sont abordés dans plusieurs textes : la défaite en Grèce, le caractère insoutenable de la dette, la couverture des risques des banques privées, la question du « plan B », l’irruption démocratique, les questions de souveraineté…



Sur l’Europe, je me retrouve plutôt sur les positions développées dans le livre Attac, Fondation Copernic : Que faire de l’Europe ?. Désobéir pour reconstruire, positions reprises ou contestées par certains ici. Je n’aborderais donc pas ici les questions de l’euro.



Pierre Salama aborde plus particulièrement les problèmes de construction européenne, l’absence de mécanismes de solidarité, les problèmes de légitimité, le fonctionnement « comme un Etat » de ce qui ne l’est pas… Il propose de sortir d’une « vision économico-technocratique forcément réductrice », rappelle que les nations modernes sont de création récente. J’ai particulièrement été intéressé par les paragraphes sur les relations entre violence, pouvoir et légitimité, les régimes politiques comme formes d’existence de l’Etat, la recherche de légitimation, ou sur le fédéralisme et les assemblées démocratiquement élues… « Ne pas penser la solidarité et ce qui peut conduire à l’institutionnaliser, c’est laisser libre cours à la domination de certains pays sur d’autres ».



Stathis Kouvelakis aborde plus particulièrement l’autonomisation des membres du gouvernement du parti Syrisa, le sectarisme et l’incapacité de certains groupes politiques. Il parle de potentiel anti-systémique, d’ouverture de brèche.



Il reprend une phrase de Marx et Engels « Comme le prolétariat doit en premier lieu conquérir le pouvoir politique, s’ériger en classe nationale, se constituer lui-même en nation, il est encore par là national, quoique nullement au sens où l’entend la bourgeoisie ». Assez curieusement ce texte de 1848 n’est ni historicisé ni contextualisé. Quel(s) sens pouvai(en)t avoir le mot « nation » ? Quels sont les rapports/recouvrements entre « nation » et futur « Etat nation » ? Quels rapports aujourd’hui entre « nation », « Etat », «État-nation » et « mondialisation capitaliste » ? A ne pas poser ces questions, l’auteur semble considérer que la « nation » est trans-historique et me semble sous-estimer les tensions/contradictions actuelles entre entre « nation » et « Etat-nation », ce qui est évidement plus que problématique…



Antoine Artous souligne, entre autres, l’absence de courant radical au plan européen. Il parle de rapport socio-politique « historiquement l’internationalisation du capital a toujours cristallisé comme rapport socio-politique davantage que sa simple domination directe », de souveraineté populaire basée sur « la citoyenneté égalitaire sur un territoire donné », du risque de « survalorisation de la nation comme cadre d’exercice de la démocratie », de phase historique de dynamique d’expansion de l’Etat-nation appartenant au passé, de « période transnationale de construction de la souveraineté populaire »,



Francis Sitel insiste, entre autres, sur les dégâts européens de la défaite en Grèce. Il rappelle que « Aucun gouvernement ni aucune fore politique endogène au système européen » n’a « fait entendre une voix discordante », que cette défaite est aussi celle la défaite des gauches radicales européennes. Le problème posé était et reste celui des moyens pour parvenir à des ruptures d’avec les situations actuelles…



Je voudrais souligner quelques points développés dans l’article de Claude Gabriel : « Evolution de la société, des entreprises et segmentation du salariat » (voir blog "entre les lignes être les mots").

L’auteur parle, entre autres, de « réorganisation planétaire de la chaîne productive », de formes inédites d’organisation productive, de concentration financière et de décentralisation productive, d’isolement et de fractionnement des salarié-e-s…



Il critique les courants ouvriéristes, l’idée d’une « petite bourgeoisie latente » et souligne « La multitude des situations, des formes de travail et des expériences n’est pas antinomique avec le dénominateur commun de l’exploitation ». L’auteur parle des emplois précaires, des qualifications, de la forte montée de l’emploi féminin, de dispersion des formes d’emploi, de la stabilité de l’emploi permanent, du temps partiel, d’individualisation et de diversification du temps de travail, de travail nomade, de dispersion du type de contrat de travail, de la massification des cadres et de leur rôle croissant dans la production de valeur (« la prolétarisation des couches supérieures du salariat »), du patrimoine (et non seulement des salaires) comme facteur du clivage au sein des salarié-e-s (« plus de 50% des ouvriers et employés entre 35 et 44 ans sont propriétaires »)…



J’ai notamment été intéressé par le chapitre « Segmentation productive et fractionnement du salariat », et ceux sur les impacts de la féminisation des emplois, le poids du « hors travail » sur le travail, le droit social diviseur, la division syndicale…



Claude Jacquin insiste sur la place décisive de l’intervention politique, au sein du salariat, sur la combinaison entre « entreprises et « places » dans les mobilisations, de « complémentarité entre le dedans et le dehors », entre la/le salarié-e-s et la/le citoyen-ne, « entre l’entreprise et la cité », de la possibilité de « soulever d’autres préoccupations, « intermédiaires » mais néanmoins capitales, pour dessiner une société alternative ».



Nous sommes ici loin des simplifications sociologiques ou des réductions économistes ou ouvriéristes. Le salariat est abordé comme rapport socio-politique, traversé de contradictions, les salarié-e-s aussi comme citoyen-ne-s…

Le titre de cette note est extraite de ce texte.



Sommaire :

ÉDITO : Francis Sitel : Welcome

DOSSIER : GRECE

Pierre Salama : Eurogroupe-Grèce. Ce que révèle cette crise. Une approche théorique

Michael Löwy Capitalisme et démocratie en Europe

Stathis Kouvelakis entretien avec Alexis Cukier : Après la défaite, la lutte continue

Antoine Artous Retour sur quelques discussions

Francis Sitel Défaite grecque, dégâts européens

GAUCHES EN EUROPE

François Coustal, Grande Bretagne : nouveaux défis pour la gauche radicale

Bertel Nigaard L’Alliance Rouge et Verte au Danemark. Forger un pacte solide de la gauche radicale

Raquel Varela, Renato Guedes, Ana Rajado, António Simões do Paço e Maria João Behran : Portugal. La crise de 2008 et le “Memorandam d’Entente”

SOCIETE

Claude Gabriel : Évolution de la société, des entreprises et segmentation du salariat

HISTOIRE/INTERNATONALISME

En hommage à Mehdi Ben Barka : entretien avec Bachir Ben Barka

MARXISME

Kevin B. Anderson : Nations, ethnicité et sociétés non occidentales, entretien.

Nicolas Béniès Commentaire sur le livre Nature et forme de l’Etat capitaliste (Syllepse)

CULTURE

Gilles Bounoure : « Occupuy les Eyzies » ? Néolithique et chrématistique

Bernard Pras : « Chaos » et « perspectives dépravées », entretien
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ContreTemps, N° 24 :

Multiplier les initiatives d’appropriation sociale, ouvrir le champ des possibles



Je commence par le Cahiers de l’OMOS : Entreprise et appropriation sociale.



Michel Mas souligne quelques éléments de l’expérience collective des Amis de la Fabrique du Sud (ex-Pilpa). Scop, re-municipalisation, s’extraire des circuits traditionnels financiers…



Gigi Malabarba parle de Rimaflow, une usine récupérée à Milan, de la bataille pour obtenir une « concession d’utilisation gratuite ». Il souligne aussi la nécessité de coordonner les expériences de réappropriation sociale, entre elles et avec les réseaux pour la défense des biens communs.



Manu Blanco propose une contribution syndicale au sujet de la nationalisation. Il parle de « préemption » et des mobilisation des salarié-e-s comme « acte politique le plus démocratique ».



Sylvie Mayer et François Longerinas reviennent sur la situation du mouvement coopératif en France.



Maurice Decaillot interroge les liens entre coopératives et emploi. Il souligne la nécessité de ne pas rester enfermé dans les lois du marché, la concurrence, le pouvoir accapareur des monopoles dominants, de mettre en place « un réseau inter-coopératif d’échanges équitables des produits et prestations », une coopération réciproquement avantageuse. L’auteur n’en reste pas au niveau « local », « il faudrait chercher à combiner la démocratie de proximité clarifiée – indispensable à une gestion cohérente et ciblée des activités économiques et des projets sociaux – à la démocratie de différents niveaux, (nationaux, locaux, par domaine) requise pour assurer la participation réelle des personnes et des collectivités à la gestion des activités d’intérêt commun ». J’ajoute aussi les dimensions plus internationales, coopérations méditerranéennes, européennes, continentales ou mondiales…



Benoît Borrits réfléchit sur le droit de propriété, la valorisation des entreprises, propose, comme Bernard Friot, une cotisation patronale « investissements » assise sur les salaires bruts. Cette idée, pour mobilisatrice soit-elle, ne saurait suffire pour assurer le financement des investissements et les choix démocratiques autour de ce sujet…



Pour utiles et nécessaires qu’elles soient, les différentes expériences d’appropriation sociale d’entreprises (souvent « en difficulté ») ne règlent ni les problèmes de l’appropriation sociale comprise comme auto-gestion de l’ensemble de la production du vivre, ni la mise en place des coopérations élargies, non réductibles à un empilement partant du local vers le national et l’international. Il en de même des organes de décisions démocratiques, en adéquation avec la maitrise de l’ensemble des grands processus socio-économiques, qui impliquent de construire des alternatives à la fois décentralisées et à la fois permettant aux citoyen-ne-s producteur/productrice de débattre et choisir à tous les échelons des mises en oeuvre. Pour le dire plus brutalement, ni la démocratie ni l’autogestion ne peuvent être simplement pensées comme un empilement vertueux de « structures » du local au global. Les différents niveaux de choix et de gestion doivent être pensés ensemble, avec leurs tensions et contradictions. (voir l’article de Catherine Samary : Autogestion et pouvoir/s…, indiqué en complément possible)



Pierre Cours-Salies revient sur les analyses de Karl Marx, sur la concurrence, la lutte « de tous contre tous », l’individualisme (« proposer un individualisme qui ne serait plus lié à un ordre « possessif ». ») et propose de nous « appuyer sur un levier qui est déjà-là ». Appropriation sociale et appropriation de soi, « Pour se réaliser, cette appropriation de soi suppose, exige, que la classe dirigeante perde le droit de mettre des femmes ou des hommes au chômage. Au sens strict, pour une appropriation qui sorte des limites de « l’individualisme possessif » sous l’une de ses formes, la marchandise force de travail disparaît : chacune, chacun a droit à une place dans la société, laquelle doit évidemment débattre des conséquences d’une telle rupture historique ».



Pierre Zarka pose une question décisive : « Pourquoi ce qui paraît être une solution pour les entreprises dites en difficultés ne le serait-elle pas pour celles qui affichent des profits insolents ? ». Il parle aussi de « potentiel politique », de maîtrise collective « condition sine qua non d’une démocratie réelle », d’appropriation de soi, de possible, de travail prescrit et de travail réel, d’enchainement des événements et de révolutionner la société, de démocratie comme confrontation, comme tension…



Benoît Borrits et Chantal Delmas proposent « des pistes pour un projet alternatif », la construction d’un « commun » inaliénable, l’élaboration commune entre travailleurs/travailleuses et usager-e-s, le contrôle socialisé du secteur bancaire…



Pierre Dardot revient sur l’appropriation sociale et l’institution du commun, « aucune chose n’est commune par nature », sur les droits de propriété, sur le statut de l’indisponible, sur les pratiques collectives, sur la conflictualité…



Appropriation sociale. Mais peut-on contourner les rapports sociaux de sexe et l’ensemble des rapports de domination ? Dit autrement, qu’en est-il du genre de l’appropriation discutée ?…



Si j’ai, une nouvelle fois, particulièrement été intéressé par un article de Gilles Bounoure intitulé « Tu ne connaîtras jamais bien les Mayas », je ne partage pas sa lecture de Sade.



Parmi les autres articles, je signale :



L’entretien avec Julian Mischi sur les transformations du PCF, dont la notabilisation élective des cadres.



L’article de Catherine Sauviat et Claude Serfati sur les grands groupes industriels français
 et la mondialisation du capital, loin des oppositions simplistes entre capital financier et capital industriel




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Indignés !

Parmi ces textes rassemblés en un seul livre, il faut lire avec attention les manifestes – souvent accompagnés d'illustrations originales, qui ne sont pas sans rappeler l'imagination et la créativité des affiches de Mai 68 –, dans un style bien souvent oral plus qu'écrit […].
Lien : http://www.nonfiction.fr/art..
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L’engagement en questions

Le dossier sur « l’engagement en question » est introduit par un article de Lilian Mathieu et Sylvain Pattieu qui indiquent l’intérêt à croiser les regards sociologiques et militants sur les pratiques collectives et individuelles des engagements. «Il est toujours difficile pour des militants d’accepter de voir leurs pratiques ou leurs trajectoires objectivées, tandis que les chercheurs ont souvent du mal à accepter de voir leurs résultats discutés par un auditoire militant. Il en résulte parfois une double incompréhension : les militants connaissent peu les travaux de science politique, de sociologie ou d’histoire qui concernent les mécanismes et les ressorts de l’engagement, alors qu’ils pourraient permettre une réflexivité sur leurs propres pratiques, et les chercheurs peuvent se voir suspectés, par méconnaissance du monde militant, de le caricaturer en le réduisant à un système de coûts et de rétributions matérielles et symboliques. ».



Les onze articles de ce dossier traitent de nombreux sujets qu’il serait vain de tenter de résumer dans cette petite note. Parmi eux, je voudrais signaler particulièrement deux articles.



Le premier de Florence Johsua « S’engager, se désengager, se réengager : les trajectoires militantes à la LCR » tente d’appréhender une des dimensions de la pratique militante de la LCR, à savoir le lien étroit aux mouvements sociaux. Cette lecture déjà explicitée dans d’autres textes, me semble particulièrement intéressante et novatrice car elle ne réduit pas l’engagement politique aux pratiques partisanes et elle éclaire les allers et retours, entre différentes pratiques (quelques fois différentes temporalités) et leurs enrichissements mutuels.



Un second article, signée de Maud Gelly, me semble particulièrement illustratif des nouvelles problématiques militantes, trop peu abordées. A partir d’un atelier des «Alternatives féministes » organisé par le Collectif National des Droits des Femmes en 2005, est abordée la transmission générationnelle, ici du féminisme. Et comment renoncer à illustrer les propos par la belle conclusion de cet article « Symbolisant bien nos problèmes de transmission, la petite fille figurée par un dessin d’enfant sur le tract Alternatives féministes n’avait ni bouche ni bras. Cet atelier nous a permis d’essayer de lui dessiner deux bras, un pour tendre le poing et l’autre pour passer le témoin ou le prendre, et une bouche, pour crier les slogans et pour chuchoter, à l’oreille de notre jeune voisin-e de réunion, la signification de MLAC, CADAC, MFPF, etc.…. »



Ce riche dossier, qui je l’espère donnera lieu à d’autres explorations, est complété, entre autres, par un texte inédit d’Adorno sur les classes sociales, une confrontation des positions d’Arendt avec Marx sur la production (P. Sereni) et un article sur l’égalité citoyenne chez Marx, Balibar et Lefort (A. Artous).
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ContreTemps, N° 11, Septembre 201 : Révolutio..

Le dossier sur les Révolutions arabes se compose de :



« Un vent de liberté balaie l’ensemble du monde arabe » (entretien avec Farouk Mardam Bey)



« Nous allons ouvrir d’autres voies, écrire de nouvelles pages politiques » (entretien avec Nadiane Chaabane qui traite, entre autres, de la différence entre séparation de la sphère politique et de la sphère religieuse versus laïcité à la française et séparation entre Église et État



« Révolution, mobilisation politique et syndicalisme. Réflexions de voyage » de Dominique Mezzi, suivi de deux entretiens (Sami Tahri, syndicaliste à l’UGTT, Jilai Hammami membre du PCOT). Cet ensemble permet de revenir sur le rôle des syndicalistes et des groupes se réclamant de la révolution socialiste en Tunisie.



« En Syrie, la chute du régime est à présent une exigence commune et générale » (entretien avac Abdelhamid Al Atassi)



et surtout le passionnant article de Didier Monciaud « Révolution en Égypte : dimensions et enjeux d’un processus en cours »
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