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Citation de Semmelweis


En ville, le silence n'existe pas. Aucun endroit, aucune heure de la journée ne permettent d'échapper à la rumeur continuelle des rues. C'est le souffle d'une vie mécanique qui se love au creux des oreilles et ne vous quitte plus. Cette rumeur est permanente, si habituelle qu'on croit ne plus l'entendre. Frank, comme tant d'autres citadins de naissance, avait fait l'expérience, en dormant à la campagne, d'être privé des sons de la ville : une angoisse sourde l'avait alors réveillé chaque nuit, intimement liée à la sensation obscure de ne pas être à sa place.
Chicago possède son propre environnement sonore, aussi unique qu'une empreinte digitale. Les vibrations sourdes, irrégulières de l'antique métro aérien en sont la principale caractéristique. S'y associent, comme dans une symphonie discordante composée par un psychotique privé de ses neuroleptiques, les klaxons claironnants, les crispants crissements de pneu, les sirènes stridentes des voitures du CPD filant le long des rues, les grondements grognons des voitures de banlieue coincées dans la circulation, les psalmodies immodestes des vendeurs de hot-dog, les mélopées mélancoliques des clochards cramés par le crack qui font la manche aux carrefours, les voix grinçantes des cadres grimaçants agrippés à leur téléphone portable, les aboiements des bateleurs batifolant pour les touristes blasés, les annonces anonymes dans la salle des pas perdus de Central Station, sans compter les rares expressions octroyées à la nature, le sifflement cinglant du vent qui soufflète les visages et les âmes à l'angle des buildings, le martèlement mortifère des gouttes de pluie qui s'écrasent sur le bitume luisant, les ébouriffantes bourrasques de neige qui s'accumulent en congères puis fondent dans un couinement visqueux sous les pneus boueux, et enfin le liquoreux clapotis que font les discrètes ridules du lac Michigan en s'échouant sur les berges grises.
Ces sons sont indissociables de la ville. Ils persistent à hanter l'inconscient de tout Chicagoan, bien après que celui-ci ait quitté les rues qui l'ont vu naître.
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