"Le documentaire", nous dit Paul Strand, "est une oeuvre d'art." L'expression est troublante, il serait en effet indécent de ne considérer les photographies de la FSA que pour leurs qualités esthétiques. A priori, l'idée même d'un projet documentaire devrait impliquer le rejet de toute intervention à caractère artistique, de toute analyse subjective ou de de parti pris, mais c'est une position intenable, qui relève de l'idéalisme. Ceux qui réalisent un tel travail sont dotés d'une sensibilité, d'un caractère, d'une façon de voir, d'une culture qui leur est propre... La mission de la FSA reflète donc, nécessairement, la somme des points de vue personnels et subjectifs de ceux qui en ont été les acteurs.
La mission FSA est un geste majeur, étonnant. On pourrait même parler d'une geste, selon le terme qui désignait les poèmes épiques au Moyen-Âge. Pourtant, si Roy Stryker, les photographes et les enquêteurs chargés de cette mission étaient pour une bonne part animés de sentiments généreux, voire idéalistes, il n'en reste pas moins qu'il s'agissait aussi d'un vaste programme de propagande. On ne se tromperait pas trop, pour certains aspects, en osant la comparaison avec ce qui se faisait en Union soviétique autour des plans quinquennaux.