J’avais quelques a priori en commençant Alchimia, et pour cause : c’est un shôjo, c’est-à-dire un manga avec une histoire d’amour au premier plan. Pire, un triangle amoureux ! Je déteste les triangles amoureux, les exceptions rencontrées dans mon parcours de lecture se comptent sur les doigts d’une main… Heureusement, Alchimia s’en est très bien sorti.
Dès la première double-page (en couleurs et papier glacé, une beauté…) nous voilà transportés dans un univers exotique et rafraîchissant, les douces contrées d’Alchimia… Les caractéristiques de cet univers m’ont beaucoup rappelé Enfenia, le monde de Souvenirs perdus, autre roman de Samantha Bailly. Je ne parle pas là d’un quelconque manque d’originalité, sinon d’une signature véritable dans l’élaboration de ses background : les mondes qu’elle crée ont un je ne sais quoi qui me charme à tous les coups, une certaine fraîcheur, une liberté dans les influences… Je me permets de répéter ici ce que j’avais déjà dit dans ma chronique sur Souvenirs perdus : Samantha Bailly respecte les codes basiques du genre de la fantasy (peuplades en guerre, atmosphère fantastico-médiévale sur les bords…) mais elle parvient à donner à ses créations un petit goût unique, quelque chose qui s’affranchit du reste et s’en détache. Deux ans après ma lecture de Souvenirs perdus, je n’arrive toujours pas à l’identifier avec certitude, ce quelque chose « en plus », mais ce qui est sûr, c’est que ça marche toujours aussi bien avec moi.
J’ai eu un petit coup de mou voici quelques mois en découvrant qu’Alchimia serait un shôjo et qu’un triangle amoureux y occuperait une place de choix ; vous savez, les histoires d’amour et moi, ça n’a jamais donné grand-chose, alors les triangles amoureux je ne vous raconte pas… Mais celui-ci ne m’a pas trop rebutée, au contraire : il s’esquisse à peine, c’est mignon. Quand les auteures en ont fait la promo, elles ont mis le paquet, opposition du garçon et des idéaux politiques, double-jaquette pour choisir son prétendant préféré, pour cela je craignais le pire ! Miya et Samantha ont su garder une mesure modeste pour ce premier tome, et amener ce futur conflit amoureux avec subtilité pour qu’il ne devienne pas redondant dès le début de l’histoire (je n’aime pas les shôjos mais j’en ai déjà lu, c’est un risque à prendre de faire un triangle amoureux qui éclipse l’intrigue, même en manga). Et histoire de jouer le jeu j’ai mentalement débattu après ma lecture pour déterminer quel garçon je préférais. Mon verdict est sans appel : je les aime tous les deux. Je change la jaquette du manga plusieurs fois par jour (je ne le ferai pas longtemps, ça l’abîmerait trop), et je pense que je ne serai pas la seule : il y a du niveau, autant par la beauté que par la profondeur des personnages ! Dur de trancher.
Quand j’ai vu la couverture d’Alchimia pour la première fois, j’ai tout de suite été marquée par les couleurs : quelles jolies teintes ! Et j’insiste sur la double-page au tout début du manga, c’est magique, cette nuit étoilée avec l’Atelier au milieu du fleuve…
Concernant le coup de crayon, il est d’une grande finesse. Une certaine tendance à mettre du rouge aux joues de Saë, qui devient un peu agaçante à force (ça doit être subjectif comme remarque, puisque cela traduit une gêne romantique), mais c’est minime comme élément ! J’ai surtout apprécié les détails dans les tenues des personnages, la diversité desdites tenues, et même si beaucoup de décors sont restés blancs, les fonds dessinés sont également minutieux et détaillés. Je n’accroche pas trop à la morphologie d’Idan et Ethiel, je leur trouve des visages très allongés et des mentons pointus (c’est peut-être voulu ceci dit), mais ça n’empêche pas que ce sont des beaux gosses, normal pour un shôjo. Les formes des cases sont fantaisistes, varient beaucoup d’une page à l’autre, sans pour autant devenir illisible : c’est très agréable à lire.
Et enfin, quelques mots sur les dialogues : attachée à la qualité d’une plume même en manga, je suis souvent déçue par la pauvreté de certains échanges lors de mes précédentes lectures. Dans Alchimia, une bonne surprise encore une fois ! La justesse et la richesse sont au rendez-vous, j’ai très rarement grincé des dents comme ça m’arrive souvent en lisant des shôjos, quand je trouve qu’un dialogue sonne faux, qu’il est « surjoué ».
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