Kaléna

Qui suis-je ?
Une âme errante, meurtrie. Je suis une guerrière qui n’a plus rien à perdre et qui a soif de vengeance. J’ai une mission à mener, celle qui nous délivrera, Bonnie et moi. Et enfin, je pourrai partir. La mort est mon cadeau et j’ai hâte de l’accueillir comme il se doit. Mon cauchemar s’achèvera.

Je voudrais le tuer, mais tout ce qu’il me fait subir depuis des années restera quand même ancré en moi, alors autant en finir avec mon existence. Mon enfer cessera.
Je me relève, décidée à trouver la meilleure solution pour mettre fin à ma misérable vie. Je sais que je n’aurai pas plusieurs essais et que s’il comprend mes intentions, il m’en empêchera.

J’ai seize ans et je ne désire qu’une chose, que mon existence cesse enfin. En réalité, je suis déjà morte depuis quelques années, depuis que ses doigts se sont faufilés sous mon haut, que sa main s’est imposée sous ma jupe et qu’il m’a fait découvrir l’horreur à l’état pur.
Mon cœur, mon esprit, mon âme sont morts… reste mon corps. Et je voudrais qu’il abandonne lui aussi, qu’il rejoigne l’abîme, le néant. Je le hais presque autant que celui qui le souille. Il n’arrête pas de me dire que c’est ma faute, que je le tente, que je l’allume alors que je ne fais rien. Ou du moins, je n’en ai pas l’impression.

Cela suffit à me faire décoller et atteindre les étoiles. Je suis encore secouée de soubresauts, quand Marlon se place entre mes jambes après avoir recouvert son sexe d’un préservatif qu’il a récupéré dans son jean et me pénètre d’un geste lent. Quand il est entièrement en moi, il se fige et pose son front sur le mien, puis m’embrasse avec une tendresse qui me bouleverse. Je n’ai jamais ressenti cette alchimie, cette évidence de deux corps qui se retrouvent. C’est violent. Perturbant.

Tout doute a disparu et seule la passion l’anime. Je sens mon sang bouillir dans mes veines et m’oblige à rester stoïque. Son regard descend sur ma bouche et je ne désire plus qu’une seule chose, que la sienne vienne s’y poser. Comme s’il l’entendait, il se rapproche encore, faisant fusionner nos corps par ce simple contact. C’est chaste et pourtant tellement sensuel ! Je gémis de plaisir quand ses lèvres se font plus pressantes pour me demander l’accès à plus d’intimité.

Profite de la vie, tu sais à quel point elle peut être courte. Et nous n’avons pas assez de temps pour avoir des regrets quand nous la quitterons. Carpe diem, ma puce, carpe diem.

N’oublie pas ce que disait Confucius : « On a deux vies, et la deuxième commence quand on se rend compte qu’on n’en a qu’une. »

La vie, les épreuves. Certaines personnes ne sont pas assez fortes, reprend-il en me regardant dans les yeux. Tu sais ce que l’on dit : c'est dans les moments difficiles qu'on reconnaît ses vrais amis.

’ai eu une enfance normale, une adolescence parfaite. J’étais même le capitaine de l’équipe de football du lycée. Je n’ai jamais arrêté le sport, c’était ma passion. J’adorais les activités extrêmes et l’adrénaline que cela engendre. L’année de mes vingt-huit ans, j’ai fait mon premier saut à l’élastique. Mon premier et mon dernier, d’ailleurs, dis-je en repensant à ce jour-là. Tout s’est extrêmement bien passé, je n’avais jamais vécu quelque chose d’aussi fou.

Il ne faut pas que tu te sentes coupable de vivre, de respirer, ou d’être heureuse, Tamara. Je suppose que ton mari n’est pas mort de tes mains, sinon tu serais enfermée dans une prison, donc tu n’es pas responsable de ce qui est arrivé.

Ressentir, toucher, respirer, exister sont les choses les plus merveilleuses qui existent sur Terre, et on oublie parfois la chance que l’on a d’être en vie.

J’inspire profondément, comme me l’a appris mon thérapeute, et expire en soufflant longuement. Après quelques exercices, je retrouve un peu de mon calme et je décide qu’il faut que je m’occupe pour ne pas penser. Je m’active alors pour rendre mon coin détente le plus agréable possible.

Malgré les kilomètres parcourus, la fatigue, je me sens remplie d’une énergie nouvelle. J’ai envie de créer cette bulle, cet espace rien qu’à moi dans lequel je me perdrai. Tout prend vie dans ma tête, je vois déjà le résultat final alors que tout est en chantier.

Il est plus têtu qu’une mule et quels que soient vos arguments, il vous ramènera chez lui pour que vous ne manquiez de rien.

« L’espoir fait vivre, mais l’attente fait mourir ».

Je te veux heureuse et épanouie. Et cela veut dire que tu dois reprendre ta vie et penser au futur. Tu ne dois plus évoluer dans le passé. Tu as eu trois ans pour me pleurer, trois ans pour hurler ta haine, mais aujourd’hui, il faut que tu rallumes l’étincelle qui faisait pétiller tes yeux. Et tu ne pourras arriver à ce résultat qu’en quittant notre maison et la ville où nous avons vécu. Tu dois prendre ton envol, mon papillon, et laisser derrière toi le cocon qui te retient prisonnière. Vis ma vie à travers la tienne, aime à nouveau, construis la famille dont on rêvait. Je t’accompagnerai où que tu ailles, car je serai toujours dans ton cœur comme tu es dans le mien.

Avant tout, je veux que tu saches que tu es la plus merveilleuse femme que la Terre ait portée. Tu es ma définition de l’amour et tu m’as rendu si heureux ! Notre histoire est la plus belle aventure qui puisse exister. Tu es l’amour de ma vie, tout simplement.

Je me regarde dans le miroir et je dois avouer que la silhouette que je vois ne ressemble plus à la jeune femme pulpeuse que j’étais avant. Mes cheveux blonds ne sont plus aussi brillants mais un peu plus longs. Mon visage est creusé et des cernes noirs entourent mes yeux.

Tu es en plein déni. Ce n’est pas sain ! Rien n’est comme avant. Il faut que tu l’acceptes. Tu ne peux pas continuer comme ça, tu ne peux plus porter la même robe tous les jours en la lavant le soir même pour qu’elle soit prête le lendemain, car c’était la tenue préférée de Mitch. Tu ne peux plus passer tes journées ici, de l’ouverture à la fermeture, et quel que soit le temps, tu ne peux plus t’empêcher de vivre comme tu le fais. Je sais que tu as perdu l’amour de ta vie, mais tu es en train de perdre la tienne également. Tu ne travailles plus, tu ne manges plus, tu ne sors plus à part pour venir ici. Tu as mis ta vie entre parenthèses et il faut que tu sortes de cette spirale.

Manger est devenu un calvaire. Tout comme le reste, d’ailleurs. Mais cet aspect-là, je peux le contrôler et cela me fait du bien. Je m’alimente quand je sens que mes dernières forces m’abandonnent. Pourtant, mon réfrigérateur et mon congélateur débordent de mets en tout genre que me prépare ma belle-mère. C’est une façon pour elle de s’assurer que je me sustente…