Daguette

Mon visage collé contre la porte, je regarde Ben Raph sonner chez ma voisine de palier. Je devrais ouvrir et prendre Danièle par la main pour L'emmener loin de Benoit.
Je ne suis qu un idiot. Si ma mère était encore là, c'est sans doute ce qu'elle me dirait. Maman avait toujours les bons mots pour m'apaiser, me consoler ou bien tout simplement me conseiller.
Lorsque je vois Danièle et son amie apparaitre sur le pas de la porte, je suis subjuguée par sa beauté.
Elle a opté pour une robe noire mi-longue, fendue sur sa cuisse et des escarpins rouges assorties à sa pochette et son gloss.
Son amie est un peu plus trash, grande blonde avec Une jupe en cuir et un top qui ne cache pas grand chose, tout a fait le genre de Ben. S'il pouvait changer d'idée et se tourner vers elle, ça m'arrangerait beaucoup.

Certaines personnes n’auraient jamais pu gravir les marches que tu as escaladées. Tu es bien plus que forte, tu es un roc. Je t’admire, en fait. Tu as raison, je ne suis pas désolé. Bien au contraire même, car je pense que si tu es celle que tu es aujourd’hui, c’est grâce à tout ce que tu as dû traverser… Et j’aime beaucoup la fille que je découvre de jour en jour...

Je dois tenir le coup. Ne pas crier et ne pas pleurer, j’ai promis. Mais c’est tellement dur de se battre continuellement, de refouler ces souvenirs qui me hantent sans me laisser de répit. Personne ne m’a appris à grandir et évoluer sans une mère. Il me suffit de voir une petite fille dans la rue tenant la main de sa maman pour avoir envie de hurler ma peine.

J’ai l’impression que notre relation date d’hier, pourtant dix ans ont passé. Mais quand je le regarde, c’est comme si rien n’avait changé. Je redeviens cette adolescente folle amoureuse, en l’espace d’un instant, je suis redevenue la petite Alyson, celle qui a besoin de tout casser, celle qui pleure la mort de sa maman, celle qui a besoin de Younes…

Je t’admire sincèrement tu sais, tu es une fillette abîmée par le suicide de ta mère et l’alcoolisme de ton père. Et pour autant, tu continues de te cacher derrière la carapace d’une femme qui n’a peur de rien, qui affronte tout, alors qu’en fait, tu n’es qu’une faible, obligée de briser et de casser pour te sentir plus forte.

C’est fou ce que les gens sont prêts à faire par amour ! Tu sais, si maman s’est suicidée, c’est en partie parce qu’elle pensait que c’était ce qu’il y avait de mieux pour nous. Un peu comme si c’était par amour qu’elle s’était donné la mort. Une manière de nous prouver que sans elle, nous allions vivre heureuses.

Je déteste le fait de ne pas avoir mon permis de conduire et de devoir être dépendante de Noémie. Être sans cesse obligée de devoir compter sur elle pour me déposer au bahut, lui demander de me déposer si je veux aller en ville, ça m’exaspère ! Il va vraiment falloir que je songe à le passer ce satané permis !

Ce gars est le fantasme de toutes les filles du lycée et je suis folle de lui depuis mes quinze ans. Malheureusement, il ne me voit pas. Passant d’une petite amie à une autre, sans jamais poser son regard sur moi. En fait, nous passons notre temps à nous tirer dans les pattes tous les deux.

Je n’avais pas prévu de faire ce détour par Romans mais je n’ai pas pu m’en empêcher, la curiosité et l’envie de revoir cette ville où j’ai grandi, où j’ai aimé si fort… C’est comme un besoin irrépressible, il faut que je revois ces endroits qui ont bercé mon passé.

J’aime tellement son accent et sa façon de me parler ! Les mots qu’il emploie et sa manière de les dire me font fondre. J’essaie de ne pas lui montrer à quel point je suis séduite car je sais que nous ne sommes qu’amis et je ne veux pas foutre ça en l’air.