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Citation de pierre31


C'était un homme [Monsieur le Duc] très considérablement plus petit que les plus petits hommes, qui, sans être gras, était gros de partout, la tête grosse à surprendre, et un visage qui faisait peur; on disait qu'un nain de Madame la Princesse en était cause. Il était d'un jaune livide, l'air presque toujours furieux, mais en tout temps fier, si audacieux, qu'on avait peine à s'accoutumer à lui. Il avait de l'esprit, de la lecture, des restes d'une excellente éducation, de la politesse et des grâces même quand il voulait, mais il le voulait très rarement. Il n'avait ni l'avarice, ni l'injustice, ni la bassesse de ses pères, mais il en avait toute la valeur, et [il avait] montré de l'application et de l'intelligence à la guerre. Il en avait aussi toute la malignité et toutes les adresses pour accroitre son rang par des usurpations fines et plus d'audace et d'emportement qu'eux encore à embler*. Ses mœurs perverses lui parurent une vertu, et d'étranges vengeances qu'il exerça plus d'une fois et dont un particulier se serait bien mal trouvé, un apanage de sa grandeur. Sa férocité était extrême et se montrait en tout. C'était une meule toujours en l'air, qui faisait fuir devant elle, et dont ses amis n'étaient jamais en sureté, tantôt par des insultes extrêmes, tantôt par des plaisanteries cruelles en face, et des chansons qu'il savait faire sur-le-champs, qui emportaient la pièce* et qui ne s’effaçaient jamais; aussi fut-il payé en même monnaie, plus cruellement encore. D'amis il n'en eut point, mais des connaissances plus familières [...] Ces prétendus amis le fuyaient, il courait après eux pour éviter la solitude, et quand il en découvrait quelques repas, il y tombait comme par la cheminé, et leur faisait une sortie de s'être caché de lui. [...] Ce naturel farouche le précipita [...] dans cette sorte d'insolence qui a plus fait détester les tyrans que leur tyrannie même. Les embarras domestiques, les élans continuels de la plus furieuse jalousie, les vifs piquants d'en sentir sans cesse l'inutilité, un contraste sans relâche d'amour et de rage conjugale, le déchirement de l'impuissance dans un homme si fougueux et si démesuré, le désespoir de la crainte du Roi, et de la préférence de M. le prince de Conti sur lui dans le cœur, dans l'esprit, dans les manières de son propre père, la fureur de l'amour et de l’applaudissement universel pour ce même prince tandis qu'il n'éprouvait que le plus grand éloignement du public, et qu'il se sentait le fléau de son intime domestique, la rage du rang de M. le duc d'Orléans et de celui des bâtards, quelque profit qu'il en sût usurper, toutes ces furies le tourmentèrent sans relâche et le rendirent terrible comme ces animaux qui ne semblent nés que pour dévorer et pour faire la guerre au genre humain; ainsi les insultes et les sorties étaient ses délassements, dont son extrême orgueil s'était fait une habitude, et dans laquelle il se complaisait. Mais s'il était redoutable, il était encore plus déchiré. [...] Quiconque aura connu ce prince n'en trouvera pas ici le portrait chargé, et il n'y eut personne qui n'ait regardé sa mort comme le soulagement personnel de tout le monde.

*Voler
*Railler cruellement.
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