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Citation de Partemps


 Tel quel
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Une autre question à propos de la contestation. Plusieurs auteurs ont trouvé les racines de la contestation en France dans un système scolaire qui tend à aiguiser le sens critique, à valoriser l’individualisme, mais qui rend incapable de travailler en groupe. Ne pensez-vous pas que les besoins de la société technologique actuelle vont renverser ce système scolaire ?

Mais oui. Je crois que cela a dû commencer. Certainement. [...] On mûrit plus vite, etc. Je crois qu’une des raisons du ’malaise du système scolaire en France vient du décalage entre les élèves qui voudraient davantage d’initiative, de liberté, de diversité, aussi, dans les options, dans le choix des études, et un corps enseignant qui était en grande partie formé a 1’ancienne manière. Il est amusant d’ailleurs de voir que dans tous les projets de réforme de l’enseignement, on s’attaque aux organigrammes. On ajoute ceci, on enlève cela aux matières enseignées, mais on ne s’attaque au fond jamais beaucoup à la pédagogie. Et les enseignants, quand on leur demande s’il ne faudrait pas changer les méthodes d’enseignement, répondent qu’ils ne sont pas là pour faire de la psychothérapie. Ils ont des connaissances, ils sont là pour distribuer les connaissances et c’est tout. Là, je crois qu’il y a une cause de contestation évidente. Et de ce point de vue-là, même si les formes de la contestation ont été quelquefois les mêmes en Amérique et en France, les racines en sont beaucoup plus profondes en France. Il y a, dans le système scolaire, comme dans le rapport avec la société en général, des causes de mécontentement qui sont plus profondes que celles d’ici qui étaient assez liées, pas exclusivement, mais assez liées à la guerre du Vietnam et cela a passé très vite. C’est extraordinaire de voir que les jeunes gens qui arrivent, qui ont dix-sept, dix-huit ans, pour eux les histoires de contestation sont à peu près au même plan que le Moyen Age. Ils en ont vaguement entendu parler s’ils ont de grands frères qui sont passés par là. Mais sinon...

Il y a une autre différence, car en France la gauche est largement soutenue par le corps enseignant.

Oui, mais alors là il y a un porte-à-faux terrible en ce sens que les enseignants sont idéologiquement contestataires du système politique et social, mais ils sont, du point de vue du comportement personnel, extraordinairement conservateurs. Si la gauche, en fait, n’a pas de programme de réforme de l’enseignement, c’est à cause de ça. Et quand on parle de temps en temps à des socialistes bon teint, et on leur demande ce qu’ils font pour l’enseignement, ils sont assez francs pour dire que ce n’est pas exactement la priorité des priorités. C’est très facile d’être idéologiquement à gauche, de vouloir changer le statut de l’entreprise, de vouloir nationaliser les trusts, ça se passe chez les autres et ça n’empêche pas qu’on soit extrêmement conservateur quand il s’agit de toucher au système de l’enseignement. Je crois d’ailleurs que c’est un trait très répandu en France et qui trompe beaucoup les gens qui étudient les pays à travers les sondages d’opinion. C’est le divorce très fréquent entre l’opinion et le comportement. On est extrêmement audacieux en opinion, mais on ne veut rien changer à son mode de vie, à ses rapports avec son groupe de référence. Tout doit changer, et si tout le reste change, on changera aussi, mais pas avant. C’est une forme admirable de conservatisme avec bonne conscience et c’est quand même très frappant dans les syndicats d’enseignants, mais pas seulement dans les syndicats d’enseignants.

Il y a aussi la sécurité de l’emploi qu’il ne faut pas mettre en cause.

Oui, bien sûr. Là, je crois que la gauche, si elle arrive au pouvoir, aura de petits problèmes.
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