Lester L. Gore

Alors, le dieu sans nom poussa un hululement de fureur absolue. Aigu comme le cri d'agonie de mille baleines torturées. Stridulant comme le frottement des élytres de tous les insectes de la création. Grave comme toute la malveillance instinctive de tous les êtres pervers de la planète.

- Nous ne t'attendions plus, ô roi du Petit Peuple, chef des Lepricants, dit la forme sombre. Quel est ton conseil, toi qui habites ces lieux depuis toujours, et qui commande aussi bien aux plantes qu'aux animaux ?
Une expression rageuse déforma les traits du petit être :
- depuis des générations d'hommes, nous nous cachons, traqués, ridiculisés. Nous sommes devenus des légendes dont on rit, notre image sert aux humains pour vendre leurs produits. Plus personne ne croit en nous.
- tu te trompes, dit Oberon. Tu sais bien Ue la foi des humains nous est indispensable. Le jour où le dernier rêveur aura fini de croire en nous, nous disparaîtrons.
-certes, mais parmi les mortels, les rêveurs, les poètes et les fous sont de plus en plus rares. Depuis l'arrivée du Crucifié, l'usurpateur, de ses prêtres, notre nombre diminue sans cesse. Nous en sommes réduits à nous terrer dans nos derniers sanctuaires, et voilà qu'ils veulent raser notre bois magique. Nous devons lutter, tel est mon avis.
Oberon passa la main sur son menton, et tandis qu'il réfléchissait, des étincelles parcoururent sa silhouette, illuminant par instants son visage très beau et très étrange.
- il nous reste un nouvel exil ....
- Non ! Cracha le Léprechaun. Notre vie est ici, et d'ailleurs, qui dit que nos amis des Bretagnes, des Galles et d'Erin sont mieux lotis que nous ?
- soit, trancha Oberon. Nous défendrons notre refuge.

Que les fées préviennent l'ensemble de nos amis.
Aussitôt, les lueurs partirent à The allure dans la forêt, et les silhouettes d'Oberon et du petit être s'évanouiront. Bientot la clairière au dolmen avait retrouvé son aspect habituel ...