AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Semmelweis


L'alcool apaisait les angoisses de Frank, comme la main d'une mère qui caresse et réchauffe. Boire écartait les peurs, les cauchemars et les souffrances. Cela le plongeait dans un univers ouaté, une coque de coton qui distordait les sens et étouffait les perceptions. L'alcool était un refuge sécurisant, une grotte où il pouvait s'enfoncer de plus en plus loin, dans l'obscurité et le silence, un peu plus en sécurité, un peu plus indifférent à chaque pas. Frank gagnait en distance vis-à-vis de ce qui l'entourait, de sa vie, de ses souvenirs, même.
Frank aimait entrer dans un bar certains soirs sans but. Il s'asseyait au comptoir et adressait un signe convenu au barman, en ivrogne d'expérience. Pas un mot n'était échangé. Pourtant, un verre était posé devant lui et cela était la seule chose qui comptait. Boire était un acte d'introspection, une mise en abyme qui ne souffrait pas de perturbation. L'atmosphère était douce, les lumières apaisantes. Les verres se succédaient à un rythme faussement nonchalant. Aucune horloge n'était là pour lui rappeler le temps qui passe. Vous ne verrez jamais l'heure des vivants affichée dans un bar. Peu à peu, l'alcool lui permettait de s'enfoncer dans un état de torpeur animale, ses sens engourdis. L'angoisse qui lui vrillait le ventre s'était enfin tue.
C'était véritablement cela son désir secret, plus ou moins conscient, qui l'animait lorsqu'il entrait dans ce bar. Il ne voulait plus vivre, il ne voulait plus de souffrance, ni de haine, d'agitation ou de colère. Il voulait un sommeil éternel, un sommeil de mort. Cependant, une crainte le retenait de plonger plus avant. Car quels rêves iraient agiter ce sommeil ?

La nuit de Frank fut courte, entrecoupée de brusques réveils en sueur et de longues plages d'insomnie, passées dans le noir à contempler la vision de Chicago qui s'offrait à lui derrière la fenêtre. Un brouillard ambré nimbait la ville. Il contempla les giclées fluorescentes des enseignes, les phares aux larmes étincelantes, les fenêtres scintillantes sur des façades irréelles. Sa ville. La ville dont il avait juré de protéger et de servir ses habitants, il y a longtemps.
  Au petit matin, avant que l'aube ne se lève, il se leva et prit dans le tiroir de sa commode son arme. Il s'assit, nu, le métal glacé du revolver posé sur ses genoux, les yeux fermés, indifférent au temps qui s'écoulait. Finalement, dans un lent mouvement presque irréel, il en expulsa toutes les balles sauf une et posa la gueule du canon contre sa tempe. Il appuya sur la détente. Trois fois.
Trois cliquetis.
Trois chambres vides
Un fin tremblement s'empara de lui. Il ouvrit les yeux, incrédule. Un soleil orange, familier, quittait à peine la ligne d'horizon.
La nausée l'envahit.
Sa main s'ouvrit sur la crosse. Le revolver tomba à terre.
Commenter  J’apprécie          10









{* *}