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5/5 (sur 3 notes)

Nationalité : France
Biographie :

Semmelweis est médecin et père de quatre enfants.

Fasciné par le roman noir, son style âpre, ses personnages tragiques, il découvre Chicago à la fin des années 2000.

Il en fera le décor de son premier roman, "Les seigneurs de Chicago" (2019).

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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
L'alcool apaisait les angoisses de Frank, comme la main d'une mère qui caresse et réchauffe. Boire écartait les peurs, les cauchemars et les souffrances. Cela le plongeait dans un univers ouaté, une coque de coton qui distordait les sens et étouffait les perceptions. L'alcool était un refuge sécurisant, une grotte où il pouvait s'enfoncer de plus en plus loin, dans l'obscurité et le silence, un peu plus en sécurité, un peu plus indifférent à chaque pas. Frank gagnait en distance vis-à-vis de ce qui l'entourait, de sa vie, de ses souvenirs, même.
Frank aimait entrer dans un bar certains soirs sans but. Il s'asseyait au comptoir et adressait un signe convenu au barman, en ivrogne d'expérience. Pas un mot n'était échangé. Pourtant, un verre était posé devant lui et cela était la seule chose qui comptait. Boire était un acte d'introspection, une mise en abyme qui ne souffrait pas de perturbation. L'atmosphère était douce, les lumières apaisantes. Les verres se succédaient à un rythme faussement nonchalant. Aucune horloge n'était là pour lui rappeler le temps qui passe. Vous ne verrez jamais l'heure des vivants affichée dans un bar. Peu à peu, l'alcool lui permettait de s'enfoncer dans un état de torpeur animale, ses sens engourdis. L'angoisse qui lui vrillait le ventre s'était enfin tue.
C'était véritablement cela son désir secret, plus ou moins conscient, qui l'animait lorsqu'il entrait dans ce bar. Il ne voulait plus vivre, il ne voulait plus de souffrance, ni de haine, d'agitation ou de colère. Il voulait un sommeil éternel, un sommeil de mort. Cependant, une crainte le retenait de plonger plus avant. Car quels rêves iraient agiter ce sommeil ?

La nuit de Frank fut courte, entrecoupée de brusques réveils en sueur et de longues plages d'insomnie, passées dans le noir à contempler la vision de Chicago qui s'offrait à lui derrière la fenêtre. Un brouillard ambré nimbait la ville. Il contempla les giclées fluorescentes des enseignes, les phares aux larmes étincelantes, les fenêtres scintillantes sur des façades irréelles. Sa ville. La ville dont il avait juré de protéger et de servir ses habitants, il y a longtemps.
  Au petit matin, avant que l'aube ne se lève, il se leva et prit dans le tiroir de sa commode son arme. Il s'assit, nu, le métal glacé du revolver posé sur ses genoux, les yeux fermés, indifférent au temps qui s'écoulait. Finalement, dans un lent mouvement presque irréel, il en expulsa toutes les balles sauf une et posa la gueule du canon contre sa tempe. Il appuya sur la détente. Trois fois.
Trois cliquetis.
Trois chambres vides
Un fin tremblement s'empara de lui. Il ouvrit les yeux, incrédule. Un soleil orange, familier, quittait à peine la ligne d'horizon.
La nausée l'envahit.
Sa main s'ouvrit sur la crosse. Le revolver tomba à terre.
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À Chicago, le pouvoir est tout. Il obsède les pensées et corrompt les âmes. Le cœur de la ville bat au rythme de cette obsession. L'essence du pouvoir, ici, c'est l'influence : la balance entre les services rendus et ceux reçus, la capacité à peser sur une décision d'un geste, d'un regard. Ce pouvoir est intangible et fugace. Il appartient à des hommes qui en méprisent les signes extérieurs et les abandonnent aux politiciens, comme des parures inutiles.
À Chicago, les hommes d'affaires n'ont jamais respecté les règles qui régissent les autres territoires. La loi est ici vouée à être ployée, brisée et piétinée. Les politiciens ont été achetés, les syndicats ont été achetés, la justice et la police ont été achetées.
Au décours de la Première Guerre mondiale, une nouvelle génération de ces hommes d'affaires a surgi, héritière sans le savoir de cette longue tradition. Ils s'appelaient Frank Nitti, Johnny Torrio et Al Capone. Leurs origines italiennes, leur catholicisme n'étaient plus un problème, car ils parlaient la seule langue qui compte ici : la langue de l'argent, la langue du pouvoir, la langue de l'influence. Ils firent leurs débuts dans le racket, puis prospérèrent grâce à la contrebande d’alcool, aux jeux clandestins et à la prostitution. Parvenus au sommet, les hommes de la Mafia finirent par parler de part de marché, de taux de croissance et de chiffres de vente, comme les cadres de Ford ou de General Electric. Ils voulaient posséder Chicago. Chicago les posséda et tout continua comme avant. Il faut que tout change pour que rien ne change, écrivit un autre sicilien.
L'histoire qui suit est celle de Frank Szalinski, un officier corrompu du Chicago Police Department parmi tant d'autres. L'homme a réellement existé, sous un autre nom, et le récit de sa trajectoire tragique est conforme à ce que m'en ont raconté les différents témoins de l'époque que j'ai pu rencontrer. Il existe une autre version de son histoire, officielle celle-là, et bien différente des faits relatés ici.
Croyez qui vous voudrez. Mais retenez bien que ce récit parle de ces hommes qui règnent dans l'ombre sur les rues de Chicago, de ceux qui passent naturellement des néons des bas-fonds aux lumières tamisées des lieux de pouvoir, en passant par le clair-obscur des couloirs du Chicago Police Department.
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 Semmelweis
En ville, le silence n'existe pas. Aucun endroit, aucune heure de la journée ne permettent d'échapper à la rumeur continuelle des rues. C'est le souffle d'une vie mécanique qui se love au creux des oreilles et ne vous quitte plus. Cette rumeur est permanente, si habituelle qu'on croit ne plus l'entendre. Frank, comme tant d'autres citadins de naissance, avait fait l'expérience, en dormant à la campagne, d'être privé des sons de la ville : une angoisse sourde l'avait alors réveillé chaque nuit, intimement liée à la sensation obscure de ne pas être à sa place.
Chicago possède son propre environnement sonore, aussi unique qu'une empreinte digitale. Les vibrations sourdes, irrégulières de l'antique métro aérien en sont la principale caractéristique. S'y associent, comme dans une symphonie discordante composée par un psychotique privé de ses neuroleptiques, les klaxons claironnants, les crispants crissements de pneu, les sirènes stridentes des voitures du CPD filant le long des rues, les grondements grognons des voitures de banlieue coincées dans la circulation, les psalmodies immodestes des vendeurs de hot-dog, les mélopées mélancoliques des clochards cramés par le crack qui font la manche aux carrefours, les voix grinçantes des cadres grimaçants agrippés à leur téléphone portable, les aboiements des bateleurs batifolant pour les touristes blasés, les annonces anonymes dans la salle des pas perdus de Central Station, sans compter les rares expressions octroyées à la nature, le sifflement cinglant du vent qui soufflète les visages et les âmes à l'angle des buildings, le martèlement mortifère des gouttes de pluie qui s'écrasent sur le bitume luisant, les ébouriffantes bourrasques de neige qui s'accumulent en congères puis fondent dans un couinement visqueux sous les pneus boueux, et enfin le liquoreux clapotis que font les discrètes ridules du lac Michigan en s'échouant sur les berges grises.
Ces sons sont indissociables de la ville. Ils persistent à hanter l'inconscient de tout Chicagoan, bien après que celui-ci ait quitté les rues qui l'ont vu naître.
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En ville, le silence n'existe pas. Aucun endroit, aucune heure de la journée ne permettent d'échapper à la rumeur continuelle des rues. C'est le souffle d'une vie mécanique qui se love au creux des oreilles et ne vous quitte plus. Cette rumeur est permanente, si habituelle qu'on croit ne plus l'entendre. Frank, comme tant d'autres citadins de naissance, avait fait l'expérience, en dormant à la campagne, d'être privé des sons de la ville : une angoisse sourde l'avait alors réveillé chaque nuit, intimement liée à la sensation obscure de ne pas être à sa place.
Chicago possède son propre environnement sonore, aussi unique qu'une empreinte digitale. Les vibrations sourdes, irrégulières de l'antique métro aérien en sont la principale caractéristique. S'y associent, comme dans une symphonie discordante composée par un psychotique privé de ses neuroleptiques, les klaxons claironnants, les crispants crissements de pneu, les sirènes stridentes des voitures du CPD filant le long des rues, les grondements grognons des voitures de banlieue coincées dans la circulation, les psalmodies immodestes des vendeurs de hot-dog, les mélopées mélancoliques des clochards cramés par le crack qui font la manche aux carrefours, les voix grinçantes des cadres grimaçants agrippés à leur téléphone portable, les aboiements des bateleurs batifolant pour les touristes blasés, les annonces anonymes dans la salle des pas perdus de Central Station, sans compter les rares expressions octroyées à la nature, le sifflement cinglant du vent qui soufflète les visages et les âmes à l'angle des buildings, le martèlement mortifère des gouttes de pluie qui s'écrasent sur le bitume luisant, les ébouriffantes bourrasques de neige qui s'accumulent en congères puis fondent dans un couinement visqueux sous les pneus boueux, et enfin le liquoreux clapotis que font les discrètes ridules du lac Michigan en s'échouant sur les berges grises.
Ces sons sont indissociables de la ville. Ils persistent à hanter l'inconscient de tout Chicagoan, bien après que celui-ci ait quitté les rues qui l'ont vu naître.
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