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Citation de Partemps


Ve IDYLLE

LES CHANTEURS BUCOLIQUES

Combat de deux bergers pour le prix du chant. Ils gagent, l'un un chevreau, et l'autre un agneau. Morson, pris pour juge, prononce eu faveur de Comatas. Joie du vainqueur.

COMATAS, LACON, MORSON (24)

COMATAS. Mes chèvres, fuyez Lacon le Sybarite : il m'a dérobé ma toison.
LACON. Quoi ! mes brebis, vous ne fuyez pas de cette source ? vous ne voyez donc pas Comatas qui m'a volé ma flûte ?
COMATAS. Quelle flûte, vil esclave ? As-tu jamais eu une flûte ? N'est-ce pas assez pour toi de souffler avec Corydon dans un pipeau sauvage ?
LACON. Celle, excellent jeune homme, que Lycon m'avait donnée. Mais toi, quelle toison ? L'ai-je dérobée ? Parle donc, Comatas. Jamais ton maître Eumoras en a-t-il mis une sous lui pour dormir ?
COMATAS. Cette toison bigarrée que m'avait donnée Crocylus le jour où il sacrifiait une chèvre aux Nymphes. Toi, méchant, tu en séchais de jalousie ; enfin tu m'en as dépouillé.
LACON. Non, par le dieu Pan, gardien de nos rivages, non, Lacon, fils de Céléthis, ne t'a point dépouillé de cette toison. Si je mens, puissé-je dans un transport furieux me précipiter du haut de cette roche dans le Crathis (26).
COMATAS. Non, j'en atteste les Nymphes du marais, et qu'elles me soient toujours propices ! Non, Comatas n'a pas dérobé ta flûte.
LACON. Si je t'en crois, puissent fondre sur moi tous les malheurs de Daphnis ! Mais si tu veux gager un chevreau, et la gageure n'est pas considérable, je te dispute le prix du chant jusqu'à ce que tu t'avoues vaincu.
COMATAS. Allons, le porc a défié Minerve. Voilà mon chevreau; dépose un mouton gras.
LACON. Impudent, où serait l'égalité ? Qui voudrait tondre du poil pour de la laine ? A côté d'une chèvre, mère pour la première fois, qui voudra traire une misérable lice ?
COMATAS. Celui qui est sûr de la victoire, comme toi, insipide bourdon, qui oses défier la cigale. Eh bien ! si mon chevreau ne vaut pas ton mouton, voilà mon bouc. Commence.
LACON. Attends donc ; le feu n'est pas chez toi. Tu chanteras mieux assis sous cet olivier sauvage, à l'entrée du bois. Une source y répand un frais délicieux. La mousse forme un lit bien doux, et les sauterelles font entendre leur murmure.
COMATAS. J'attends, mais je ne puis concevoir que tu oses me regarder en face, toi dont mes leçons instruisirent l'enfance. Voilà le prix que j'en retire. Élevez donc des louveteaux, élevez des chiens (25) pour qu'ils vous dévorent !
LACON. Des leçons ! Toi ! et quand donc, je te prie, envieux et chétif avorton, est-il sorti de ta bouche quelque chose de bon et de sage dont je puisse me souvenir ?
COMATAS. Quand ? Mais le jour où tu sais, la douleur doit te le rappeler. Les chèvres bondissaient autour de nous, et le bélier se dressait sur ses pieds de derrière.
LACON. Que ton corps, vilain bossu, n'entre pas sous la terre plus avant que... Allons, viens, commence.
COMATAS. Non, je ne quitterai pas ces chênes ni ce tendre gazon où l'abeille bourdonne autour de sa ruche. Ici deux sources versent une onde pure, les oiseaux font entendre leurs doux gazouillements sur ces arbres, et cette ombre est préférable à la tienne. D'ailleurs ce pin laisse tomber ses fruits.
LACON. Mais tu te reposeras ici sur des toisons d'agneaux, sur un duvet plus doux que le sommeil. Ces peaux de boucs sentent encore plus mauvais que toi. Demain j'offrirai aux Nymphes une grande coupe remplie d'un lait délicieux et une autre de la liqueur de l'olive.
COMATAS. Et toi, tu fouleras ici la molle fougère et le pouliot fleuri; j'étendrai sous toi des peaux de chèvres mille fois plus douces que tes toisons d'agneaux. J'offrirai à Pan huit vases de lait et huit ruches garnies de leurs rayons pleins du miel le plus pur.
LACON. Reste donc là-bas à l'ombre de tes chênes favoris, et commence ta chanson. Mais qui sera le juge ? Si Sycopos venait !
COMATAS. Je n'ai que faire de lui. Si tu veux appelons ce bûcheron qui fend des tamaris là-bas derrière toi. Je crois que c'est Morson.
LACON. J'y consens.
COMATAS. Eh bien! appelle-le.
LACON. Hé ! l'ami ! viens nous entendre ; il s'agit du prix du chant. Il ne faut, mon cher Morson, ni m'être favorable ni protéger Comatas.
COMATAS. Oui, au nom des Nymphes, je t'en prie, ami Morson, pas de partialité pour moi, mais pas d'indulgence pour Lacon. Ce troupeau est celui de Thyrius, et les chèvres que tu vois là-bas appartiennent à Eumarus, tous deux de Sybaris.
LACON. Mais, traître ! quelqu'un te demandait-il si ce troupeau est au Sybarite ou à moi ? Dieux ! que tu es babillard !
COMATAS. Oh ! l'homme modeste, je dis la vérité, moi, et je ne suis pas un insolent orgueilleux comme toi qui as toujours des injures à la bouche.
LACON. Auras-tu bientôt fini ? Renvoie donc cet homme, tu vas l'assommer du poids de tes paroles. Par Apollon, quel bavard !
COMATAS. (Il chante.)
Les Muses me préfèrent à Daphnis ; aussi leur ai-je ces jours derniers immolé deux chevreaux.
LACON.
Apollon m'aime; aussi j'élève pour lui un superbe bélier, car les fêtes carnéennes (29) s'approchent.
COMATAS.
Mes chèvres, deux exceptées, ont toutes deux petits, et c'est moi qui presse leurs mamelles. Ma bergère me voyant l'autre jour s'écria : "Quoi! pauvre chevrier, seul pour tant de soins ?
LACON.
Lacon remplit vingt éclisses de fromages et va ensuite jouer avec son jeune ami.
COMATAS.
Cléarista me jette des pommes lorsque je passe auprès d'elle et murmure de bien tendres paroles.
LACON.
Quand le jeune Cratidas accourt à ma rencontre, je suis tout joyeux de voir flotter sur ses épaules sa blonde chevelure.
COMATAS.
Ne compare donc pas à la rose l'églantier et l'anémone, ces fleurs couvrent tous les buissons.
LACON.
Ne compare pas le gland à la pomme ; l'un a une dure écorce et l'autre la douceur du miel.
COMATAS.
Je donnerai bientôt à ma jeune bergère une colombe qui tous les soirs se perche sur un genévrier.
LACON.
Lorsque je tondrai ma brebis noire, j'en donnerai la belle toison à Cratidas.
COMATAS.
Mes chèvres, respectez les rameaux de l'olivier ; paissez sur le penchant de la colline, parmi ces bruyères.
LACON.
Cunarus, Cinétha, loin du chêne : paissez à l'orient comme Phalarus.
COMATAS.
Je réserve pour ma bergère un vase de bois de cyprès et une belle coupe, ouvrage du divin Praxitèle.
LACON.
J'ai pour garder mon troupeau un superbe chien qui ne craint pas les loups ; Cratidas le mènera à la chasse.
COMATAS.
Agiles sauterelles qui sautillez sur les haies, épargnez mes vignes jeunes encore.
LACON.
Voyez, cigales, comme mes chants irritent ce chevrier ; ainsi vous irritez le moissonneur fatigué.
COMATAS.
Je hais les renards qui visitent souvent les vignes de Micon et tous les soirs en dévorent les raisins.
LACON.
Et moi, ces escarbots qui se gorgent des figues nouvelles de Philondas et fuient après à tire d'aile.
COMATAS.
As-tu déjà oublié ce jour où, appuyé contre un chêne tu étais soumis au vainqueur ?
LACON.
Oui, mais je me souviens du jour où Eumoras garotta et fustigea Comatas avec de dures lanières.
COMATAS.
On se fâche ! Morson, le vois-tu ? Va cueillir la scille vieillie autour des tombeaux.
LACON.
Moi aussi j'excite la colère ; tu le vois, Morson ? Hâte-toi d'aller arracher la cyclamine (27) sur les bords de l'Halente.
COMATAS.
Himère, change tes flots en un lait pur ; Cratis, roule des ondes de vin, et que le jonc stérile produise des fruits.
LACON.
Que la source du Sybaris soit pleine de miel, et que tous les matins ma bergère y remplisse son urne des trésors de l'abeille.
COMATAS.
Mes chèvres se nourrissent de cytise et d'aigile, foulent le jonc et se reposent sur le feuillage de l'arbousier fleuri.
LACON.
Partout mes brebis rencontrent l'odorante mélisse, et pour elles la rose s'épanouit sur le lierre.
COMATAS.
Je n'aime plus Alcippe ; elle a pris ma palombe sans me saisir par l'oreille pour m'embrasser.
LACON.
Moi, j'aime toujours Eumède ; toutes les fois que je joue devant lui de ma flûte, il m'embrasse tendrement.
COMATAS.
Lacon, jamais on n'a vu la pie disputer le prix du chant avec le rossignol, ni le hibou avec le cygne. Toi, tu n'es qu'un sot et un jaloux.
MORSON. Bergers, cessez, je vous l'ordonne. Comatas, je t'adjuge le mouton : lorsque tu le sacrifieras aux Nymphes, n'oublie pas d'envoyer de sa chair délicate à Morson.
COMATAS. Oh ! oui, je t'en enverrai, j'en jure par le dieu Pan. Maintenant, mes boucs, bondissez de joie; soyez témoins des transports que me causent ma victoire sur Lacon et le prix que j'ai remporté. Ma gloire m'élève jusqu'aux cieux. Courage, mes chèvres, demain je vous laverai toutes dans les sources du Sybaris. Hé ! toi, blanc et pétulant bélier qui menaces de la corne, je te frapperai si tu oses t'approcher des chèvres avant mon sacrifice aux Nymphes. Tu recommences !... Si je ne t'assomme, je consens qu'on m'appelle Mélanthe (30).

VIe IDYLLE

LES CHANTEURS BUCOLIQUES (31)

Daphnis chante l'amour de Galatée pour Polyphème ; Damétas, l'indifférence du Cyclope.

DAMÉTAS, DAPHNIS
Mon cher Aratus, Damétas et Daphnis avaient réuni leurs troupeaux dans le même pâturage ; l'un était enfant encore, et les joues de l'autre se couvraient déjà d'un léger duvet. Assis auprès d'une source, au milieu d'un beau jour d'été, ils chantèrent. Daphnis, auteur du défi, commença :
DAPHNIS chante.
Ô Polyphème ! Galatée lance des pommes à tes brebis, elle t'appelle berger intraitable, amant insensible ; et toi, sans la regarder, indifférent Cyclope, tu fais résonner tes pipeaux harmonieux.
Elle agace aussi ton chien, de tes brebis surveillant fidèle ; il gronde contre la mer, les flots bruissent doucement, ouvrent un passage à cette Nymphe et la laissent voir courant vers le rivage.
Ah ! prends garde, lorsqu'elle va s'élancer de la mer, que ton chien ne blesse son corps d'albâtre.
Je la vois, elle court, elle folâtre : telle vole au gré des vents l'aigrett
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